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Décisions

Cass. com., 7 novembre 2018, n° 17-18.661

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocat :

SCP Lyon-Caen et Thiriez

Aix-en-Provence, du 2 mars 2017

2 mars 2017

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 mars 2017), que la société Alliance bâtiment a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 9 juillet 2009 et 2 mars 2010, Mme Y... étant désignée liquidateur ; que M. X..., gérant de la société, a été condamné à supporter une partie de l'insuffisance d'actif de celle-ci par un jugement du 8 juin 2012 ; que faisant valoir qu'il n'avait pas exécuté cette condamnation, le liquidateur l'a assigné, le 4 juin 2015, en vue du prononcé d'une mesure de faillite personnelle sur le fondement de l'article L. 653-6 du code de commerce ; que M. X... lui a opposé la prescription ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'écarter cette fin de non-recevoir, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de l'article L.653-1, II du code de commerce pris dans ses dispositions applicables au litige, l'action aux fins de faillite personnelle se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce l'ouverture de la procédure collective ; que l'action en comblement de passif n'a aucun effet suspensif ni interruptif sur le délai de prescription de l'action aux fins de faillite personnelle visée par ce texte ; que partant, en décidant que le délai de prescription de l'action aux fins de faillite personnelle avait été suspendu dès l'ouverture de la procédure collective jusqu'au prononcé de la condamnation pour insuffisance d'actif, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 653-1, II du code de commerce ;

2°/ que subsidiairement, il résulte de l'article L. 653-1, II du code de commerce, que l'action aux fins de faillite personnelle prévue à l'article L. 653-6 du même code est soumise à une prescription de trois ans, courant à compter du jugement prononçant l'ouverture de la procédure collective ; que la cour d'appel a énoncé « que ce délai de prescription obéit, en l'absence des dispositions contraires, au régime de droit commun de la prescription et notamment à l'article 2234 du code civil ; qu'ainsi, l'attente du prononcé d'un jugement condamnant le dirigeant de la personne morale en responsabilité pour insuffisance d'actif constitue, au sens de ce texte, un empêchement résultant de la loi à l'exercice de l'action prévue à l'article L. 653-6, suspendant le cours de la prescription » ; qu'elle en a déduit que le délai de prescription de trois ans avait été suspendu de l'ouverture de la procédure collective jusqu'au prononcé de la condamnation pour insuffisance d'actif du 8 juin 2012 devenue exécutoire le 17 mars 2013 ; qu'en se prononçant en ce sens, alors que « l'attente » du prononcé du jugement condamnant le dirigeant de la personne morale en responsabilité pour insuffisance d'actif ne courait pas depuis le jugement prononçant l'ouverture de la procédure collective mais depuis l'introduction de l'action en comblement de passif, diligentée par le mandataire liquidateur, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 2234 du code civil, ensemble l'article L. 653-6 du code de commerce ;

Mais attendu qu'un liquidateur est dans l'impossibilité d'agir aux fins de prononcé de la faillite personnelle d'un dirigeant qui n'a pas acquitté les dettes mises à sa charge en application de l'article L. 651-2 du code de commerce tant qu'une décision prononçant la condamnation de ce dirigeant à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif n'est pas devenue exécutoire ; qu'ayant relevé que le jugement de condamnation de M. X... du 8 juin 2012 n'était devenu exécutoire que le 17 mars 2013, la cour d'appel a retenu à bon droit que la prescription de trois ans prévue par l'article L. 653-1, II, du code de commerce n'était pas acquise à la date de l'assignation, délivrée le 4 juin 2015 ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Sur le second moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement prononçant à son encontre, sur le fondement de l'article L. 653-6 du code de commerce, la sanction de la faillite personnelle pour une durée de cinq ans alors, selon le moyen, que si, aux termes de l'article L. 653-6 du code de commerce, « le tribunal peut prononcer la faillite personnelle du dirigeant de la personne morale ou de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée qui n'ont pas acquitté les dettes mises à leur charge en application de l'article L. 651-2 », une telle sanction n'est pas systématique ; que la cour d'appel a relevé qu'à la suite de la liquidation judiciaire de la société Alliance bâtiment, M. X... avait été engagé par contrat de travail à durée déterminée, puis avait été inscrit à Pôle emploi, puis s'était lancé dans une activité d'organisateur de soirée et inscrit en qualité d'auto-entrepreneur, l'exposant démontrant que les recettes perçues au titre de cette activité professionnelle étaient très modestes ; qu'en décidant que sa volonté délibérée de s'abstenir du moindre versement afin d'honorer sa dette était avérée, alors qu'il résultait de ses propres constatations qu'il n'avait pas eu les moyens financiers de rembourser sa dette, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 653-6 du code de commerce ;

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, après avoir relevé que M. X... ne contestait pas n'avoir pas exécuté sa condamnation à supporter l'insuffisance d'actif, avait bénéficié d'un contrat de travail puis d'indemnités de chômage et s'était inscrit en qualité d'auto-entrepreneur, a retenu que celui-ci, qui manifestait une volonté délibérée de s'abstenir du moindre versement, devait être condamné à une mesure de faillite personnelle dont la durée de cinq ans était adaptée ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.