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Décisions

Cass. com., 20 avril 2017, n° 15-23.600

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Avocats :

SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP de Nervo et Poupet

Riom, du 17 juin 2015

17 juin 2015

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 17 juin 2015), qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société RL construction (la société), le 3 décembre 2010, le liquidateur a assigné en responsabilité pour insuffisance d'actif MM. X... et Y..., en leur qualité de dirigeant de droit, et M. Z..., en tant que dirigeant de fait ; que ce dernier a également été assigné en prononcé de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de le condamner à combler l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la société et de prononcer à son encontre une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute personne morale, pour une durée de cinq ans alors, selon le moyen, que la qualité de dirigeant de fait au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 651-2 du code de commerce ne peut être déduite que de l'accomplissement, en toute indépendance, d'actes manifestant un pouvoir de gestion et de direction de l'entreprise ; qu'en l'espèce, pour retenir que M. Z... avait eu la qualité de gérant de fait de la société, légalement dirigée par M. X... entre le 17 décembre 2007 et le 31 août 2010, la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a relevé que son épouse, alors dirigeante de droit de la société, lui avait donné tous pouvoirs « pour tout ce qui concerne la société (administratif, financier, clientèle et gestion du personnel » avec procuration sur les comptes bancaires ; qu'elle a également constaté qu'il résultait des témoignages du comptable de la société, du gérant de droit M. X..., d'un courrier du CIC du 1er février 2011 et des dires mêmes de M. Z..., que ce dernier avait gardé mandat pour le fonctionnement du compte bancaire de la société, les premiers juges ayant également constaté qu'il aurait négocié avec des fournisseurs et des clients ; qu'enfin, la cour d'appel a estimé que si M. Z... contestait la sincérité des attestations versées aux débats par le liquidateur de la société, il n'apportait aucune explication satisfaisante sur l'enrichissement personnel objectif dont il avait bénéficié au détriment de la société qui avait fait réaliser des travaux pour son compte ; qu'en statuant de la sorte, aux termes de motifs impropres à caractériser l'accomplissement en toute indépendance d'actes concrets manifestant un pouvoir de gestion et de direction de la société, lequel ne pouvait être déduit de la seule existence de procurations sur les comptes et documents de la société, ni de l'enrichissement procuré par la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que M. Z... avait procuration sur les comptes bancaires de la société de 1998 à décembre 2010, qu'il n'avait aucun lien de subordination avec le gérant de droit qui se trouvait sous son emprise totale, qu'il signait la plupart des marchés et les commandes, qu'il était l'interlocuteur privilégié des salariés, des clients, des banques et des assurances et que le site internet de la société indiquait son nom et son numéro de téléphone ainsi que la mention « depuis 1985, Z... Antonio et son équipe de douze personnes réalisent tous vos travaux de maçonnerie » ; qu'en déduisant de ces constatations et appréciations que M. Z... avait été le dirigeant de fait de la société, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt des condamnations prononcées à son encontre et du rejet de ses demandes tendant à voir juger que M. X... avait commis des fautes de gestion ayant provoqué l'insuffisance d'actif de la société RL construction, et à la condamnation de M. X... à combler l'insuffisance d'actif de cette société alors, selon le moyen, que tout dirigeant, de droit ou de fait, peut être condamné au comblement de l'insuffisance d'actif que sa faute de gestion a contribué à créer ; que pour mettre hors de cause M. X..., gérant de droit de la société RL constructions entre le 31 décembre 2007 et le 31 août 2010, la cour d'appel a retenu que ce dernier s'était « trouvé contraint par son statut d'associé minoritaire et son lourd endettement pour sa participation financière au capital de la société » et qu'il avait finalement donné sa démission après avoir établi un rapport de gérance relatant son impuissance face à M. Z..., ce qui avait été aussitôt confirmé lors de l'assemblée générale du 1er septembre 2010 par le rejet de ses demandes de résolutions tendant à la désignation d'un expert pour vérifier le coût des travaux effectués pour le compte de ce dernier ainsi que la valeur locative des locaux exploités par la société RL construction ; qu'en statuant par de tels motifs, inaptes à décharger le gérant de droit de sa responsabilité dans la mauvaise gestion de la société, ni rechercher si M. X... n'avait pas commis des fautes de gestion, attestées par la chute vertigineuse du chiffre d'affaires de la société RL constructions entre 2007 et 2010, puis pour avoir tardé à démissionner alors qu'il ne maîtrisait prétendument plus la direction de la société, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

