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Décisions

Cass. com., 24 octobre 2018, n° 17-86.749

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Bordeaux, du 24 oct. 2017

24 octobre 2017

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Rémi X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 24 octobre 2017, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 1er juin 2016, n°15-80.230), pour escroquerie au jugement, usage de faux, et banqueroute, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve, dix ans de faillite personnelle et a ordonné une mesure de confiscation ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Rémi X... a été condamné par le tribunal correctionnel des chefs d'escroqueries, banqueroute, escroquerie au jugement, faux et usage à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve et quinze ans de faillite personnelle ; que la cour d'appel a relaxé M. X... du chef d'escroquerie, confirmant le jugement pour le surplus et notamment pour la peine, sauf à ramener la durée de la faillite personnelle à dix ans ; que cet arrêt a été cassé et annulé en ses seules dispositions relatives à la condamnation pour faux et à la peine, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 132-19 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. Rémi X... à une peine de trois ans d'emprisonnement dont un an ferme, et à la peine complémentaire de faillite personnelle pour une durée de dix ans ;

"aux motifs qu'il est reproché à la présente cour d'avoir, par confirmation de la peine initialement prononcée, condamné M. X... à la peine de trois ans d'emprisonnement, dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve sans s'être expliquée, en application de l'article 132-19 du code pénal, sur le caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction, et d'avoir omis de se prononcer sur l'aménagement de la peine sans sursis ; qu'en application des dispositions de l'article 132-19 alinéa 2 du code pénal, en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; dans ce cas, la peine d'emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une mesure d'aménagement de peine ; qu'il convient de rappeler que les faits de banqueroute, d'usage de faux et d'escroquerie au jugement pour lesquels M. X... a été condamné ont perduré pendant deux ans, de 2008 à 2010, et qu'ils ont à l'origine d'un passif important évalué à 1 400 000 euros, et qu'en conséquence, ils ont gravement troublé l'ordre public économique en portant atteinte à la sécurité et à la fiabilité des opérations commerciales et financières ; que par ailleurs, ces faits ont été commis alors que M. X... avait été précédemment condamné pour des faits de complicité de faux dans un document administratif ; que dans ce contexte, M. X... ne peut échapper au prononcé d'une peine d'emprisonnement pour partie seulement assortie d'une mise à l'épreuve, cette sanction étant parfaitement justifiée pour sanctionner M. X... qui, bien que déjà condamné, a commis de nouvelles infractions, pour prévenir la commission de nouvelles infractions, la peine d'emprisonnement comportant à la fois une partie ferme et une partie assortie d'une mise à l'épreuve obligeant l'intéressé à se soumettre à un suivi judiciaire et enfin pour respecter les intérêts des victimes, l'intéressé étant soumis à l'obligation de réparer les dommages causés par les infractions, notamment en indemnisant les parties civiles ; que dans ce contexte, toute autre condamnation est inadéquate ; c'est pourquoi la peine initialement prononcée par le tribunal correctionnel de Bordeaux qui est parfaitement justifiée sera confirmée, sauf à réduire à dix ans la durée de la faillite personnelle ;

"alors que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction ; qu'en se bornant à relever, pour prononcer une peine partiellement sans sursis à l'encontre de M. X..., la gravité de l'infraction, le caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction ainsi que la circonstance que le prévenu avait déjà été condamné pour des faits de complicité de faux dans un document administratif, sans se prononcer sur la personnalité de M. X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes et principes susvisés" ;

