Cass. com., 11 avril 2018, n° 16-24.312
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocat :
SCP Rousseau et Tapie
Sur le moyen unique, pris en ses quatre premières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 26 juillet 2016), que, par une ordonnance rendue le 21 juin 2012 dans le cadre d'une procédure pénale, Mme X..., gérante de la société Orme énergie, a été placée sous contrôle judiciaire avec interdiction de gérer toute personne morale ; qu'après la mise en liquidation judiciaire de cette société, le 15 mai 2014, le ministère public a assigné Mme X... aux fins de prononcé d'une faillite personnelle, en invoquant, notamment, l'inexistence de la comptabilité et la non-coopération avec les organes de la procédure ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de prononcer sa faillite personnelle pour une durée de cinq ans alors, selon le moyen :
1°/ que les mesures de faillite personnelle et les mesures d'interdiction de gérer une entreprise ne peuvent être prises qu'à l'encontre des dirigeants, de droit ou de fait, des personnes morales, ce qui implique que les sociétés en question aient eu une activité ; qu'en faisant application de ces mesures à Mme X..., après avoir constaté que la société Orme n'avait jamais eu aucune activité, ni salarié, actif ou compte bancaire, et qu'aucun élément du dossier ne permettait de démontrer qu'elle avait, malgré l'interdiction qui lui avait été faite par ordonnance du 21 juin 2012, géré la société Orme Energie, laquelle n'avait jamais eu aucune activité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 653-1 du code de commerce ;
2°/ que seule la personne physique, dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale, peut se voir reprocher d'avoir refusé de coopérer avec les organes de la procédure, comportement qui doit nécessairement être survenu postérieurement à l'ouverture de la procédure ; qu'en reprochant à Mme X... de n'avoir réservé aucune suite aux demandes de rendez-vous adressées par le mandataire liquidateur le 28 mai 2014, après avoir constaté que Mme X... ne gérait pas la société Orme Energie du fait de l'interdiction de gérer toute société qui lui avait été faite par ordonnance du 21 juin 2012 et que cette société avait été mise en liquidation le 15 mai 2014, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 653-1 et L. 653-5 5° du code de commerce ;
3°/ que seul est condamné le fait d'avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ; que la cour d'appel, qui a constaté que Mme X... avait déjà répondu à des questions à l'occasion d'une procédure pénale et que des pièces avaient été remises à cette occasion et n'a pas recherché en quoi l'attitude de Mme X... envers le mandataire liquidateur avait mis obstacle au bon déroulement de la procédure collective, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 635-5 5° du code de commerce ;
4°/ que la tenue d'une comptabilité ne se justifie que si l'entreprise dispose d'un patrimoine affecté par des mouvements de trésorerie et déploie une activité ; qu'en reprochant à Mme X... de n'avoir tenu aucune comptabilité pour la société Orme Energie, après avoir constaté que cette société n'avait eu aucune activité, n'avait employé aucun salarié, n'était propriétaire d'aucun actif et ne disposait d'aucun compte bancaire, la cour d'appel a violé les articles L. 123-12 et L. 653-5 6° du code de commerce ;
Mais attendu, d'une part, que, contrairement à ce que postule le moyen, pris en sa première branche, l'article L. 653-1 du code de commerce ne subordonne pas le prononcé d'une faillite personnelle ou d'une interdiction de gérer à l'égard du dirigeant d'une personne morale à la circonstance que cette dernière ait déployé une activité effective ; qu'ayant relevé que Mme X... était la gérante de la société Orme énergie, la cour d'appel a pu, quand bien même cette société n'aurait pas eu d'activité, prononcer, la faillite personnelle contre cette dirigeante ;
Attendu, d'autre part, que, contrairement à ce que postule le moyen, pris en sa deuxième branche, l'interdiction de gérer toute société assortissant le contrôle judiciaire auquel est soumis le dirigeant d'une personne morale, qui n'emporte qu'interdiction d'accomplir des actes de gestion au nom de cette dernière, n'a pas pour effet de décharger ce dirigeant de son obligation de coopérer avec les organes de la procédure collective ouverte ultérieurement contre la personne morale ; qu'ayant constaté que Mme X..., gérante de la société Orme énergie à la date de son placement sous contrôle judiciaire avec interdiction de gérer prononcé le 21 juin 2012, n'avait pas honoré la convocation à un entretien que lui avait adressée le liquidateur dans le cadre de la procédure collective ouverte le 15 mai 2014, la cour d'appel en a déduit à bon droit que, cette interdiction de gérer ne dispensant pas l'intéressée de répondre aux demandes du liquidateur afin de faire le point sur la situation de la société, ni de lui remettre les documents réclamés, ce comportement constituait le cas de faillite prévu par l'article L. 653-5 5° du code de commerce ;
Attendu, de troisième part, qu'ayant relevé que, convoquée à un entretien en l'étude du liquidateur pour faire le point sur la société Orme énergie, Mme X... n'avait pas honoré ce rendez-vous et s'était bornée à adresser au liquidateur une lettre indiquant que les documents réclamés avaient été saisis et placés sous main de justice, l'arrêt retient exactement que les réponses et pièces fournies par Mme X... dans le cadre de la procédure pénale n'ont pas eu pour effet de la relever de son obligation de collaborer avec les organes de la procédure collective en vue de faciliter son bon déroulement ; que par ses constatations et appréciations, qui font ressortir une carence totale dans l'obligation de coopérer avec les organes, faisant obstacle au bon déroulement de la procédure collective, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision de retenir, à l'encontre de Mme X..., un comportement relevant du cas prévu par l'article L. 653-5 5° du code de commerce ;
Et attendu, enfin, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 123-12 du code de commerce que toute société commerciale est tenue d'établir des comptes annuels, peu important qu'elle n'ait ni activité, ni patrimoine affecté par des mouvements de trésorerie ; que l'arrêt relève que, dans son rapport de fin de mission, l'administrateur provisoire indique que Mme X..., gérante de la société à responsabilité limitée Orme énergie constituée en 2009, a reconnu l'absence de tous comptes annuels, ce qui résulte également de son audition réalisée par les services de la gendarmerie le 3 décembre 2012 ; que par ses constatations et appréciations, desquelles il résulte que l'absence d'établissement des comptes annuels préexistait à l'interdiction de gérer prononcée contre Mme X... le 21 juin 2012, la cour d'appel, qui a exactement énoncé que cette carence ne pouvait se justifier par l'absence d'exploitation réelle de la société et de tout salarié, a pu retenir que ces irrégularités comptables constituaient le cas prévu et sanctionné par l'article L. 653-5 6° du code de commerce ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa cinquième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.