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Décisions

Cass. com., 6 mai 1997, n° 94-16.133

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Lassalle

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

SCP Gatineau, Me Le Prado

Riom, du 20 avr. 1994

20 avril 1994

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 9 janvier 1992, la société Sylvager a cédé par bordereau à la société Lyonnaise de banque (la banque) une créance professionnelle de 19 487,96 francs, à échéance du 10 mars 1992, qu'elle détenait sur la société Rochias ; que la société Sylvager a été mise en redressement judiciaire le 15 janvier 1992, la date de cessation des paiements étant fixée au 8 janvier 1992 ; qu'assignée en paiement de la créance par la banque, la société Rochias, débiteur cédé, a invoqué en défense la nullité de la cession sur le fondement de l'article 107.3° de la loi du 25 janvier 1985 et l'exception de compensation ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Rochias fait grief à l'arrêt d'avoir refusé d'annuler la cession, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le nantissement par le biais d'un bordereau Dailly d'une créance professionnelle, en garantie d'une autre créance, transmet la propriété de la créance professionnelle au cessionnaire et s'analyse comme un paiement ; que, pour décider que la cession de créance professionnelle intervenue en période suspecte n'était pas susceptible d'être annulée, la cour d'appel a retenu que le bordereau se rapportait à la garantie d'une créance en devises que la banque détenait sur la société Rochias ; qu'en refusant néanmoins d'annuler cette cession qui avait nécessairement pour effet de transmettre la propriété de la créance à la banque, et s'analysait par suite comme un paiement fait en période suspecte, la cour d'appel a violé les articles 1-1 de la loi du 2 janvier 1981 et 107, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, d'autre part, qu'est nul pour avoir été fait après la date de cessation des paiements, tout paiement quelle qu'en ait été la forme pour dette non échue au jour du paiement ; que la cour d'appel a, en l'espèce, constaté que la cession de créance professionnelle avait été réalisée en garantie d'un prêt consenti par la banque au profit de la société Sylvager ; que l'arrêt a néanmoins refusé d'annuler la cession intervenue dans la mesure où la société Rochias ne prouvait pas que la dette qu'avait contractée la société Sylvager auprès de la banque n'était pas échue lors de la cession ; qu'en statuant de la sorte, après avoir constaté que la cession avait été faite en garantie d'un prêt, lequel constituait nécessairement une dette non encore échue, la cour d'appel a refusé de tirer les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations au regard de l'article 107, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que l'action en nullité des paiements faits par le débiteur depuis la date de cessation des paiements ne peut être exercée que par l'administrateur, par le représentant des créanciers, par le liquidateur ou par le commissaire à l'exécution du plan ; que le créancier n'a pas qualité pour invoquer personnellement la nullité d'un paiement, fût-ce par voie d'exception ; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux, inopérants, de la cour d'appel, l'arrêt se trouve justifié ; d'où il suit que le moyen ne peut être, en aucune de ses branches, accueilli ;

Sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche : (sans intérêt) ;

Sur le troisième moyen : (sans intérêt) ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 1289 et 1290 du Code civil et l'article 5 de la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981, facilitant le crédit aux entreprises ;

Attendu que, pour écarter l'exception de compensation légale invoquée par la société Rochias, l'arrêt relève que l'examen des factures produites par celle-ci révèle que certaines d'entre elles devaient être payées postérieurement au 9 janvier 1992 ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la compensation ne s'était pas de plein droit opérée entre la dette de la société Rochias et les créances liquides et exigibles à la date de la notification de la cession résultant des autres factures produites, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du deuxième moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a refusé d'admettre la compensation légale entre la dette de la société Rochias et ses créances sur la société Sylvager, l'arrêt rendu le 20 avril 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges.