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Décisions

Cass. com., 7 janvier 2003, n° 00-15.316

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Besançon

Avocats :

Me Bertrand, Me Blanc, Me Balat, Me Capron

Paris, du 31 mars 2000

31 mars 2000

Joint les pourvois n° Z 00-16.122 formé par Mme X..., ès qualités et n° Y 00-15.316, formé par M. Y..., ès qualités, qui attaquent le même arrêt ;

Donne acte à M. Y... de son désistement au profit de la société Natexis et du Ministère public ;

Donne acte à M. Z... de ce qu'il reprend les instances n° Z 00-16.122 et n° Y 00-15.316 en qualité de mandataire de l'indivision successorale de M. A... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 mars 2000) et les productions, que par des jugements du 20 novembre 1995 le tribunal a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard des sociétés Fontenay industries, Hydris, Ehrel, Fit, Service et Industrie (Somaco), Extruflex, Planet, Somaco entreprise, Financière Hydris et Erhel Doors dont il a fixé la date de cessation des paiements le 20 novembre 1995 ;

que par des jugements du 12 février 1996, il a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard des sociétés GC Investissements et Mennecy participations dont il a fixé la date de cessation des paiements le 9 février 1996 ; que par jugement du 25 mars 1996 il a constaté la confusion des patrimoines de ces sociétés ; que par arrêt du 9 juin 1998, rendu sur renvoi après cassation, devenu irrévocable, la cour d'appel de Versailles, après avoir constaté que les cessions partielles des sociétés Ehrel, Erhel Doors, Fit, Hydris et Service et Industrie n'étaient pas remises en cause et avaient été régularisées, a arrêté le plan de redressement par cession partielle des actifs des sociétés Extruflex, Planet ainsi que des titres de la société Monceau Invesment BV détenus par la société Fontenay Industrie au bénéfice des sociétés Natwest Industries, Electropar France et de M. B..., a désigné Mme X... en qualité de commissaire à l'exécution du plan, maintenu M. Y... en qualité d'administrateur judiciaire et Mme X... en celle de représentant des créanciers et a renvoyé la cause devant le tribunal de commerce d'Evry-Corbeil compétent pour la poursuite de la procédure ; que, sur la requête de M. Y... et de Mme X..., le tribunal a, par jugement du 8 mars 1999, rectifié le 22 mars suivant, reporté au 30 juin 1995 la date de cessation des paiements des douze sociétés susmentionnées ; que sur les appels de ces sociétés, l'arrêt attaqué a dit recevables les appels et les interventions volontaires de Mme C..., de MM. A..., D..., E..., F... et G..., a dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause M. Y... en sa qualité et a dit n'y avoir lieu de reporter la date de cessation de paiements ;

Sur le moyen unique du pourvoi formé par M. Y..., ès qualités :

Attendu que l'administrateur judiciaire fait grief à l'arrêt d'avoir dit n'y avoir lieu de le mettre hors de cause, alors, selon le moyen, qu'en l'absence de plan de continuation de l'entreprise, les biens non compris dans le plan de cession sont vendus et les droits et actions des débiteurs sont exercés par le commissaire à l'exécution du plan, selon les modalités prévues au titre III de la loi de 1985, tandis que l'administrateur judiciaire a simplement pour mission de passer les actes afférents à la cession ; qu'en l'espèce, dès lors qu'un plan de cession concernant les sociétés du groupe Fontenay avait été arrêté, tout litige les concernant autre que celui éventuel concernant la passation des actes de cession, supposait uniquement la présence dans l'instance du commissaire à l'exécution du plan, sans que l'administrateur judiciaire eût à être maintenu dans l'instance ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors refuser de mettre hors de cause M. Y..., administrateur judiciaire desdites sociétés ayant fait l'objet d'un plan de cession sans violer les articles 66 et 81, alinéa final, modifié de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'ayant retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain, qu'il n'était pas démontré que la mission de l'administrateur judiciaire de toutes les sociétés appelantes avait cessé et que des incertitudes demeuraient sur la situation juridique exacte de certaines des sociétés qui étaient dans la cause, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deux premiers moyens du pourvoi formé par Mme X..., ès qualités :

Attendu que le représentant des créanciers et commissaire à l'exécution du plan fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevables les appels formés par les sociétés du groupe Fontenay et les dirigeants de ces sociétés contre le jugement ayant reporté la date de cessation des paiements de ces sociétés ainsi que les interventions volontaires, à titre personnel, de Mme C... et de MM. A..., D..., E..., F... et G..., alors, selon le moyen :

1°) que le débiteur ne tient d'aucune disposition un droit propre de former un recours contre le jugement reportant la date de cessation de ses paiements ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 9 et 171 de la loi du 25 janvier 1985 ;

