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Décisions

Cass. crim., 23 octobre 1997, n° 96-84.359

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Culie

Cass. crim. n° 96-84.359

23 octobre 1997

Statuant sur les pourvois formés par X... Rinaldo, Z... Yann, contre l'arrêt de la cour d'appel de DIJON, chambre correctionnelle, en date du 11 septembre 1996, qui les a condamnés, pour abus de biens sociaux et banqueroute, le premier à 2 ans d'emprisonnement avec sursis, 100 000 francs d'amende et à la faillite personnelle pendant 10 ans, le second à 1 an d'emprisonnement avec sursis, à 30 000 francs d'amende et à 5 ans d'interdiction de diriger toute personne morale, et qui a en outre prononcé contre chacun d'eux l'interdiction des droits civiques, civils et de famille pour une durée de 5 ans ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour chacun des demandeurs, pris de la violation de l'article 437-3° de la loi du 24 juillet 1966 et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Yann Z... coupable d'avoir, du 1er juin 1988 au 31 décembre 1989, commis le délit d'abus des biens d'une société par actions par un dirigeant pour favoriser une autre société dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement et l'a en conséquence condamné à une peine d'emprisonnement d'un an avec sursis et au paiement d'une amende de 30 000 francs, outre la mesure d'interdiction de gérer une personne morale pendant dix ans ;

"et en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Rinaldo X... coupable d'avoir, du 1er juin 1988 au 31 décembre 1989, commis le délit d'abus des biens d'une société par actions par un dirigeant pour favoriser une autre société dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement et l'a en conséquence condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans avec sursis et au paiement d'une amende de 100 000 francs, outre la mesure de faillite personnelle pendant dix ans ; 

"aux motifs que Yann Z... était président-directeur général de la société LVI Bourgogne et directement intéressé à la marche des sociétés LVI Normandie, ADF et Conforglace puisqu'il était le président-directeur général des deux premières et qu'il était directeur général de la troisième ;

"et aux motifs que Rinaldo X... était intéressé au fonctionnement de toutes les sociétés du groupe puisqu'il détenait avec sa famille 82 % du capital de Conforglace laquelle détenait 58 % du capital de LVI Normandie, 57 % de celui de LVI Bourgogne et directement ou par l'intermédiaire de Sopralu, 100 % d'ADF; que Rinaldo X... dirigeait le groupe, dont la stratégie est invoquée pour justifier les faits ; "qu'en ce qui concerne la matérialité des faits, il s'agit du crédit fournisseur que la société LVI Bourgogne a consenti à la société ADF qui ne lui a réglé aucune des factures entre le moment où elle est entrée dans le groupe et le moment de son dépôt de bilan; qu'il s'agit également des échanges entre LVI Bourgogne et LVI Normandie qui se sont soldés par une créance de la première sur la seconde de 2,9 millions de francs d'après la comptabilité et de 5,7 millions d'après l'expert; qu'il s'agit encore des redevances payées par LVI Bourgogne à Conforglace représentant 6,4 millions de francs et dont l'expert précise qu'elles étaient disproportionnées avec la taille de l'entreprise et que leur poids peut être compris parmi les causes de la chute de la société; qu'il est constant que les sacrifices imposés à LVI Bourgogne ont mis en péril celle-ci, l'ont été pour maintenir en activité la société ADF; que si des sacrifices peuvent être imposés dans l'intérêt du groupe, c'est à la condition que cela ne fasse pas courir des risques trop importants, sans contrepartie suffisante ou hors de proportion avec les possibilités réelles; que cette condition n'est pas remplie ; que selon le rapport d'expertise, la société LVI Bourgogne était en état de cessation des paiements depuis le 31 décembre 1988, date à laquelle l'excédent du passif exigible sur l'actif réalisable s'élevait à 6,8 millions de francs, que depuis le mois de juin 1988 la situation financière de la société s'était dégradée au point qu'elle n'était plus en mesure de renouveler l'hypothèse d'une continuité d'exploitation; qu'il a donc été imposé à la société LVI Bourgogne des sacrifices sans commune mesure avec ses possibilités; que Rinaldo X... a reconnu devant les enquêteurs que le crédit consenti à ADF a été la première cause de la chute de LVI Bourgogne; que les prévenus ne peuvent prétendre qu'ils sont de bonne foi et qu'ils ignoraient tant l'état de LVI Bourgogne que l'absence de contrepartie future; qu'en raison de leurs fonctions ils étaient nécessairement informés de l'état de cette société; qu'entre le moment où elle a été reprise par le groupe et le moment où elle a déposé son bilan, la société ADF a généré un passif considérable; que si, en février 1989, le tribunal de commerce d'Antibes a pu croire que cette société avait renoué avec les bénéfices, il s'agissait d'une erreur puisqu'un mois après elle était à nouveau en redressement judiciaire; que si la société SIV a assumé les difficultés de trésorerie d'ADF, cela n'a été que provisoire; que rien ne permet de dire qu'entre avril 1987 et mars 1989 la société SIV ait eu le projet, qu'elle a eu par la suite, de reprendre le groupe, et que les prévenus aient pu penser qu'elle prendrait cette décision; que la prévention est établie à partir du 1er juin 1988, date à laquelle il ne peut plus y avoir de doute sur la conscience qu'avaient les prévenus qu'ils imposaient à LVI Bourgogne, au profit d'autres sociétés du groupe, des sacrifices hors de proportion avec les possibilités et sans espoir de contrepartie future; que postérieurement au 31 décembre 1988, date de cessation des paiements, ces abus de biens sociaux sont devenus des faits de banqueroute par détournement d'actif (arrêt attaqué p.6 à 9) ;