Mais attendu que, selon l'article L. 651-3 du code de commerce, seuls le liquidateur, le ministère public, et, sous certaines conditions, les contrôleurs, ont qualité pour agir en responsabilité pour insuffisance d'actif ; qu'en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance, le tribunal peut décider que le montant de l'insuffisance d'actif de la personne morale sera supporté, en tout ou partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants ou par certains d'entre eux ; qu'en conséquence, M. Z... n'ayant pas qualité, même à titre de garantie, à agir contre un autre dirigeant de la société, le moyen est irrecevable ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que M. Z... fait encore grief à l'arrêt de le condamner à combler l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la société et de prononcer à son encontre une interdiction de gérer d'une durée de cinq ans alors, selon le moyen :

1°/ que le dirigeant de droit ou de fait d'une société ne peut être condamné, en cas de faute de gestion, qu'au comblement de l'insuffisance d'actif en lien de causalité avec cette faute, et correspondant aux seules dettes nées avant le jugement d'ouverture de la procédure ; qu'en condamnant M. Z... au paiement de l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la société RL constructions, soit d'après les énonciations de la cour d'appel la somme de 624 687, 66 euros, sans caractériser l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre cette insuffisance d'actif et les fautes imputées à M. Z..., ni constater que le montant de l'insuffisance d'actif retenue correspondait aux seules dettes nées avant le jugement d'ouverture de la procédure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

2°/ que pour condamner M. Z... à prendre en charge l'intégralité de l'insuffisance d'actif accusée par la société RL construction, la cour d'appel, après avoir retenu un certain nombre de fautes de gestion à l'encontre de ce dernier, a retenu que ces fautes avaient contribué à l'insuffisance d'actif qui s'élevait à la somme de 624 687, 66 euros ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'insuffisance d'actif subie par la société RL construction n'était pas, à tout le moins en partie, imputable à la gérance de M. X... et qu'ainsi, la condamnation de M. Z... à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actif, de même que la sanction d'interdiction de gérer pendant 5 ans prononcée à son encontre, n'étaient pas disproportionnées au regard des faits qui lui étaient reprochés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 651-2 et L. 653-1 du code de commerce, ensemble le principe de proportionnalité ;

Mais attendu que le dirigeant d'une personne morale peut être déclaré responsable, sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce, même si la faute de gestion qu'il a commise n'est que l'une des causes de l'insuffisance d'actif et sans qu'il y ait lieu de déterminer la part de cette insuffisance imputable à sa faute ; qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que M. Z... s'était octroyé une rémunération excessive au regard de la situation économique de l'entreprise, qu'il n'avait pas accompli les démarches nécessaires au recouvrement des factures impayées pour le compte de la société, qu'il avait disposé des biens et des salariés de celle-ci comme des siens propres et que des actifs mobiliers de l'entreprise avaient été dissipés avant l'ouverture de la procédure, au point que l'actif subsistant au jour de la déclaration de la cessation des paiements était limité à 3 860 euros pour un passif dépassant 600 000 euros, la cour d'appel, qui a caractérisé le lien de causalité existant entre les fautes de gestion imputables à M. Z... et l'insuffisance d'actif existant dès l'ouverture de la procédure et retenu qu'il convenait d'écarter du monde des affaires le dirigeant, qui avait sciemment appauvri l'entreprise dans son intérêt personnel, a, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, et sans méconnaissance du principe de proportionnalité, pu mettre à la charge de M. Z... l'intégralité de l'insuffisance d'actif et prononcer contre lui une interdiction de gérer d'une durée de cinq ans ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.