2°) qu'à le supposer admis, un tel droit propre doit s'exercer dans le respect des règles relatives à la représentation en justice des personnes morales dissoutes, qui ne peuvent exercer un tel droit que par l'intermédiaire de leur liquidateur amiable ou d'un mandataire ad hoc, et non par l'intermédiaire de leurs dirigeants privés de leurs pouvoirs à compter de cette dissolution ; qu'en considérant au contraire que la représentation des sociétés du groupe Fontenoy, dissoutes par l'effet de la cession de la totalité des actifs composant leur patrimoine dans le cadre du plan de redressement dont elles faisaient l'objet, par un mandataire ad hoc contreviendrait aux dispositions conférant un droit propre à la personne morale et en énonçant que celle-ci ne saurait "être privée de ses anciens dirigeants pour la représenter en appel", la cour d'appel a violé les articles 1844-7-7 du Code civil, 403 de la loi du 24 juillet 1966 et 171 de la loi du 25 janvier 1985 ;

3°) que l'intervention accessoire suivant nécessairement le sort de la demande principale, l'irrecevabilité de l'appel formé par les sociétés du groupe Fontenay et leurs dirigeants ès qualités devait entraîner, par voie de conséquence, celle de l'intervention volontaire accessoire des mêmes dirigeants en leur nom personnel ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 330 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que les sociétés Ehrel, Erhel Doors, Fit, Hydris, Service et Industrie, Extruflex et Planet avaient fait l'objet de plans de cessions partielles d'actifs sans qu'il soit établi que les autres sociétés aient pris fin par l'effet d'un jugement ordonnant la cession totale de leurs actifs ; qu'elle a ainsi décidé à bon droit que les sociétés débitrices, agissant en la personne de leurs représentants légaux, étaient recevables à interjeter appel du jugement ayant statué sur la demande de report de la date de cessation de leurs paiements ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le troisième moyen du même pourvoi :

Attendu que le représentant des créanciers et commissaire à l'exécution du plan fait en outre grief à l'arrêt d'avoir décidé qu'il n'y avait lieu à reporter au 30 juin 1995 la date de la cessation des paiements des sociétés du groupe Fontenay, alors, selon le moyen :

1°) que la cessation des paiements se définit comme l'impossibilité où se trouve l'entreprise de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; que l'unité de la procédure collective ouverte à l'égard des douze sociétés du groupe Fontenay, dont la confusion des patrimoines avait été constatée, commandait que la date de cessation des paiements de l'ensemble des sociétés objets de la procédure collective soit déterminée à partir d'une comparaison entre les dettes des diverses sociétés du groupe et l'actif disponible à l'intérieur du groupe, constituant une seule et même entreprise ; qu'en énonçant au contraire qu'il convenait de procéder, "société par société", à une comparaison entre le passif exigible et l'actif disponible et en déduisant de l'absence de toute information précise sur les situations actives et passives au 30 juin 1995 de chacune des sociétés du groupe que l'impossibilité à cette date de faire face au passif exigible avec l'actif disponible n'était pas démontrée, la cour d'appel a violé les articles 3 et 9 de la loi du 25 janvier 1985 ;

2°) qu'en s'abstenant de s'expliquer, au prix de l'erreur de droit qui précède, sur les indications objectives et chiffrées fournies par les mandataires de la procédure collective, relatives à l'absence de toute réserve de trésorerie et toute réserve de crédit, à l'intérieur des différentes sociétés du groupe Fontenay, à la date des incidents de paiement dont elle a constaté la réalité, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 3 et 9 de la loi du 25 janvier 1985 ;

3°) que la détermination de la date de la cessation des paiements doit résulter d'une comparaison entre le passif exigible et l'actif disponible ; qu'en relevant qu'aux termes du rapport de la Fiduciaire George V "le groupe Fontenay dégageait un résultat économique positif de l'ordre de sept millions de francs" et qu'aux termes d'un autre rapport, demandé par l'un des dirigeants des sociétés du groupe, le groupe disposait de concours bancaires d'un montant de 2,5 millions de francs, ces énonciations ne traduisant aucune comparaison entre le passif exigible, dont la cour d'appel a reconnu la réalité, et l'actif disponible, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 3 et 9 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que l'unité de la procédure collective des sociétés dont la confusion des patrimoines est constatée implique que le juge, qui statue sur une demande de report de la date de cessation des paiements des sociétés concernées, détermine cette date à partir de la comparaison entre le passif exigible et l'actif disponible de ces sociétés, lesquelles constituent une même entreprise ; qu'en relevant, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve contradictoirement débattus, qu'il n'était pas démontré qu'à la date prétendue de la cessation des paiements, les sociétés du groupe Fontenay n'étaient plus en mesure de faire face au passif exigible avec l'actif disponible, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

qu'ainsi, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par la première branche, le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.