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Décisions

Cass. com., 11 octobre 2016, n° 14-26.901

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Ortscheidt

Paris, du 18 sept. 2014

18 septembre 2014

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième et huitième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 septembre 2014), que la société Molex Automotive (la société MAS), ayant pour associés la société Molex CV Holdings Inc. et la société Molex International Inc., cette dernière étant détenue à 100 % par la société Molex INC (la société Molex), a été mise en liquidation judiciaire le 4 novembre 2010 ; que le liquidateur a assigné en paiement de l'insuffisance d'actif la société Molex, la tenant pour dirigeant de fait de sa sous-filiale ;

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :

1°/ que doit être qualifiée de dirigeant de fait la société mère qui accomplit en toute indépendance et souveraineté des actes positifs de gestion et de direction de sa filiale ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'une direction de fait de la société MAS par la société Molex, que « l'immixtion de la société grand-mère dans la gestion économique et sociale de sa sous-filiale ne [pouvait] naître que d'une confusion d'intérêts, d'activités et de direction qui n'[était] pas démontrée, de nature à permettre d'effacer la différence de leurs personnalités juridiques », la cour d'appel, qui s'est fondée sur les critères du co-emploi, a violé l'article L. 651-2 du code de commerce ;

2°/ que doit être qualifiée de dirigeant de fait la société mère qui accomplit en toute indépendance et souveraineté des actes positifs de gestion et de direction de sa filiale qui en déterminent le sort ; qu'en l'espèce, l'exposante soutenait que la société Molex avait elle-même pris la décision de mettre définitivement fin à l'activité de sa filiale, jusqu'alors in bonis, en fermant son unique établissement, s'immisçant ainsi dans sa gestion ; qu'en retenant que les dirigeants de droit de la société MAS étaient demeurés maîtres de sa gestion, sans rechercher si la décision de mettre définitivement fin à l'activité de la filiale en fermant son site de production de Villemur n'avait pas pour conséquence la disparition de la société MAS en dehors de toute procédure de dissolution et de liquidation, de sorte que cette seule décision constituait une immixtion dans sa gestion, caractérisant une direction de fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

3°/ que doit être qualifiée de dirigeant de fait la société mère qui, niant l'existence et l'autonomie d'une de ses filiales, lui impose une décision contraire à son intérêt ; qu'en l'espèce, le liquidateur soutenait que la société Molex avait elle-même pris la décision de mettre fin à l'activité de sa filiale, jusqu'alors in bonis, s'immisçant ainsi dans sa gestion ; qu'en se bornant à relever que, « si la décision de fermeture figure bien dans le plan stratégique de Molex, la chose ne peut surprendre, sauf à considérer, ce qui est contraire à la loi et aux règles de gouvernance, que les actionnaires n'ont pas à opérer les choix stratégiques qui les engagent cependant » sans rechercher si la décision de mettre définitivement fin à l'activité de la société MAS en fermant son site de production de Villemur, et en la conduisant ainsi à la cessation des paiements, n'était pas contraire à l'intérêt de cette filiale et ne caractérisait pas, partant, une direction de fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

4°/ que dans ses conclusions d'appel, le liquidateur soutenait également que la société Molex prenait de nombreuses décisions de gestion, telles que le refus de la diversification du site de Villemur, qu'elle était directement en contact avec les fournisseurs et les clients de la société MAS, qu'elle donnait des ordres aux salariés de celle-ci, notamment en leur interdisant l'accès au site de Villemur, qu'elle avait été l'interlocuteur des organes de la procédure de liquidation judiciaire de sa filiale et qu'elle détenait ses documents comptables ; qu'en retenant que les dirigeants de droit de la société MAS étaient demeurés maîtres de sa gestion, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que doit être qualifiée de dirigeant de fait la société mère qui accomplit en toute indépendance et souveraineté des actes positifs de gestion et de direction de sa filiale ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'une direction de fait, qu'il était « difficile de soutenir à la fois l'absence d'autonomie des co-gérants de MAS au motif qu'ils [étaient] cadres salariés de Molex Inc. et, dans le même temps, de reprocher à cette dernière de leur donner des instructions », sans rechercher si les instructions données par la société Molex à ses salariés, dirigeants de droit de sa filiale, la société MAS, ne constituaient pas une immixtion dans la gestion de celle-ci, caractérisant une direction de fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

