Cass. com., 24 janvier 2018, n° 16-23.649
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Avocats :
Me Le Prado, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SARL Abri 7, dont M. Z... était le gérant, a été mise en redressement judiciaire le 8 décembre 2010, puis en liquidation judiciaire le 27 janvier 2011 ; que le 18 avril 2013, la D..., liquidateur de cette société, a assigné M. Z..., en qualité de dirigeant de droit, et M. Y..., en tant que dirigeant de fait, pour les voir condamner au paiement d'une somme de 500 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif et voir prononcer à leur encontre une mesure de faillite personnelle ; que le tribunal a condamné « conjointement et solidairement » MM. Z... et Y... à payer à la D..., ès qualités, la somme de 250 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif de la société Abri 7 et a prononcé à l'encontre de chacun des dirigeants une interdiction de gérer de 10 ans ; que la cour d'appel a confirmé le jugement ;
Sur les premier, deuxième, troisième, quatrième, sixième et huitième moyens :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le cinquième moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches :
Vu l'article L. 651-2 du code de commerce ;
Attendu que pour juger que la qualité de gérant de fait de M. Y... est acquise et non contestée, l'arrêt, après s'être référé aux conclusions du liquidateur, selon lesquelles le gérant de droit, M. Z..., a laissé la gestion et la direction de la société à son directeur commercial, M. Y..., antérieurement gérant de droit d'une société Archimède mise en liquidation judiciaire le 27 mai 2010, relève qu'il résulte du rapport établi par l'administrateur judiciaire que ce dernier n'a jamais rencontré le dirigeant de droit lequel n'est jamais intervenu dans la gestion de la société Abri 7 et relate un entretien avec le comptable et M. Y... faisant ressortir que ce dernier assurait de fait les fonctions de dirigeant, dans la mesure où il gérait la partie commerciale de l'activité, ainsi que la recherche, le développement et la communication de l'entreprise et que le rapport de l'administrateur précise encore que M. Y... avait été le dirigeant social d'une société Eden Industrie mise en liquidation judiciaire le 26 juin 2008 et ajoute que M. Z... lui a adressé un courrier selon lequel M. Y... avait toute sa confiance concernant la bonne marche de l'entreprise et qu'il le déléguait pour le représenter dans certaines affaires commerciales et administratives, le dirigeant de droit précisant que son engagement auprès d'une autre société en tant qu'employé grevait sa disponibilité pour la société Abri 7 ; que l'arrêt retient enfin que le jugement de conversion du redressement en liquidation judiciaire a relevé l'absence de M. Z... à tous les stades de la procédure ;
Qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser l'accomplissement, en toute indépendance, par M. Y..., qui faisait valoir que sa gérance de la société n'était pas démontrée, d'actes positifs de gestion et de direction de la société Abri 7 excédant ses fonctions de directeur commercial, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le septième moyen :
Vu les articles L. 223-42 et L. 651-2 du code de commerce ;
Attendu que pour condamner solidairement MM. Z... et Y... à payer au liquidateur la somme de 250 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif de la société Abri 7, l'arrêt impute aux dirigeants, parmi les fautes de gestion retenues, la non-reconstitution des fonds propres pour répondre aux besoins en fonds de roulement de la société ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'absence de régularisation effective, dans le délai légal, de la situation des capitaux propres d'une SARL ne peut être imputée qu'aux associés et non aux dirigeants, auxquels il ne peut être reproché que leur abstention de convoquer les associés afin qu'ils se prononcent sur les conséquences de cette situation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la condamnation à supporter une partie de l'insuffisance d'actif ayant été prononcée en considération de plusieurs fautes de gestion, la cassation encourue à raison de l'une entraîne, par application du principe de proportionnalité, la cassation de l'arrêt de ce chef ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 juillet 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.