Attendu que pour condamner M. X... à une peine de trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve, après avoir rappelé les motifs de cassation de la précédente décision, les dispositions de l'article 132-19 du code pénal et examiné la gravité des faits pour lesquels le prévenu a été condamné au regard de leur durée et de l'importance du trouble à l'ordre public économique généré, l'arrêt énonce que ces faits ont été commis alors que M. X... avait été précédemment condamné pour des faits de complicité de faux dans un document administratif et que le prévenu ne peut donc échapper au prononcé d'une peine d'emprisonnement pour partie seulement assortie d'une mise à l'épreuve, cette sanction étant parfaitement justifiée pour prévenir la commission de nouvelles infractions, la peine d'emprisonnement comportant à la fois une partie ferme et une partie assortie d'une mise à l'épreuve obligeant l'intéressé à se soumettre à un suivi judiciaire et enfin pour respecter les intérêts des victimes, l'intéressé étant soumis à l'obligation de réparer les dommages causés par les infractions, notamment en indemnisant les parties civiles ; que, dans ce contexte, toute autre condamnation est inadéquate ;

Que les juges ajoutent que si, au soutien de sa demande de réformation de la peine initialement prononcée, l'avocat de M. X... indique que son client, marié et père d'un enfant de 10 ans, est maintenant domicilié à [...] au Portugal où il travaille comme salarié dans une entreprise dont sa femme est la gérante, il faut observer qu'aucun justificatif probant de sa situation n'est fourni à la cour, qui ne dispose que de photocopies de documents en langue portugaise, documents qui sont présentés avec une traduction par ailleurs partielle, sans que l'identité et la qualité du traducteur apparaisse et qu'en outre M. X..., de nationalité française, n'apporte pas la preuve de sa domiciliation effective au Portugal ; que la cour d'appel en déduit qu'en l'état de la situation, il ne peut être envisagé d'aménager la partie ferme résultant de la condamnation initialement prononcée et confirmée par la cour ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel, qui, par une appréciation souveraine, a jugé, au vu des seuls éléments produits devant elle, que la gravité de l'infraction, la personnalité de son auteur et le caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction, rendaient nécessaire une peine d'emprisonnement sans sursis et qu'elle se trouvait dans l'impossibilité de prononcer une mesure d'aménagement de cette peine, en l'absence d'éléments suffisants sur la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ; 

Mais sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 61-1 et 62 de la Constitution, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-3, 132-1 et 132-19 du code pénal, préliminaire, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé à l'encontre de M. X... la peine complémentaire de faillite personnelle pour une durée de dix ans ;

"1°) alors qu'une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ; que nul ne peut être puni, pour un délit, d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ; que l'arrêt attaqué a confirmé le prononcé de la faillite personnelle de M. X..., dont la durée a été ramenée à dix ans, en répression du délit de banqueroute commis en 2010 par application des dispositions de l'article L. 654-6 du code de commerce dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 ; que ces dispositions ont été déclarées contraires à la Constitution par la décision n° 2016-573 QPC du Conseil constitutionnel du 29 septembre 2016, prenant effet à la date de sa publication au Journal officiel de la République française le 1er octobre 2016 ; d'où suit que l'annulation de l'arrêt attaqué est encourue ;

"2°) alors qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu'en se bornant à relever, pour prononcer une peine complémentaire de faillite personnelle de dix ans, la gravité de l'infraction à l'encontre de M. X..., le caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction ainsi que la circonstance que le prévenu avait déjà été condamné pour des faits de complicité de faux dans un document administratif, sans se prononcer sur la personnalité de M. X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes et principes susvisés" ; Vu les articles 61-1 et 62 de la Constitution et 111-3 du code pénal ;

Attendu que, d'une part, une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 précité est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ;

Attendu que, d'autre part, nul ne peut être puni, pour un délit, d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;

Attendu que l'arrêt confirme le prononcé de la faillite personnelle et ramène sa durée à dix ans en répression de délits de banqueroute commis en 2010 par application des dispositions de l'article L. 654-6 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 ;

Mais attendu que ces dispositions ont été déclarées contraires à la Constitution par la décision n° 2016-573 QPC du Conseil constitutionnel du 29 septembre 2016, prenant effet à la date de sa publication au Journal officiel de la République française le 1er octobre 2016 ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ; Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 24 octobre 2017, mais en ses seules dispositions relatives au prononcé de la faillite personnelle, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.