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Décisions

Cass. com., 1 avril 2014, n° 13-14.086

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

Mme Guillou

Avocat général :

Mme Bonhomme

Avocat :

SCP Gatineau et Fattaccini

Colmar, du 19 déc. 2012

19 décembre 2012

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 19 décembre 2012), que le 26 mars 2009, M. et Mme X... ont constitué la SCI Enès (la SCI) à laquelle ils ont fait apport de leur maison d'habitation ; que le 30 novembre 2009, M. X... a été mis en liquidation judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 30 mai 2008 ; que le 29 janvier 2010, le liquidateur a assigné la SCI et Mme X... en annulation de l'apport effectué ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable comme étant de pur droit :

Attendu que Mme X... et la SCI font grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement ayant dit que l'apport du bien immobilier cadastré au livre foncier de Haguenau sous S CD n° 0025/ 0006 a été réalisé en période suspecte, en conséquence annulé cet acte, dit que le jugement sera transcrit au livre foncier de Haguenau, dit le jugement opposable à Mme X..., alors, selon le moyen, que depuis l'ordonnance n 2008-1345 du 18 décembre 2008, entrée en vigueur le 15 février 2009, le liquidateur ne peut plus exercer l'action en nullité d'actes accomplis pendant la période suspecte ; qu'en accueillant pourtant, en l'espèce, une telle action intentée le 29 janvier 2010 par le liquidateur de M. X..., la cour d'appel a violé l'article L. 632-4 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n 2008-1345 du 18 décembre 2008 ;

Mais attendu qu'aux termes des articles L. 632-4, L. 641-4 et L. 641-14 du code de commerce, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, le liquidateur exerce les fonctions dévolues au mandataire judiciaire, lequel a qualité pour agir en nullité d'un acte accompli en période suspecte ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches :

Attendu que Mme X... et la SCI font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°) que la nullité facultative d'un apport réalisé en période suspecte ne peut être prononcée que si le bénéficiaire de cet apport a eu connaissance de la cessation des paiements ; qu'en se fondant sur le seul fait que la SCI, dont elle a relevé qu'elle était bénéficiaire de l'apport, était « l'émanation des deux conjoints et associés », motifs impropres à établir que cette SCI avait personnellement connaissance de la cessation des paiements de Monsieur X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 632-2 du code de commerce ;

2°) que la nullité facultative d'un acte réalisé en période suspecte suppose une connaissance des parties à cet acte de la cessation des paiements ; qu'en se bornant, en l'espèce, à relever que l'accumulation des dettes impayées notamment vis à vis de l'URSSAF et des impôts ne pouvait être ignorée de Mme X..., signataire d'un acte mentionnant les sûretés inscrites en garantie des dettes impayées de l'exploitation de son conjoint, laquelle n'invoquait l'existence d'aucun bien ni revenu qui aurait constitué un actif disponible, de sorte qu'elle ne pouvait ignorer que l'immeuble était le seul bien susceptible de répondre aux engagements professionnels de M. X..., la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser qu'au jour de la signature de l'acte argué de nullité, Mme X... savait que son époux ne pouvait pas faire face à son passif exigible avec son actif disponible, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 632-2 du code de commerce ;

3°) que le prononcé d'une nullité qui n'est que facultative pour le juge suppose que celui-ci motive sa décision d'annuler l'acte ; qu'en se bornant à déduire la nullité de l'apport consenti à la SCI du seul fait que les conditions de la nullité facultative soient réunies, sans motiver sa décision de prononcer une telle nullité, dont les conséquences particulièrement graves étaient mises en exergue par les conclusions des exposants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 632-2 du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt relève que l'accumulation des dettes impayées en particulier vis-à-vis de l'URSSAF et des impôts à partir de 2007 ne pouvait être ignorée de Mme X..., signataire des statuts concrétisant son accord et mentionnant ces diverses sûretés inscrites en garantie des dettes impayées de l'exploitation de son conjoint ; qu'il retient encore que Mme X..., qui n'invoque l'existence d'aucun bien ni revenu qui aurait constitué un actif disponible, ne pouvait ignorer que l'immeuble était le seul bien susceptible de répondre des engagements professionnels de M. X... et que l'apport a eu pour but de soustraire l'immeuble à la procédure collective et aux poursuites de ses créanciers ; qu'ayant ainsi caractérisé la connaissance qu'avaient Mme X... et la SCI, dont M. et Mme X... étaient les seuls associés, de l'impossibilité pour M. X... de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel a retenu à bon droit que l'article L. 632-2 du code de commerce était applicable à l'apport litigieux ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.