Cass. com., 20 juin 1989, n° 88-11.720
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baudoin
Rapporteur :
M. Defontaine
Avocat général :
M. Montanier
Avocats :
Me Vincent, Me Barbey , Me de Chaisemartin
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Vu l'article 544 du Code civil, ensemble les articles 65 et 66 de la loi du 13 juillet 1967 ;
Attendu que, les marchandises vendues sous réserve de propriété étant affectées à la garantie de la créance du vendeur, celui-ci exerce sa revendication sur les marchandises elles-mêmes aussi longtemps qu'elles existent en nature entre les mains du débiteur, et, qu'après leur revente en l'état initial par ce dernier, le prix se trouvant par là-même subrogé aux marchandises, le vendeur exerce sa revendication sur le prix ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 février 1988), que la société Microfrance a été mise en règlement judiciaire converti en liquidation des biens sans avoir payé différents matériels livrés par la Société micro-informatique et de télécommunications (la SMT) ; qu'avant l'ouverture de la procédure collective, la société Microfrance avait revendu une partie de ces matériels et cédé sa créance à la Banque nationale de Paris (la BNP), selon bordereau établi conformément aux dispositions de la loi du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises ; que, se prévalant d'une clause de réserve de propriété, la SMT a revendiqué le prix encore dû à la société Microfrance par le sous-acquéreur tandis que, de son côté, la BNP en a réclamé le paiement en sa qualité de cessionnaire de la créance de la société Microfrance ;
Attendu que la BNP reproche à l'arrêt d'avoir accueilli la revendication de la SMT alors, selon le pourvoi, d'une part, que peut être revendiqué par le vendeur, à l'ouverture de la procédure collective, le prix ou la partie du prix des marchandises vendues avec une clause suspendant le transfert de propriété au paiement intégral du prix qui n'a pas été payé ni réglé en valeur, ni compensé en compte courant entre le débiteur et l'acheteur ; qu'il s'ensuit que l'action en revendication sur le prix ne peut s'exercer que si la créance du prix de revente se trouve encore dans le patrimoine du revendeur à l'ouverture de la procédure collective ; que ladite action ne peut dès lors trouver à s'exercer lorsque l'acquéreur-revendeur a cédé antérieurement sa créance par voie de bordereau conforme à la loi, à un établissement de crédit, une telle cession constituant un mode normal de paiement ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé les articles 65 et 66 de la loi du 13 juillet 1967 et l'article 29-4° de la même loi modifié par l'article 64 de la loi du 24 janvier 1984, ensemble l'article 4 de la loi du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises ; alors, d'autre part, que l'arrêt attaqué énonce lui-même que la société revenderesse, antérieurement à sa mise en règlement judiciaire, a cédé à ses banques " les créances dont elle était titulaire sur ses sous-acquéreurs et dont " l'existence même était menacée par la revendication " du vendeur initial liée à l'éventualité de l'ouverture d'une procédure collective " contre ladite société ; qu'il résulte de ces constatations qu'à la date où elle les a cédées aux banques, la société revenderesse était bien " titulaire " des créances litigieuses et que si leur " existence " était " menacée " par une revendication " potentielle ", lesdites créances n'en " existaient " pas moins dans son patrimoine à la date de la cession ; qu'ainsi, lorsqu'à l'ouverture de la procédure collective, le vendeur initial a pu exercer son droit de revendication, les créances étaient sorties du patrimoine de son acquéreur, lequel n'était plus titulaire d'aucun droit à l'encontre du sous-acquéreur ; que, par suite, en relevant que le vendeur initial était " propriétaire de la créance du prix de revente depuis le jour de l'aliénation des marchandises ", la cour d'appel a méconnu ses propres énonciations et a ainsi derechef violé les textes susvisés et alors, enfin, que la revendication du prix des marchandises " visées à l'article 65 " et grevées d'une clause de réserve de propriété ne peut être accueillie - indépendamment de l'exigence particulière propre à l'article 66 - qu'aux mêmes conditions que la revendication des marchandises elles-mêmes avant leur revente et, notamment, dans la mesure où ces marchandises existaient encore en nature dans le patrimoine du débiteur lors de l'ouverture de la procédure collective ; qu'en l'espèce, il est constant et il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que les marchandises avaient été revendues antérieurement à l'ouverture de la procédure collective et n'existaient plus en nature dans le patrimoine du débiteur lors de l'ouverture de ladite procédure ; que, par suite, en faisant droit à la revendication du vendeur, la cour d'appel a derechef violé les textes susvisés ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la SMT était fondée à se prévaloir de sa réserve de propriété à l'égard des matériels litigieux et que ceux-ci avaient été revendus en l'état par la société Microfrance, de sorte que le prix dû à celle-ci se trouvait par là-même subrogé aux marchandises dont la SMT était demeurée propriétaire, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que la cession de créance invoquée par la BNP ne pouvait faire échec à la revendication de la SMT ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.