Livv
Décisions

Cass. com., 11 octobre 2016, n° 14-29.360

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Spinosi et Sureau

Reims, du 21 oct. 2014

21 octobre 2014

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après la mise en redressement judiciaire, le 16 mars 2010, de la SCI Le Château, le tribunal a arrêté, le 18 janvier 2011, le plan de redressement proposé par M. X..., cogérant de la société, et ordonné à son profit, en application de l'article L. 631-19-1 du code de commerce, la cession des parts sociales détenues par M. Y..., l'autre cogérant ; que l'arrêt du 10 janvier 2012 qui avait confirmé cette décision a été cassé sans renvoi, en ses dispositions concernant la cession forcée des droits sociaux, la requête présentée à cette fin par le ministère public étant déclarée irrecevable ; qu'après l'arrêt de cassation, M. X... a présenté une demande de modification du plan tendant à la cession forcée des parts sociales de M. Y... ; que sur cette demande, le ministère public a déposé une requête à cette fin ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement qui avait ordonné la cession de ses parts à M. X... pour le prix d'un euro alors, selon le moyen :

1°) que les dispositions de l'article L. 631-19-1 du code de commerce portent atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'elles permettent, sans justification d'intérêt général, au tribunal d'ordonner la cession forcée des parts sociales des dirigeants d'une entreprise soumise à une procédure de redressement judiciaire ; que la déclaration d'inconstitutionnalité qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité posée par écrit distinct et motivé au Conseil constitutionnel privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique ;

2°) que les dispositions de l'article L. 631-19-1 du code de commerce portent atteinte au principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'elles établissent une discrimination injustifiée entre les dirigeants ordinaires et ceux exerçant une activité professionnelle libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire, lesquels échappent à la mesure de cession forcée de leurs parts sociales ; que la déclaration d'inconstitutionnalité qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité posée par écrit distinct et motivé au Conseil constitutionnel privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique ;

3°) que l'article L. 631-19-1 du code de commerce, qui permet au tribunal de procéder à la cession forcée des parts d'un dirigeant de société dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire porte une atteinte injustifiée et disproportionnée au droit de propriété, dès lors que le redressement de l'entreprise peut être réalisé par la désignation d'un mandataire exerçant les droits de vote du dirigeant évincé ; qu'en procédant à la cession forcée des parts de M. Y... par application de l'article L. 631-19-1 du code de commerce, la cour d'appel a violé l'article 544 du code civil, ensemble l'article premier du premier protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu, en premier lieu, que le Conseil constitutionnel, auquel la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a renvoyé la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Y..., a, par décision du 7 octobre 2015 (n° 2015-486 Q.P.C.), déclaré conforme à la Constitution l'article L. 631-19-1 du code de commerce ; que les griefs des première et deuxième branches sont, dès lors, sans portée ;

Et attendu, en second lieu, que le dirigeant social peut échapper à la cession forcée de ses droits sociaux en renonçant à ses fonctions de direction, de sorte que l'article L. 631-19-1 n'entraîne pas une privation de son droit de propriété ; que cette cession ne peut, en outre, être décidée que lorsque le redressement de l'entreprise le requiert, qu'elle nécessite une demande du ministère public, qu'elle ne peut concerner que les droits sociaux d'un dirigeant encore en fonction au moment où le tribunal statue et que le prix de cession doit être fixé à dire d'expert ; qu'elle ne porte, dès lors, pas davantage une atteinte disproportionnée au droit de propriété au regard de l'article premier du premier protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen, pris en sa septième branche :

Vu l'article L. 631-19-1 du code de commerce ;

Attendu que, pour déclarer recevable la requête du ministère public tendant à la cession forcée des parts sociales de M. Y..., l'arrêt retient qu'elle pouvait être formée à l'occasion de la demande de modification du plan présentée par M. X... ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'une demande de cession forcée de parts sociales ne peut, à elle seule, constituer une demande de modification du plan, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, dont l'application est proposée par le demandeur au pourvoi ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement du 15 octobre 2013, il ordonne la cession forcée des parts sociales de M. Y... à M. X... pour le prix d'un euro, l'arrêt rendu le 21 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi.