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Décisions

Cass. com., 11 décembre 2012, n° 11-22.436

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

Me Brouchot, SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard

Montpellier, du 14 juin 2011

14 juin 2011

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par Mme X... que sur le pourvoi incident relevé par M. Y... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite de la mise en redressement puis liquidation judiciaires les 28 octobre et 13 décembre 2005 de la société Bâti bien (la société), M. Z... étant désigné liquidateur, ce dernier a assigné M. Y... en sa qualité de gérant de droit et Mme X... et M. A... en leur qualité de gérant de fait, en responsabilité pour insuffisance d'actif et en vue du prononcé de leur faillite personnelle ; 

Sur le premier moyen du pourvoi principal : 

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à supporter la totalité de l'insuffisance d'actif de la société, alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisante d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion dûment caractérisée, ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées, en tout ou en partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, ou par certains d'entre eux ; que pour condamner solidairement Mme X... au paiement de l'insuffisance d'actif, la cour d'appel a observé que les dirigeants de droit et de fait, en poursuivant l'exploitation d'une société ayant connu des difficultés financières deux mois seulement après sa création, avaient commis des fautes de gestion ayant eu pour effet de générer cette insuffisance d'actif ; qu'en se bornant ainsi à viser l'ensemble des dirigeants de droit et de fait de la société Bâti bien sans individualiser les fautes de gestion reprochées et retenues à l'encontre de chacun d'eux, la cour d'appel, par ces seuls motifs insusceptibles de faire ressortir une faute de gestion imputable personnellement à Mme X..., a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 624-3 du code de commerce dans sa rédaction applicable en la cause ;

2°/ que dans ses conclusions d'appel, Mme X... avait fait valoir que seul M. Y... qui était en charge de la tenue de la comptabilité de la société pouvait se voir reprocher une faute de gestion de ce fait ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen pertinent, la cour d'appel n'a pas satisfait à l'obligation de motivation de sa décision, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que les fautes de gestion imputées à un dirigeant de droit ou de fait doivent être expressément caractérisées pour justifier sa condamnation au comblement de l'insuffisance d'actif ; qu'en se bornant à faire état de " moyen frauduleux " sans autre précision quant à la nature, la portée et l " imputabilité de ces moyens frauduleux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 624-3 du code de commerce ;

Mais attendu en premier lieu, que loin de se borner à faire état de moyens frauduleux et à viser l'ensemble des dirigeants de droit et de fait, l'arrêt, après avoir relevé que la société rencontrait des difficultés financières dès le mois de novembre 2003, retient que son activité a été poursuivie par Mme X... qui réglait les factures au moyen de sa propre carte bancaire et que tant cette dernière que M. Y... ont perçu ou prélevé des sommes en espèces ou détourné des chèques, ces derniers, destinés à la société, étant falsifiés par Mme X... ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en second lieu, que la faute de gestion consistant à ne pas avoir tenu de comptabilité est imputable tant au gérant de droit qu'au gérant de fait de sorte que la cour d'appel, qui a relevé par des motifs non contestés qu'aucune comptabilité n'avait été tenue et que Mme X... ne contestait pas sa qualité de gérant de fait, n'avait pas à répondre à un moyen inopérant ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; 

Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa cinquième branche :

Vu les articles L. 625-4 et L. 624-5, I, 6° du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

Attendu que pour prononcer contre Mme X... une mesure de faillite personnelle, l'arrêt retient que cette dernière a, postérieurement à l'ouverture de redressement judiciaire, déposé sur son compte bancaire personnel, pour un montant de 38 000 euros, plusieurs chèques à l'ordre de la société qu'elle a falsifiés en mentionnant son nom en qualité de bénéficiaire ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que seuls des faits antérieurs à l'ouverture de la procédure collective peuvent justifier le prononcé d'une mesure de faillite personnelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa troisième branche et sur le second moyen du pourvoi incident pris en sa seconde branche, rédigées en termes identiques, réunis :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner M. Y... à supporter la totalité de l'insuffisance d'actif de la société et prononcer à son encontre une mesure de faillite personnelle, l'arrêt retient que ce dernier a perçu ou prélevé des sommes en espèces ou en chèques destinés à la société ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans indiquer, dès lors que M. Y... contestait le détournement d'actif qui lui était reproché, les éléments de preuve sur lesquels elle fondait sa décision, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a prononcé la faillite personnelle de Mme X... et qu'il a condamné M. Y... à supporter l'insuffisance d'actif de la société Bâti bien et prononcé la faillite personnelle de ce dernier, l'arrêt rendu le 14 juin 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet en conséquence, sur ces points la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier autrement composée.