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Décisions

CA Rennes, 2e ch. com., 21 novembre 2001, n° 00/07486

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

SCP Roux et Delaëre (ès qual.)

Défendeur :

Bouteiller, Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Nantes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bothorel

Conseillers :

M. Poumarède, M. Patte

Avocats :

SCP Castres Colleu & Perot, Me Hardouin

T. com. Nantes, du 4 oct. 2000

4 octobre 2000

EXPOSE DES FAITS - PROCÉDURE - OBJET DU RECOURS

Par acte du 24 novembre 2000, la société civile professionnelle de mandataires judiciaires Roux et Delaëre (la S.C.P.) a formé appel d’un jugement rendu le 4 octobre précédent par le tribunal de commerce de Nantes qui, après avoir déclaré recevable (et « partiellement fondée »), la tierce opposition qu’elle avait formée le 22 juin 2000 à un précédent jugement rendu le 26 mai 2000 par la même juridiction -jugement ayant à l’époque ouvert la procédure de la liquidation judiciaire du patrimoine d’Henri Bouteiller et l’ayant par la même occasion désignée en qualité de liquidatrice judiciaire de ce patrimoine- , lui a toutefois (et finalement) « ordonné subsidiairement de prendre en charge (cette) liquidation judiciaire ».

Elle entend en effet obtenir, en substance, l’infirmation de ce jugement, en ce qu’il a ainsi refusé de rétracter celui du 26 mai 2000 et en lui imposant la « prise en charge » de la procédure collective d’Henri Bouteiller.

Le Ministère public conclut pour sa part à la réformation de la décision déférée, en ce qu’elle a cette fois-ci déclaré recevable la tierce opposition formée par la S.C.P.

MOYENS PROPOSES PAR LES PARTIES

Considérant que, tout en approuvant (toujours en substance) les premiers juges d’avoir estimé, non seulement que sa tierce opposition était recevable, mais encore qu’un mandataire liquidateur ne peut être désigné sans son accord, la S.C.P. leur fait par contre grief d’avoir estimé, pour des motifs « de pure opportunité », qu’elle était tenue « d’assurer le bon fonctionnement de la Justice, dans la mesure où un blocage généralisé (des nominations de mandataires judiciaires) entrave(rait) l’exercice du service public, un motif, même justifié, ne (pouvant) prévaloir sur l’intérêt général, (de sorte que son) opposition ne (pouvait) être retenue » ;

Considérant que le Ministère public estime pour sa part que la tierce opposition (et/ou l’appel) ainsi formés par la S.C.P. doivent être déclarés irrecevables, notamment par application des articles L. 621-8, L. 621-10, L. 623-6 et L. 623-7 du Code de commerce ;

Considérant qu’Henri Bouteiller, réassigné à sa personne par acte du 19 avril 2001, n’a pas comparu ;

MOTIFS DE L’ARRET

Considérant tout d’abord qu’aux termes de l’article L. 623-6 du Code de commerce, les jugements relatifs à la nomination d’un liquidateur ne sont susceptibles que d’un appel du Ministère public ;

Que, de ce seul fait, l’appel formé par la S.C.P. de la décision déférée, dont la nullité n’est même pas invoquée en l’espèce, doit être déclaré irrecevable ;

Considérant en deuxième lieu qu’il résulte des dispositions combinées des articles L. 621-8 et L. 622-2 du même Code que le liquidateur judiciaire d’une entreprise est un organe de la procédure collective de cette entreprise, de sorte qu’il ne peut en aucun cas être considéré comme un tiers au jugement ouvrant une telle procédure collective au sens de l’article 582 du nouveau Code de procédure civile, étant au besoin observé qu’il ne peut (par hypothèse) être partie à un tel jugement ;

Considérant en tout état de cause qu’un tel liquidateur qui refuse un mandat qui lui est confié par le tribunal de commerce compétent pour des motifs tirés de l’intérêt collectif d’une profession dont l’avenir est (toujours par hypothèse) menacé par des projets de réforme en cours de cette profession (cf la « motion », en date du 4 mai 2000, adressée notamment au président du tribunal de commerce de Nantes par les mandataires judiciaires concernés), ne justifie pas d’un intérêt légitime, au sens cette fois-ci des articles 31 et 583 du nouveau Code de procédure civile, l’autorisant à opposer un tel refus à sa nomination ;

Que, pour ces seuls motifs, et abstraction faite des autres moyens et arguments de la S.C.P., il convient en conséquence de réformer la décision déférée ;

DÉCISION

PAR CES MOTIFS, substitués à ceux des premiers juges,

La Cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Réformant la décision déférée et statuant à nouveau,

Déclare irrecevable, d’abord l’appel formé par la société civile professionnelle de mandataires judiciaires Roux et Delaëre de la décision déférée, et ensuite (et au besoin) la tierce opposition formée par cette société civile professionnelle au jugement rendu le 26 mai 2000 par le tribunal de commerce de Nantes qui avait ouvert la procédure de la liquidation judiciaire du patrimoine d’Henri Bouteiller,

Condamne la même société civile professionnelle aux dépens d’appel.