Cass. com., 15 mars 2005, n° 03-20.332
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Phoenix Pharma que sur le pourvoi provoqué relevé par M. X..., M. Y..., ès qualités, et M. Z..., ès qualités ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., pharmacien, a été mis en redressement judiciaire suivant le régime simplifié le 29 janvier 2001, M. Y... étant désigné représentant des créanciers ;
que le 8 mars 2001, la société Phoenix Pharma (la société) a présenté au représentant des créanciers une demande en acquiescement de revendication de marchandises vendues avec une clause de réserve de propriété, qui a été rejetée ; que le 30 avril 2001, le tribunal a décidé de faire application du régime général et désigné M. Z... administrateur ; que par ordonnance du 21 mai 2001, le juge-commissaire, saisi de la demande en revendication, a déclaré la demande recevable et dit que, suite au jugement du 30 avril 2001, le requérant devait formuler sa requête auprès de l'administrateur nouvellement désigné pour qu'il puisse statuer sur la motivation et les éléments de cette requête ; que la société a présenté requête à l'administrateur le 18 juin 2001 qui l'a refusée ; que par ordonnance du 16 novembre 2001, le juge-commissaire a déclaré la requête recevable et l'a rejetée ;
Sur le moyen unique du pourvoi provoqué, qui est préalable :
Attendu que M. X..., M. Y..., ès qualités, et M. Z..., ès qualités, font grief à l'arrêt d'avoir jugé recevable l'action en revendication de la société Phoenix Pharma alors, selon le moyen :
1°) que le délai de trois mois imposé au créancier pour la revendication des meubles est prescrit à peine de nullité et présente un caractère préfix ; que par suite, viole l'article L. 621-115 du Code de commerce, l'arrêt qui, ayant constaté que la société Phoenix Pharma, après avoir adressé une première requête au représentant des créanciers, avait adressé une seconde requête à l'administrateur judiciaire entre temps désigné, décide que cette seconde requête, bien que délivrée après l'expiration du délai de trois mois prévu par le texte susvisé, avait pu valablement saisir les organes de la procédure d'une demande de revendication au seul motif que le juge-commissaire avait lui-même prescrit à la société d'agir ainsi ;
2°) qu'aux termes de son ordonnance du 21 mai 2001, le juge-commissaire a statué comme suit : "disons que, suite au jugement prononcé le 30 avril 2001 nommant M. Z... administrateur, le requérant doit formuler sa requête auprès de l'administrateur nouvellement désigné pour qu'il puisse statuer sur les motivations et sur les éléments de la présente requête" ; qu'il ressort de cette décision que le juge-commissaire qui l'a rendue s'est déclaré dessaisi de l'instance qui s'était nouée à la suite du refus du représentant des créanciers d'admettre la revendication, et renvoyé la société Phoenix Pharma à déposer une nouvelle requête devant l'administrateur, afin que celui-ci statue de nouveau sur la demande de revendication ; qu'en affirmant, pour en déduire que la société Phoenix Pharma avait agi dans le délai de trois mois prévu par l'article L. 621-115 du Code de commerce, que l'ordonnance susvisée avait simplement invité cette société à régulariser sa première requête et que le juge-commissaire n'était pas dessaisi du litige né du refus opposé par le représentant des créanciers à ladite requête, la cour d'appel en a méconnu les termes en violation de l'article 1351 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la requête présentée au représentant des créanciers avait été formée dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement d'ouverture, l'arrêt retient que la régularité de cette requête n'était pas atteinte par la désignation postérieure d'un administrateur, ni par l'ordonnance avant-dire droit du juge-commissaire du 21 mai 2001 ayant demandé à la société de présenter sa requête à l'administrateur nouvellement désigné ; que par ces appréciations, exclusives de toute dénaturation, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa requête en revendication des marchandises vendues avec une clause de réserve de propriété alors, selon le moyen, que la revendication en nature peut s'exercer sur des biens fongibles lorsque se trouvent entre les mains de l'acheteur des biens de même espèce et de même qualité ; qu'après avoir constaté que les biens revendiqués par le grossiste-répartiteur de médicaments et de produits pharmaceutiques étaient de même espèce et de même qualité que ceux qu'il avait vendus avec une clause de réserve de propriété, la cour d'appel a considéré pour rejeter la requête qu'il n'était pas démontré que les marchandises revendiquées étaient identifiables, individualisées et marquées ; qu'en ajoutant de la sorte aux prévisions de la loi, la cour d'appel a violé l'article L. 621-122, alinéa 3 in fine, du Code de commerce ;
Mais attendu que loin de constater que les biens revendiqués par la société étaient de même espèce et de même qualité que ceux qu'elle avait vendus avec une clause de réserve de propriété à M. X..., l'arrêt relève, dans l'exercice de son pouvoir souverain que les marchandises revendiquées n'avaient pas le caractère de biens fongibles ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 621-122, alinéa 2, du Code de commerce ;
Attendu que pour rejeter la demande en revendication de la société, l'arrêt, après avoir relevé que les biens revendiqués n'avaient pas le caractère de biens fongibles, retient que la société ne démontre pas que les biens vendus avec une clause de réserve de propriété se retrouvent en nature entre les mains de M. X... au jour de la revendication ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que peuvent être revendiqués les biens vendus avec une clause de réserve de propriété qui se retrouvent en nature à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi provoqué ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a infirmé le jugement dont appel pour le surplus et, statuant à nouveau, rejeté les demandes de la société Phoenix Pharma, l'arrêt rendu le 19 septembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims.