Cass. com., 18 mai 2016, n° 14-23.859
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin
Statuant tant sur le pourvoi principal n° Y 14-23. 859 formé par Mme X..., en qualité de mandataire judiciaire et commissaire à l'exécution du plan de M. et Mme Y... et de la SCEA Nemrod, que sur le pourvoi incident relevé par ces derniers et joignant ces pourvois au pourvoi n° S 14-24. 313, qui attaque le même arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 1er juillet 2014), qu'après avoir été mise en redressement judiciaire, le 5 février 2008, la société civile d'exploitation agricole Nemrod (la société Nemrod) a bénéficié, ainsi que M. et Mme Y... auxquels cette procédure collective avait été étendue, d'un plan de redressement par voie de continuation, arrêté le 6 octobre 2009 ; que le commissaire à l'exécution du plan a demandé la résolution de celui-ci pour non-respect des engagements pris par les débiteurs ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal n° Y 14-23. 859 :
Attendu que le commissaire à l'exécution du plan fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la liquidation judiciaire de la société Nemrod et de M. et Mme Y... et, statuant à nouveau, dit n'y avoir lieu à liquidation judiciaire alors, selon le moyen :
1°) que les juges ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; qu'à l'appui de ses demandes tendant à la résolution du plan de continuation et à la liquidation judiciaire des débiteurs, Mme X... faisait valoir que ceux-ci étaient dans l'impossibilité de faire face au règlement des échéances du plan, que la récolte d'abricots annoncée par les débiteurs ne permettait pas de faire évoluer leur situation, et que la cession de l'immeuble leur appartenant, lequel avait été largement surévalué lors de l'établissement du plan, ne pouvait s'opérer dans des conditions permettant l'apurement du passif et la continuation de l'entreprise ; qu'elle ajoutait, dans ce contexte, que la résolution du plan, et la levée consécutive des délais de paiement accordés aux créanciers, devait entraîner la liquidation judiciaire des débiteurs ; qu'en jugeant qu'il n'était pas allégué ni a fortiori démontré par Mme X... que les débiteurs étaient en état de cessation des paiements, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile, ensemble l'article 1134 du code civil ;
2°) qu'en statuant ainsi et en précisant qu'elle était, « en l'absence de tout élément permettant d'apprécier et de comparer l'actif disponible et le passif exigible du débiteur », dans l'impossibilité de constater qu'un tel état était caractérisé, sans répondre aux conclusions par lesquelles Mme X... faisait valoir que les débiteurs étaient dans l'impossibilité de faire face ne serait-ce qu'aux seules dividendes du plan depuis trois ans, que l'absence de vente de l'immeuble dans des conditions satisfaisantes empêchait l'apurement du passif, et que la résolution du plan devait entraîner la liquidation des débiteurs, ni s'expliquer sur le rapport actualisé du commissaire à l'exécution du plan, lequel faisait apparaître que la société Nemrod ainsi que M. et Mme Y... n'étaient manifestement plus en mesure de faire face à leur passif sans cession de l'immeuble dans les conditions susvisées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) qu'est tenu de prononcer la liquidation judiciaire du débiteur en redressement, le juge qui prononce la résolution d'un plan de continuation et qui constate que le débiteur est en état de cessation des paiements ; qu'en refusant de prononcer la liquidation judiciaire de la société Nemrod et de M. et Mme Y... au motif que l'état de cessation des paiements n'était pas établi tout en relevant, d'une part, que la cession de l'immeuble appartenant aux débiteurs, à laquelle était conditionné l'apurement du passif déclaré, ne pouvait pas s'opérer dans des conditions satisfaisantes dans la mesure ou l'immeuble avait été surévalué lors de l'établissement du plan et, d'autre part, que le plan d'apurement-et partant les délais de paiement consentis aux créanciers-devait être résolu et que les débiteurs n'avaient pas pu faire face aux dividendes du plan depuis trois ans, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et violé l'article L. 626-27 du code de commerce ;
4°) que la partie qui sollicite la confirmation d'une décision, sans formuler de nouveaux moyens, est réputée s'en approprier les motifs ; qu'en l'espèce, le tribunal avait prononcé la résolution du plan de redressement par voie de continuation de la société Nemrod et des consorts Y..., après avoir relevé que ceux-ci n'en avaient pas respecté les termes et qu'ils étaient dans l'impossibilité de faire face, avec leur actif disponible, à leur passif exigible « les fonds disponibles ne permettant manifestement pas », selon les premiers juges, « de régulariser les deux dernières échéances, ni vraisemblablement pas la prochaine, prévue au 31 janvier 2014 » ; qu'ayant sollicité la confirmation de cette décision en tant qu'elle avait prononcé la résolution du plan de redressement et la liquidation judiciaire des débiteurs, Mme X... était réputée s'en être approprié les constatations, qu'elle corroborait d'ailleurs par la production de son rapport actualisé et de l'état des créances ; qu'en jugeant que Mme X... n'alléguait pas et a fortiori ne démontrait pas que les débiteurs se trouvaient en état de cessation des paiements, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile, ensemble l'article 954 du code de procédure civile ;
5°) qu'en statuant ainsi sans s'expliquer sur l'impossibilité, constatée par les premiers juges, dans laquelle se trouvaient les débiteurs de faire face, avec leurs fonds disponibles, ne serait-ce qu'aux échéances du plan de redressement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le commissaire à l'exécution du plan ayant exclusivement fondé sa demande de résolution du plan sur l'inexécution par les débiteurs de leurs engagements et le premier juge n'ayant prononcé la résolution que pour ce motif, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une demande tendant à constater la cessation des paiements des débiteurs au cours de l'exécution du plan et au jour où elle a statué, a écarté la liquidation judiciaire, sans méconnaître l'objet du litige ni avoir à répondre aux conclusions inopérantes invoquées ou à réfuter les motifs prétendument appropriés du jugement ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur les moyens uniques du pourvoi n° S 14-24. 313 et du pourvoi incident rattaché au pourvoi principal n° Y 14-23. 859, rédigés en termes identiques, réunis :
Attendu que la société Nemrod et M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résolution du plan alors, selon le moyen :
1°) que les sommes à répartir correspondant aux créances litigieuses ne sont versées qu'à compter de l'admission définitive de ces créances au passif ; que les consorts Y... faisaient valoir que les créances déclarées étaient pour une large partie contestées de sorte que le passif déclaré définitivement admis s'élevait uniquement à 39 114, 85 euros, de sorte que les dividendes prétendument impayés n'étaient pas dus ; que la cour d'appel n'a pas répondu à ce moyen, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) que M. et Mme Y... faisaient valoir que la résolution du plan de redressement pour dividendes impayés ne pouvait être poursuivie sans que le commissaire à l'exécution dudit plan ait, au préalable, tenté de recouvrer ces dividendes ; que M. et Mme Y... faisaient, à ce titre, observer que le commissaire à l'exécution du plan ne les avait aucunement mis en demeure ou invités à payer les dividendes prétendument impayés ; que la cour d'appel n'a pas répondu à ce moyen, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que les conclusions invoquées par la première branche ne soutenaient pas que le passif définitivement admis ne s'élevait qu'à 39 114, 85 euros, mais que cette somme représentait le montant cumulé des deux seules créances du Crédit agricole qui avaient été admises, ces mêmes conclusions précisant, par ailleurs, que le montant global des créances admises était de 303 090, 45 euros ;
Et attendu, d'autre part, que le commissaire à l'exécution du plan a le choix d'agir en recouvrement forcé des dividendes ou en résolution du plan pour non-paiement de ceux-ci, sans que la recevabilité de l'action en résolution soit subordonnée à une mise en demeure préalable ; qu'il peut être répondu par ce motif de pur droit aux conclusions délaissées ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, ne peut être accueilli pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principaux qu'incident.