Cass. com., 10 février 2015, n° 13-17.589
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Le Bret-Desaché, SCP Waquet, Farge et Hazan
Joint les pourvois n° N 13-17. 589 et N 13-17. 819, qui attaquent le même arrêt :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société BVA constructions (la société débitrice) ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 20 octobre et 8 décembre 2008, le liquidateur a assigné M. X..., en qualité de gérant de droit de cette société, et M. Y..., en qualité de gérant de fait, en paiement de l'insuffisance d'actif ; Sur le premier moyen du pourvoi n° N 13-17. 589 :
Attendu que M. Y...fait grief à l'arrêt de dire qu'il avait, en qualité de gérant de fait, commis des fautes de gestion et de le condamner à payer une certaine somme au titre de l'insuffisance d'actif alors, selon le moyen :
1°/ qu'une personne ne peut être qualifiée de gérant de fait que si elle a exercé en toute indépendance une activité positive de direction ou de gestion de la société ; qu'en retenant la qualité de dirigeant de fait de M. Y...aux motifs qu'il s'était porté caution de la société débitrice au profit de l'URSSAF, qu'il était habilité à faire fonctionner les comptes de l'entreprise, qu'il a vendu des véhicules de la société, qu'il était le seul interlocuteur des clients qui le désignait au liquidateur comme le gérant de la société sans expliquer en quoi M. Y...aurait exercé en toute indépendance des actes positifs de gestion de la société débitrice, en l'absence d'une caractérisation d'une véritable immixtion de M. Y...dans la gestion de la société débitrice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;
2°/ que le seul fait de vendre deux véhicules de la société sans mandat ne saurait suffire à caractériser des actes positifs de direction de nature à faire qualifier son auteur de gérant de fait a fortiori lorsque cet acte est associé avec d'autres actes qui ne caractérisent pas la qualité de gérant de fait ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2, alinéa 1er, du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. Y..., associé de la société débitrice, était habilité à faire fonctionner les comptes tenus au CIC, qu'il avait vendu les deux véhicules de la société les 6 août et 20 juin 2008 sans avoir reçu mandat pour ce faire du gérant de droit, résidant en Corse, et que, même s'il bénéficiait d'un contrat de travail en qualité de responsable technique, il était le seul interlocuteur des clients qui le désignaient au liquidateur comme le gérant de la société et lui adressaient leurs réclamations pour des malfaçons et non-conformités, tandis que M. X..., gérant de droit, déclarait lui-même qu'il était salarié en Corse et ne pouvait se déplacer fréquemment depuis le début de l'année 2007, l'arrêt retient que M. Y...a accompli des actes de gestion qui dépassaient les prérogatives attachées à son contrat de travail et qu'en l'absence du dirigeant qui avait abandonné l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction depuis janvier 2007, il assurait de fait la gestion administrative et financière de la société ; que par ces constatations et appréciations, faisant ressortir l'accomplissement en toute indépendance, par M. Y..., d'actes positifs de gestion ou de direction de la société débitrice, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique du pourvoi n° N 1317819, pris en sa deuxième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ; Mais sur le deuxième moyen du pourvoi n° N 13-17. 589 et sur le moyen unique du pourvoi n° N 13-17. 819, pris en sa première branche : Vu l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 ;
Attendu que pour condamner MM. X...et Y...au titre de l'insuffisance d'actif, l'arrêt, après avoir relevé que la société débitrice avait fonctionné en ligne débitrice toute l'année 2008, qu'à compter du mois de juin 2008, elle n'avait réglé ni les salaires, ni l'URSSAF et que la procédure de redressement judiciaire avait été ouverte sur assignation de l'URSSAF le 20 octobre 2008 et convertie en liquidation judiciaire le 8 décembre 2008, retient qu'en ne déclarant pas la cessation des paiements dans le délai requis de 45 jours à compter du 1er juin 2008, les dirigeants ont commis une faute de gestion ayant contribué à l'aggravation du passif ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure l'existence, à la date retenue comme étant celle de la cessation des paiements, d'un actif disponible permettant à la société débitrice de faire face à son passif exigible et, partant, à caractériser à l'encontre des dirigeants l'omission de la déclaration de la cessation des paiements dans le délai requis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et attendu que la condamnation ayant été prononcée en considération de deux fautes de gestion, la cassation encourue à raison de l'une entraîne la cassation de l'arrêt ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.