Cass. com., 11 février 2014, n° 12-21.069
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocats :
Me Bouthors, SCP Ghestin
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 4 avril 2012), que la société Norpass (la société) a été mise en liquidation judiciaire le 25 juin 2008, la date de cessation des paiements étant fixée au 25 décembre 2006 ; que, le liquidateur a, le 29 mars 2012, assigné M. X..., gérant de la société, en prononcé d'une mesure d'interdiction de gérer et en paiement de l'insuffisance d'actif ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X...fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé sa condamnation à payer une somme de 20 000 euros au liquidateur au titre de l'insuffisance d'actif, alors, selon le moyen :
1°/ que la charge de la preuve des fautes de gestion alléguées à l'appui d'une action en comblement d'insuffisance d'actif, repose sur le liquidateur qui demande le prononcé de cette sanction pécuniaire ; qu'en l'espèce, il incombait tout d'abord au liquidateur de prouver que le compte litigieux fonctionnait comme un compte courant d'associé de M. X...et non pas comme un compte client de l'agent général d'assurances M. X...; qu'en considérant, tout au contraire, qu'il incombait au dirigeant de s'exonérer d'une présomption de responsabilité en établissant que le compte litigieux fonctionnait non comme un compte courant d'associé mais comme un compte client, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, ensemble l'article L. 651-2 du code de commerce ;
2°/ que les irrégularités comptables ne constituent plus, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, une faute de gestion pouvant justifier la condamnation du dirigeant à supporter tout ou partie des dettes sociales ; qu'en retenant néanmoins que la tenue incomplète d'une comptabilité qui s'assimilait à une tenue irrégulière de celle-ci, constituait une faute de gestion pouvant justifier la condamnation de M. X...à supporter une partie des dettes sociales, la cour d'appel a violé l'article L. 652-1 du code de commerce ;
3°/ que le dirigeant d'une personne morale responsable d'une faute de gestion ne peut être condamné à combler l'insuffisance d'actif que si sa défaillance est cause de tout ou partie de cette insuffisance ; qu'en considérant que la faute de gestion inhérente à l'absence de tenue d'une comptabilité complète, contribuait nécessairement à une insuffisance d'actif, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce ;
4°/ que le dirigeant d'une personne morale responsable d'une faute de gestion ne peut être condamné à combler l'insuffisance d'actif que si sa défaillance est cause de tout ou partie de cette insuffisance ; qu'en considérant que la faute de gestion inhérente à l'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours, contribuait nécessairement à une insuffisance d'actif, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce ;
5°/ que si la poursuite d'une activité déficitaire constitue une faute de gestion, encore faut-il que cette poursuite soit établie en fait et qu'elle ait été la cause de l'insuffisance de tout ou partie d'actif ; qu'en déclarant que M. X...avait poursuivi une activité manifestement déficitaire en justifiant cette constatation par un motif inopérant tiré de l'importance de l'insuffisance d'actif, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
6°/ que si la non déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours constitue une faute de gestion, encore faut-il que cette omission ait été la cause de l'insuffisance de tout ou partie d'actif ; qu'en déclarant que M. X...avait aggravé le passif en poursuivant une activité manifestement déficitaire, sans en quoi que ce soit justifier cette affirmation, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
7°/ que, en toute hypothèse, lorsque la condamnation à payer l ¿ insuffisance d'actif a été prononcée en considération de plusieurs fautes de gestion, la cassation encourue à raison de l'une entraîne la cassation de l'arrêt en application de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que c'est sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel, après avoir constaté que le compte " X..." litigieux fonctionnait comme un compte-courant, a retenu qu'aucun élément ne démontrait qu'il se serait agi d'un compte client, de sorte que le fait par M. X...d'avoir effectué des débits sur ce compte à son profit et ainsi disposé des biens de la personne morale comme des siens propres, constituait une faute de gestion engageant sa responsabilité pour insuffisance d'actif ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant énoncé qu'en application de l'article L. 123-12 du code de commerce, tout commerçant doit établir " les comptes annuels qui comprennent le bilan, le compte résultat et une annexe formant un tout indissociable ", puis retenu, par motifs propres et adoptés, qu'aucun bilan n'ayant été établi pour l'année 2005, quand l'activité de la société Norpass avait cessé en septembre de cette même année, M. X...avait tenu une comptabilité manifestement incomplète, la cour d'appel a pu en déduire qu'il avait ainsi commis une faute de gestion ;
Attendu, en troisième lieu, qu'après avoir relevé que les éléments d'actif et de passif inscrits au bilan constituent des clés permettant de savoir si la société est ou non en état de cessation des paiements au regard de l'actif disponible et du passif exigible, l'arrêt retient que cette analyse a manqué à M. X...qui a poursuivi une activité déficitaire au regard de l'importance de l'insuffisance d'actif de la société ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que le défaut de tenue d'une comptabilité complète avait contribué à cette insuffisance d'actif ;
Attendu, en quatrième lieu, que la cour d'appel n'a pas retenu que le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours avait contribué à l'insuffisance d'actif, ni imputé à M. X...une faute de gestion au titre d'une poursuite d'une activité déficitaire ;
Et attendu, en dernier lieu, que le rejet du moyen en ses six premières branches, rend la septième branche sans objet ;
D'où il suit que le moyen, non fondé en ses deux premières branches et qui manque en fait en ses quatrième, cinquième et sixième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. X...fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci, pour une durée de 10 ans à compter du jugement et, en conséquence, de l'avoir condamné aux dépens et au paiement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors, selon le moyen, que la sanction personnelle d'interdiction de diriger, porte soit sur toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit sur une ou plusieurs de celles-ci ; qu'après avoir constaté que M. X...avait omis de déclarer la cessation des paiements dans le délai de quarante-cinq jours, la cour d'appel l'a condamné à une interdiction " de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci, pour une durée de 10 ans à compter du jugement " ; qu'en laissant incertaine, l'étendue de la sanction prononcée, la cour d'appel a violé l'article L. 653-8 du code de commerce ;
Mais attendu que la cour d'appel, n'ayant pas spécifié que la mesure d'interdiction de gérer prononcée serait limitée à l'une des activités énumérées à l'article L. 653-8 du code de commerce, cette mesure s'étend nécessairement à l'ensemble de ces activités ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.