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Décisions

Cass. com., 24 mars 2009, n° 08-12.212

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

Me Blanc, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Besançon, du 28 déc. 2007

28 décembre 2007

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 28 décembre 2007, RG n° 07/02205), que la société Smoby a fait appel du jugement du 9 octobre 2007 ayant converti la procédure de sauvegarde dont elle était l'objet en redressement judiciaire, maintenu en fonction les administrateurs, MM. X... et Y..., avec mission d'assurer seuls et entièrement l'administration de l'entreprise, désigné la société Ernst et Young en qualité d'expert avec mission d'assister les deux administrateurs judiciaires dans leur mission de gestion et d'assurer la gestion financière et comptable de la société et fixé la date de cessation des paiements au 2 octobre 2007 ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :

Attendu que la société Smoby fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement, alors, selon le moyen :

1°) qu'en attribuant à la société débitrice la production du rapport de la société Ernst et Young quand ce rapport a été produit par les administrateurs et le mandataire judiciaire à l'appui de leurs prétentions, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) que la cour d'appel qui a énoncé que la société Ernst et Young était un professionnel extérieur aux parties quand cette société avait été désignée par le jugement entrepris pour assister les administrateurs dans leur mission de gestion a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°) que les juges du fond ont l'obligation d'indiquer les éléments de fait sur lesquels ils se fondent pour affirmer l'existence d'un fait ; que la cour d'appel a affirmé que la pièce n° 6 bis émanait des administrateurs et du mandataire judiciaire, sans indiquer sur quel élément de preuve elle se fondait et a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt n'attribue pas à la société Smoby la production du rapport de la société Ernst et Young mais relève que la société Smoby présente l'analyse comptable et financière de sa situation au 30 novembre 2007 émanant de cette société dont elle conteste non pas les chiffres indiqués mais la méthode d'évaluation mise en oeuvre ;

Attendu, d'autre part, que la mission confiée à la société Ernst et Young par le tribunal ne lui confère pas la qualité de partie à l'instance ;

Attendu, enfin, que la pièce n° 6 bis, qui synthétisait les conclusions du rapport de la société Ernst et Young, ayant été communiquée par les administrateurs et le mandataire judiciaire au soutien de leurs prétentions, la cour d'appel n'a pas encouru le grief de la troisième branche ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait dans sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le moyen, pris en ses cinq dernières branches :

Attendu que la société Smoby fait grief à l'arrêt de statuer comme il fait, alors, selon le moyen :

1°) que l'actif disponible est celui qui est mobilisable à court terme ; que tel est le cas des effets de commerce échus ou à échoir prochainement et dont l'escompte ne nécessite ainsi pas de crédit ; qu'en ayant retenu sans distinction que les créances clients hors groupe n'étaient disponibles qu'en vertu d'une ligne de crédit accordée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-1 du code de commerce ;

2°) que les juges du fond ont l'obligation d'indiquer les éléments de preuve sur lesquels ils se fondent pour affirmer l'existence d'un fait ; que, pour décider que les "créances clients groupe" ne faisaient pas partie de l'actif disponible, la cour d'appel a affirmé que les autres sociétés du groupe, dont elle n'a d'ailleurs pas précisé l'identité, étaient dans l'incapacité de régler leurs dettes intra groupe, sans indiquer sur quels éléments de preuve elle se fondait et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) qu'en ayant retenu que les créances de la société sur les filiales de commercialisation étaient pour le moins aléatoires et n'étaient pas véritablement disponibles, tout en ayant admis que ces filiales dégageaient des bénéfices en facturant elles-mêmes des clients hors groupe, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, à savoir que ces créances faisaient partie de l'actif disponible, et a violé l'article L. 631-1 du code de commerce ;

4°) que la cessation des paiements doit être prouvée par celui qui demande l'ouverture du redressement judiciaire ; qu'en ayant mis à la charge de la société la preuve de ce que les conditions légales de la compensation entre ses dettes à l'égard des autres sociétés du groupe et ses créances sur ces sociétés étaient réunies, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;

5°) qu'une dette exigible ne doit pas être prise en compte dans la détermination de la cessation des paiements si le créancier a consenti au débiteur un moratoire de paiement ; qu'en ayant pris en compte dans le passif exigible les dettes financières groupe au motif d'ordre général que les relations économiques de sociétés au sein d'un groupe ne sauraient conduire en droit chacune de celles-ci à renoncer à recouvrer ses créances, au lieu de rechercher si en fait, comme il était soutenu, les sociétés du groupe n'étaient pas convenues d'un moratoire de paiement de leurs créances et dettes réciproques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-1 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient que l'actif disponible, composé de la trésorerie et des créances clients mobilisables s'élève à la somme de 18 363 743,65 euros, que les "créances clients groupe" ne constituent pas un actif disponible en raison de l'incapacité des sociétés du groupe de régler leurs dettes intra-groupe et en raison de l'aléa figurant dans le fait de compter sur les filiales de commercialisation qui dégagent des bénéfices et facturent des clients hors groupe, qu'il n'est pas établi que les conditions légales de la compensation invoquée par la société Smoby entre ses créances et ses dettes soient réunies et que cette compensation soit suffisante pour rétablir une situation positive ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a, par une décision motivée et sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que le passif exigible, composé des créances échues postérieurement à l'ouverture de la procédure de sauvegarde, des créances intra-groupe également postérieures à cette date et de la TVA échue dans les mêmes conditions, s'élève à la somme de 29 793 812,79 euros et que les dettes financières de la société à l'égard des autres sociétés du groupe font partie de ce passif, même si, comme le soutient la société Smoby, leur remboursement n'a pas été demandé, puisque les relations économiques de sociétés au sein d'un groupe ne sauraient conduire en droit chacune de celles-ci à renoncer à recouvrer ses créances ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de se livrer à la recherche mentionnée à la cinquième branche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.