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Décisions

Cass. com., 30 juin 2015, n° 13-28.537

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Nîmes, du 10 oct. 2013

10 octobre 2013

Attendu que la SARL Provence étanchéité (la SARL) ayant été mise en liquidation judiciaire le 4 août 2006, le liquidateur a assigné M. Patrice Z..., Mme X... et M. Y..., cogérants statutaires, en responsabilité pour insuffisance d'actif ;

Sur le premier moyen : 

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il concerne la condamnation au paiement de l'insuffisance d'actif de la SARL : 

Attendu que Mme X... et M. Y... font grief à l'arrêt de les condamner, avec M. Patrice Z..., au paiement de toute l'insuffisance d'actif de la SARL alors, selon le moyen, que la condamnation d'un dirigeant au paiement de l'insuffisance d'actif suppose que celle-ci soit certaine, son existence et son montant devant être appréciés par le juge au jour où il statue ; qu'en se bornant à retenir que les déclarations de créance établissaient un passif admis de 156 344 euros et qu'une créance d'un montant de 97 206, 07 euros figurait à l'état des créances avec la mention instance en cours, sans constater qu'il subsistait un passif exigible supérieur à l'actif disponible, à propos duquel elle n'a effectué aucune constatation pouvant justifier une condamnation provisionnelle au paiement de la somme de 50 000 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce, en sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 ;

Mais attendu qu'ayant constaté que M. Patrice Z... ne formulait aucune critique sur l'insuffisance d'actif et, par des motifs non critiqués, que Mme X... et M. Y... reconnaissaient un passif résiduel non couvert par les éléments d'actif qu'ils évaluaient unilatéralement à 36 311, 81 euros, ce dont elle a déduit que l'insuffisance d'actif était certaine en son principe, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen, pris en sa seconde branche : 

Attendu que Mme X... et M. Y... font grief à l'arrêt de prononcer des condamnations solidaires au paiement de l'insuffisance d'actif alors, selon le moyen, que la condamnation solidaire de plusieurs dirigeants d'une personne morale au paiement de l'insuffisance d'actif est une décision qui doit être spécialement motivée ; que pour condamner Mme X... et M. Y..., solidairement avec M. Patrice Z..., la cour d'appel a affirmé que les trois dirigeants de droit avaient eu un comportement relevant d'une « stratégie concordante » et constituant une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société ; qu'en se déterminant ainsi par une motivation impropre à répondre aux exigences de l'article L. 651-2, 1er alinéa, du code de commerce, en sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de cette disposition ;

Mais attendu qu'ayant retenu que les trois dirigeants de droit avaient poursuivi fin 2005 et 2006, sans réelle comptabilité et sans assumer le paiement des charges sociales et fiscales, une activité déficitaire de la SARL à la seule fin de s'en attribuer une partie des actifs au détriment des créanciers et que leur stratégie concordante était à l'origine directe et exclusive de l'ensemble de l'insuffisance d'actif, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de les condamner solidairement ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il concerne la condamnation au paiement d'une somme provisionnelle de 50 000 euros : 

Vu l'article L. 651-2, alinéa 1, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ; 

Attendu que pour condamner Mme X... et M. Y..., solidairement avec M. Z..., au paiement d'une somme provisionnelle de 50 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que Mme X... et M. Y... contestent certains éléments du passif, mais non la réalisation des éléments d'actif, et reconnaissent un passif résiduel, non couvert par les éléments d'actif, qu'ils évaluent unilatéralement à 36 311, 81 euros, que M. Patrice Z... ne formule aucune critique sur l'insuffisance d'actif, qu'il existe un passif admis de 156 344 euros et que la créance de la SCI La Demeure, mentionnée sur l'état des créances comme faisant l'objet d'une instance en cours, est, au vu de l'arrêt d'appel intervenu, inférieure au montant déclaré de 97 206, 07 euros et qu'en outre, la MATMUT, tenue au paiement in solidum avec la SARL, a réglé la somme due à la SCI et n'a déclaré aucune créance ; Qu'en se déterminant ainsi, sans établir, à défaut de toute précision donnée sur la valeur de l'actif, que l'insuffisance d'actif était, au jour où elle a statué, au moins égale au montant de la provision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et attendu qu'en application de l'article 615, alinéa 1, du code de procédure civile, la cassation partielle de l'arrêt sur le pourvoi formé par Mme X... et M. Y... doit, en raison du caractère solidaire de la condamnation, produire effet à l'égard de M. Patrice Z... ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, réformant le jugement, il condamne solidairement Mme Albert divorcée Z..., M. Y... et M. Patrice Z... à payer au liquidateur de la SARL Provence étanchéité la somme provisionnelle de 50 000 euros, l'arrêt rendu le 10 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.