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Décisions

Cass. com., 20 septembre 2017, n° 16-13.566

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocat :

SCP Didier et Pinet

Toulouse, du 16 déc. 2015

16 décembre 2015

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 16 décembre 2015), qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société TJVJ (la société débitrice), le 8 novembre 2011, le liquidateur, la société Z...et associés, a assigné les dirigeants de droit et de fait, Mme X... et M. Y..., en responsabilité pour insuffisance d'actif ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec M. Y..., à supporter l'insuffisance d'actif de la société débitrice alors, selon le moyen :

1°/ qu'à défaut d'avoir formé, dans le délai légal, la réclamation qu'il pouvait élever en tant que personne intéressée, le dirigeant social dont la responsabilité est recherchée pour faute de gestion est irrecevable à contester l'état définitif des créances ; que l'état définitif des créances est la liste déposée au greffe du tribunal de la procédure sur laquelle figure les décisions du juge-commissaire ; qu'en se fondant sur un document qu'elle a qualifié d'état définitif des créances pour établir le passif de la société JTJV et interdire à Mme X... de le contester devant elle quand le document émanait du liquidateur judiciaire et ne portait ni la mention des décisions du juge-commissaire ni sa signature, de sorte qu'il ne pouvait s'agir de l'état définitif des créances, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 624-3-1 du code de commerce ;

2°/ qu'en retenant que Mme X... ne pouvait plus contester l'état définitif des créances sans répondre à ses conclusions qui faisaient valoir que la liste produite par le liquidateur judiciaire ne pouvait lui être opposée dès lors qu'il ne s'agissait pas des décisions d'admission ou de rejet prises par le juge-commissaire, mais une simple liste de créances retenues ou déclarées sans autre précision sur leurs dates ou leurs causes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que le juge doit établir que l'insuffisance d'actifs au moment où il statue est au moins égale au montant de la condamnation ; que si l'absence de réclamation pouvait priver la demanderesse de la possibilité de contester le passif admis, elle ne pouvait la priver de faire valoir que ce passif avait été diminué par des circonstances intervenues depuis le dépôt de l'état définitif des créances ; qu'en décidant que Mme X... ne pouvait contester le passif dans le cadre de l'instance faute d'avoir élevé la moindre contestation dans les délais sur les déclarations de créances, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 650-1 du code de commerce ;

4°/ que le juge doit établir le lien de causalité entre chaque faute retenue et le préjudice de la société constitué par l'insuffisance d'actif constatée ; qu'en se bornant à énoncer que les fautes de gestion avaient contribué directement à l'insuffisance d'actifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de ses conclusions que Mme X... ait soutenu, devant la cour d'appel, que la pièce régulièrement communiquée par le liquidateur, dénommée " état des créances définitif ", ne pouvait être ainsi qualifiée, à défaut pour elle de mentionner les décisions de rejet ou d'admission du juge-commissaire et de comporter la signature de ce dernier, et qu'elle correspondait en réalité à la liste des créances établie par le liquidateur ;

Attendu, en second lieu, que Mme X... n'ayant assorti d'aucune offre de preuve ses allégations suivant lesquelles le passif admis au titre de contrats de crédit-bail devait être diminué à raison de la restitution des biens objet de ces contrats et du cautionnement consenti par le gérant de fait, la cour d'appel qui, pour condamner Mme X... à contribuer à l'insuffisance d'actif à concurrence de la somme de 150 000 euros, a relevé que le passif admis s'élevait à la somme de 319 511 euros et l'actif à celle de 119, 54 euros, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, en dernier lieu, que le dirigeant d'une personne morale peut être déclaré responsable, sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce, même si la faute de gestion qu'il a commise n'est que l'une des causes de l'insuffisance d'actif, et sans qu'il y ait lieu de déterminer la part de cette insuffisance imputable à sa faute ; qu'ayant relevé, par motifs propres, d'un côté, que Mme X... s'était totalement désintéressée de l'administration de la société débitrice, permettant ainsi à la gérance de fait de prospérer en l'absence de contrôle efficace de l'activité sociale, et, de l'autre, que les résultats sociaux étaient déficitaires au titre des exercices clos 2009 et 2010, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la poursuite d'une activité déficitaire durant une telle période, à défaut pour la dirigeante de prendre les mesures propres à rétablir la situation financière de la société débitrice soit en appelant de la trésorerie supplémentaire, soit en cessant immédiatement l'activité afin d'éviter d'accroître le passif, est constitutive d'une faute de gestion ; qu'en déduisant de ces constatations et appréciations, qui font ressortir l'existence d'un lien de causalité entre les fautes imputables à Mme X... et le préjudice constitué par l'insuffisance d'actif, que ces fautes avaient contribué à ce préjudice, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen, irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit en ses deux premières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.