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Décisions

Cass. com., 7 mars 2017, n° 15-16.865

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Frouin

Avocats :

SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau et Fattaccini

Aix-en-Provence, du 19 févr. 2015

19 février 2015

Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mme Y..., M. A... et M. Z... ont été engagés respectivement les 3 août 2000, 15 février 2001 et 9 avril 2004 par la société Grand Casino de [...] exploitant une activité de casino et filiale ; qu'elle fait partie d'un groupe dont la société mère est la Sa DD... G... ; que, placée en redressement judiciaire le 15 juillet 2010, la société Grand Casino de [...] a fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du 6 octobre 2010, M. B... étant nommé mandataire liquidateur ; que les salariés ont été licenciés pour motif économique par lettres des 19 octobre et 8 novembre 2010 ; que, contestant cette mesure, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale et demandé la condamnation des deux sociétés à titre de coemploi ; Sur le premier moyen : Vu l'article L. 1221-1 du code du travail ;

Attendu que pour condamner la société DD... G... à payer solidairement avec la société Grand Casino de [...] les sommes allouées aux salariés au titre de leur licenciement, les arrêts retiennent que la société DD... G... était systématiquement représentée dans les organes des sociétés filiales du groupe, qu'aux termes du préambule de la convention de trésorerie du 3 février 1998 liant la société mère à ses filiales, celles-ci reconnaissaient que la société DD... G... était la société dominante du groupe et qu'elle disposait de représentants dans les organes de direction de toutes les sociétés du groupe et qu'elle exerce à travers eux dans les faits un pouvoir de décision et de direction ; que les société mère et la société Grand Casino de [...] étaient liées par une convention de prestation de services du 3 février 1998 qui prévoyait l'intervention de la société mère à la demande de la filiale et moyennement une rémunération, dans les prestations de services de marketing, financiers, assistance technique, services de formation du personnel et d'aide au recrutement, services administratifs et de secrétariat général, services de gestion financière, services d'assistance comptable et services de centrale d'achat ou de référencement ; que cette convention a été complétée par un avenant du 31 octobre 2002 disposant que les prestations fournies par la société mère peuvent couvrir l'ensemble des métiers de la filiale et particulièrement les métiers d'assistance et de conseil en matière de stratégie de développement, marketing et commerciale, de communication et d'image de marque, dans la politique architecturale et décorative et dans la gestion de l'image des sites et définition des modalités d'utilisation du nom, de l'image et du logo associée à « DD... G... », dans la mise en oeuvre d'actions destinées à promouvoir et développer dans des conditions économiques compétitives l'exercice de l'activité, en matière financière, fiscale, administrative et comptable et notamment pour la mise en place des procédures budgétaires pour le suivi et l'analyse des reporting, pour l'élaboration des tableaux de bord et des outils de contrôle, pour l'audit des comptes, pour la mise en place des outils adéquat, pour une aide à l'élaboration et à la mise en place de procédures internes et au suivi des interventions conduites par les prestataires extérieurs tels que les experts-comptables ainsi qu'une aide dans le cadre de la délégation de service public liée à l'activité casinotière (procédure d'appel d'offre et d'autorisation d'exploitation des jeux ; suivi des relations avec les collectivités locales ; suivi des contrôles des ministères de tutelle), une assistance en matière informatique couvrant la politique d'implantation des matériels et des systèmes d'information et le pilotage des choix et des mises en place des produits informatiques, une assistance et un conseil en matière juridique et de gestion de ressources humaines, couvrant notamment les procédures de recrutement, de gestion de la mobilité, conseils en matière de droit du travail et de droit social, suivi des contrôles des organismes et administrations, assistance dans le cadre des contentieux, et veille juridique, de sorte que l'autonomie de la filiale Grand Casino de [...], bien que seule détentrice de la délégation de service public et seule autorisée à exploiter juridiquement le casino et notamment à engager, rémunérer et licencier les personnes qui y sont employées à un titre quelconque dans les salles de jeux, n'était qu'apparente, l'intervention effective de la société DD... G... auprès de sa filiale couvrant la quasi-totalité de ses activités de management et allant au delà de la volonté d'harmoniser les pratiques commerciales et de gestion administrative des filiales du groupe ; que cette gestion de fait conduite par la société DD... G... dans le domaine comptable, économique ou commercial et social et la privation de toute autonomie de la société Grand Casino de [...] est corroborée par différentes pièces dont un procès-verbal du comité d'entreprise de la société Grand Casino de [...] du 29 octobre 2009 actant que la réponse à apporter à une question portant sur l'entretien des tenues de travail du personnel et le versement d'une prime de salissure était soumise au siège du groupe, démontrant ainsi une absence de liberté dans la gestion du personnel, que le directeur général de la société Grand Casino de [...] devait soumettre son budget à la société mère et rendre compte régulièrement de sa gestion et appliquer les choix stratégiques de la société mère en matière de politique commerciale et financière et de gestion administrative, comptable et sociale, la filiale étant totalement dépendante sur le plan décisionnel et financier de la société mère DD... G... ; que celle-ci a permis, par son soutien financier anormalement élevé par rapport aux capacités de remboursement de la filiale, la poursuite de l'activité pendant des années et est intervenue dans la procédure de cessation d'activité et que le directeur général de la société Grand Casino de [...] devait soumettre son budget à la société mère et rendre compte régulièrement de sa gestion et appliquer les choix stratégiques de la société mère en matière de politique commerciale et financière et de gestion administrative, comptable et sociale, la filiale étant totalement dépendante sur le plan décisionnel et financier de la société mère DD... G... , celle-ci ayant permis, par son soutien financier anormalement élevé par rapport aux capacités de remboursement de la filiale, la poursuite de l'activité pendant des années et étant intervenue dans la procédure de cessation d'activité de la filiale ;

Attendu cependant que, hors état de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur, à l'égard du personnel employé par une autre, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction, se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que le fait que les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et soient en étroite collaboration avec la société dominante, que celle-ci ait apporté à sa filiale un important soutien financier et que pour le fonctionnement de la filiale aient été signées avec la société dominante une convention de trésorerie ainsi qu'une convention générale d'assistance moyennant rémunération, ne pouvaient suffire à caractériser une situation de coemploi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen qui concerne M. Z... :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société DD... G... a la qualité de coemployeur et la condamne solidairement à payer avec la société Grand Casino de [...] les sommes allouées aux salariés au titre de leur licenciement et à rembourser les sommes versées au titre des allocations chômage, les arrêts rendus le 19 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.