6°/ que doit être qualifiée de dirigeant de fait la société mère qui accomplit en toute indépendance et souveraineté des actes positifs de gestion et de direction de sa filiale ; que, dans ses conclusions d'appel, le liquidateur avait fait valoir que la société Molex avait imposé à la société MAS un accord régissant la distribution de ses produits avec la société P&S, s'immisçant ainsi dans sa gestion ; qu'en retenant que la négociation directe par la société Molex d'accords de distribution engageant la société MAS, bien qu'avérée, ne caractérisait pas une immixtion dans la gestion de celle-ci, dès lors qu'elle était conforme à son intérêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

7°/ que doit être qualifiée de dirigeant de fait la société mère qui accomplit en toute indépendance et souveraineté des actes positifs de gestion et de direction de sa filiale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé qu'« [était] invoqué le fait que Molex ait interdit aux dirigeants de la société MAS de communiquer sur le budget 2012 auprès de la représentation du personnel » ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'une immixtion de la société Molex dans la gestion de la société MAS, que « Molex Inc. est une société américaine relevant d'un droit qui ne connaît pas ce mécanisme de représentation des salariés » et qu'il n'était « pas démontré qu'elle gère un établissement en France permettant de la soumettre à ces dispositions d'ordre public », sans rechercher si le fait d'interdire aux dirigeants de sa filiale de communiquer sur le budget 2012 auprès des représentants du personnel ne constituait pas une immixtion dans la gestion de celle-ci, caractérisant une direction de fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

8°/ que constitue une faute de gestion la décision imposée à une filiale par la société mère, par laquelle elle s'approprie, sans contrepartie, un de ses éléments d'actif ; qu'en l'espèce, le liquidateur faisait valoir que la société Molex avait dupliqué l'outil de production de sa filiale, s'appropriant ainsi l'un de ses actifs sans aucune contrepartie ; qu'en retenant que « la décision de faire cloner aux Etats-Unis les pièces fabriquées à Villemur […] n'était pas en elle-même de nature à priver la société MAS de toute autonomie et de toute viabilité économique » et que cette décision avait été prise « dans un but commun au groupe, donc également à MAS », sans rechercher si cette décision, qui avait été prise, tandis que, parallèlement, il avait été définitivement mis fin à l'activité de la société MAS, qui avait fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, comportait une contrepartie et n'était pas, en son absence, contraire à l'intérêt de la filiale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir retenu que la détention indirecte de la société MAS par le biais d'entités détenues à 100 % n'est pas un élément suffisant pour soutenir une absence d'autonomie de la sous-filiale, à l'égard de la société Molex, que la spécialisation de la production organisée par la société Molex dans le groupe ne conduisait pas celle-ci à déterminer les prix d'achat et de vente et qu'il n'existait pas une gestion commune du personnel, l'arrêt relève que les dirigeants successifs de la société MAS sont restés maîtres de la gestion de l'entreprise dans le cadre de la politique du groupe et que leur proximité avec la société Molex tient au contrôle normal, par cette dernière, de l'activité de ses filiales et sous-filiales, inhérent à l'existence d'un groupe de sociétés : qu'il ajoute que, si la société Molex a lancé une restructuration des sociétés du groupe, impliquant la cessation de l'activité de la société MAS, elle ne s'est pas immiscée dans la conduite de la fermeture de l'usine exploitée par la société MAS ni dans la conduite du plan de sauvegarde de l'emploi, sa participation s'étant limitée à en assurer le financement ; qu'il relève encore que, si la société Molex a imposé à la société MAS la distribution de sa production par la société Power et Signal, cette décision s'inscrivait dans le cadre de la mise en place d'une nouvelle politique de distribution du groupe et que c'est le directeur de production de la société MAS qui a négocié et signé la convention avec la société Power et Signal ; qu'il relève enfin que les décisions d'organiser la fabrication d'une copie de l'outil de production de la société MAS sur son site aux Etats-Unis et d'y produire des pièces qui étaient antérieurement produites par la société MAS ne confèrent pas à la société Molex la qualité de dirigeant de fait de la société MAS ; que de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées et effectué les recherches prétendument omises, et qui n'avait pas à effectuer celles, inopérantes invoquées par les septième et huitième branches, a pu déduire que la société Molex n'était pas le dirigeant de fait de sa sous-filiale, la société MAS ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses neuvième, dixième, onzième, douzième, treizième, quatorzième, quinzième et seizième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.