"1°) alors que Yann Z... et Rinaldo X... avaient soutenu, dans leurs conclusions d'appel, pour contester l'élément intentionnel du délit, que la société LVI Bourgogne n'était pas en cessation des paiements au 31 décembre 1988 dès lors que les délais de paiement avaient été sollicités et octroyés et qu'il n'existait donc, à cette date, aucun passif exigible excédant l'actif disponible, le principal créancier, la société SIV ayant de surcroît accepté de ne pas demander le paiement du compte fournisseur; que cette analyse avait été confirmée par le tribunal de commerce de Beaune qui n'avait pas fait rétroagir la date de cessation des paiements arrêtée au 2 mars 1990 ; qu'en se bornant à un simple visa du rapport d'expertise énonçant que la société LVI Bourgogne aurait été en cessation des paiements le 31 décembre 1988, la cour d'appel n'a pas répondu aux moyens des conclusions d'appel de Yann Z... et de Rinaldo X..., en violation des textes susvisés ;

"2°) alors que Yann Z... et Rinaldo X... avaient en outre souligné que les comptes de l'exercice 1988 n'étaient pas connus que lors de l'arrêté des comptes intervenant dans les 6 mois de l'exercice suivant et qu'en conséquence, ils ne pouvaient pas avoir conscience au 31 décembre 1988, et a fortiori à partir du 1er juin 1988 de l'importance de l'aggravation de la situation financière et du fait que les sacrifices imposés à la société LVI Bourgogne au profit d'autres sociétés du groupe excèderaient les possibilités de cette société ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Sur le second moyen de cassation proposé pour chaque demandeur, pris de la violation des articles 196, 197-2° et 198 de la loi du 25 janvier 1985 et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Yann Z... coupable du délit de banqueroute par détournement d'actif et l'a en conséquence condamné à une peine d'emprisonnement d'un an avec sursis et au paiement d'une amende de 30 000 francs, outre la mesure d'interdiction de gérer une personne morale pendant dix ans ;

"et en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Rinaldo X... coupable du délit de banqueroute par détournement d'actif et l'a en conséquence condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans avec sursis et au paiement d'une amende de 100 000 francs, outre la mesure de faillite personnelle pendant dix ans ;

"aux motifs que Yann Y... était président-directeur général de la société LVI Bourgogne et directement intéressé à la marche des sociétés LVI Normandie, ADF et Conforglace puisqu'il était le président-directeur général des deux premières et qu'il était directeur général de la troisième ;

"et aux motifs que Rinaldo X... était intéressé au fonctionnement de toutes les sociétés du groupe puisqu'il détenait avec sa famille 82 % du capital de Conforglace, laquelle détenait 58 % du capital de LVI Normandie, 57 % de celui de LVI Bourgogne et directement ou par l'intermédiaire de Sopralu, 100 % d'ADF; que Rinaldo X... dirigeait le groupe, dont la stratégie est invoquée pour justifier les faits ; "qu'en ce qui concerne la matérialité des faits, il s'agit du crédit fournisseur que la société LVI Bourgogne a consenti à la société ADF qui ne lui a réglé aucune des factures entre le moment où elle est entrée dans le groupe et le moment de son dépôt de bilan; qu'il s'agit également des échanges entre LVI Bourgogne et LVI Normandie qui se sont soldés par une créance de la première sur la seconde de 2,9 millions de francs d'après la comptabilité et de 5,7 millions d'après l'expert; qu'il s'agit encore des redevances payées par LVI Bourgogne à Conforglace représentant 6,4 millions de francs et dont l'expert précise qu'elles étaient disproportionnées avec la taille de l'entreprise et que leur poids peut être compris parmi les causes de la chute de la société; qu'il est constant que les sacrifices imposés à LVI Bourgogne ont mis en péril celle-ci, l'ont été pour maintenir en activité la société ADF; que si des sacrifices peuvent être imposés dans l'intérêt du groupe, c'est à la condition que cela ne fasse pas courir des risques trop importants, sans contrepartie suffisante ou hors de proportion avec les possibilités réelles; que cette condition n'est pas remplie ; que selon le rapport d'expertise, la société LVI Bourgogne était en état de cessation des paiements depuis le 31 décembre 1988, date à laquelle l'excédent du passif exigible sur l'actif réalisable s'élevait à 6,8 millions de francs; que depuis le mois de juin 1988 la situation financière de la société s'était dégradée au point qu'elle n'était plus en mesure de renouveler l'hypothèse d'une continuité d'exploitation; qu'il a donc été imposé à la société LVI Bourgogne des sacrifices sans commune mesure avec ses possibilités; que Rinaldo X... a reconnu devant les enquêteurs que le crédit consenti à ADF a été la première cause de la chute de LVI Bourgogne; que les prévenus ne peuvent prétendre qu'ils sont de bonne foi et qu'ils ignoraient tant l'état de LVI Bourgogne que l'absence de contrepartie future; qu'en raison de leurs fonctions ils étaient nécessairement informés de l'état de cette société; qu'entre le moment où elle a été reprise par le groupe et le moment où elle a déposé son bilan, la société ADF a généré un passif considérable; que si, en février 1989, le tribunal de commerce d'Antibes a pu croire que cette société avait renoué avec les bénéfices, il s'agissait d'une erreur puisqu'un mois après elle était à nouveau en redressement judiciaire; que si la société SIV a assumé les difficultés de trésorerie d'ADF, cela n'a été que provisoire; que rien ne permet de dire, qu'entre avril 1987 et mars 1989, la société SIV ait eu le projet, qu'elle a eu par la suite, de reprendre le groupe, et que les prévenus aient pu penser qu'elle prendrait cette décision; que la prévention est établie à partir du 1er juin 1988, date à laquelle il ne peut plus y avoir de doute sur la conscience qu'avaient les prévenus qu'ils imposaient à LVI Bourgogne au profit d'autres sociétés du groupe des sacrifices hors de proportion avec les possibilités et sans espoir de contrepartie future; que postérieurement au 31 décembre 1988, date de cessation des paiements, ces abus de biens sociaux sont devenus des faits de banqueroute par détournement d'actif (arrêt attaqué p.6 à 9) ;

"alors que le délit de banqueroute prévu et réprimé par l'article 197-2° de la loi du 25 janvier 1985 n'est caractérisé que si son auteur a détourné ou dissipé tout ou partie de l'actif social; qu'en se bornant à affirmer qu'à compter de la date de cessation des paiements les faits antérieurement reprochés constitutifs d'abus de biens sociaux sont devenus des faits de banqueroute par détournement d'actif, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément matériel du délit, en violation des textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué, en partie reprises aux moyens, et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, les délits d'abus de biens sociaux et de banqueroute par détournement d'actif dont elle a déclaré les prévenus coupables;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause, contradictoirement débattus, ne peuvent être admis;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois.