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Décisions

Cass. com., 26 octobre 1999, n° 96-12.946

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Montpellier, 2e ch. B, du 24 oct. 1995

24 octobre 1995

Attendu, selon les arrêts déférés (Montpellier, 24 octobre 1995 et 5 mars 1996), que, par suite du défaut de paiement des loyers dus au titre d'un contrat de crédit-bail portant sur des locaux sis à Port-Vendres, la société d'économie mixte La Portvendraise (la SEM) a assigné la société Sandur holidays limited (société SHL) dont le siège social est à l'Ile de Man (Grande-Bretagne), devant le tribunal de commerce de Perpignan pour voir constater sa cessation des paiements et ouvrir une procédure de redressement judiciaire à son encontre ; que le Tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société SHL et désigné M. X... en qualité de liquidateur ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société SHL reproche à l'arrêt du 24 octobre 1995 d'avoir déclaré le tribunal de commerce de Perpignan territorialement compétent pour statuer sur la demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre d'une société ayant son siège social à l'étranger, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, dans ses conclusions d'appel, la société SHL contestait exercer à Port-Vendres quelqu'activité d'exploitation que ce fût, rappelant qu'elle était exclusivement signataire d'un contrat de crédit-bail portant sur des locaux sous-loués à une association, laquelle assumait seule la gestion de l'exploitation de l'établissement ; qu'en retenant néanmoins qu'il était "constant" que la seule activité de la débitrice consistait dans l'exploitation d'une maison de retraite à Port-Vendres pour en déduire que s'y trouvait le centre principal de ses intérêts en France, la cour d'appel a dénaturé l'objet du litige et ainsi violé les dispositions de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que la simple localisation d'obligations contractuelles dans le ressort du tribunal de commerce de Perpignan -telles que celles résultant de la conclusion d'un contrat de crédit-bail- ne pouvait, en l'absence de toute représentation effective de la société débitrice comme de tout actif lui appartenant dans ce ressort, caractériser le centre principal de ses intérêts en France, de sorte qu'en retenant néanmoins la compétence de ce tribunal pour ouvrir une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société SHL-que le créancier n'avait d'ailleurs fait assigner qu'en la personne d'un simple représentant fiscal établi en dehors de son ressort- pour la seule raison qu'elle devait acquitter des loyers au crédit-bailleur pour des locaux situés à Port-Vendres, la cour d'appel a violé, par fausse application, les dispositions de l'article 1er, alinéa 1er, du décret du 27 décembre 1985 ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir énoncé qu'il n'existait aucune convention internationale applicable en l'espèce de nature à donner compétence au tribunal de son siège social et que, dès lors, les règles d'ordre public de la loi du 25 janvier 1985 doivent recevoir application, et qu'aux termes de l'article 1er du décret du 27 décembre 1985, le tribunal territorialement compétent pour connaître de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaires est celui dans le ressort duquel le débiteur a le siège de son entreprise ou, à défaut de siège en France, le centre principal de ses intérêts en France, l'arrêt retient que si le siège de la société SHL se trouve à l'Ile de Man, la seule activité de cette société consiste en l'exploitation de locaux affectés à une maison de retraite située à Port-Vendres pour laquelle elle devait acquitter des loyers auprès de la SEM en vertu d'un acte authentique, que le centre principal de ses intérêts en France se situe donc dans le ressort du tribunal de commerce de Perpignan, seul compétent ; que c'est sans méconnaissance de l'objet du litige que la cour d'appel, au vu des éléments de preuve qui lui était soumis, a estimé que la prise en crédit-bail de locaux, dont elle avait vocation à devenir propriétaire au terme du contrat, était une forme d'exploitation des dits locaux, même si la gestion de la maison de retraite était confiée à une association sous-locataire ;

Attendu, d'autre part, que dès lors que la cour d'appel constatait que la seule activité de la société SHL était liée au contrat de crédit-bail qu'elle avait conclu avec la SEM et qu'elle retenait celle-ci comme une forme d'exploitation des locaux, il en résultait que le centre principal des intérêts de la société SHL en France se trouvait à Port-Vendres ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société SHL reproche à l'arrêt du 5 mars 1996 d'avoir prononcé sa liquidation judiciaire, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cassation à intervenir de l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 24 octobre 1995, qui a retenu la compétence du tribunal de commerce de Perpignan saisi de la demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société SHL et a ordonné la réouverture des débats pour permettre de conclure au fond entraînera, par voie de conséquence, conformément aux dispositions de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile, celle de l'arrêt de la même cour d'appel qui en est la suite statuant sur ladite demande ; et alors, d'autre part, qu'en statuant par des motifs desquels il ne ressort pas qu'à la date où elle a rendu son arrêt, la société SHL avait cessé toute activité ou que son redressement était manifestement impossible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1er et 148 de la loi du 25 janvier 1985 modifiée ;

Mais attendu, d'une part, que le premier moyen tendant à la cassation de l'arrêt du 24 octobre 1995 étant rejeté, la première branche manque par suite de la défaillance de la condition qui lui sert de base ;

Attendu, d'autre part, qu'en retenant, pour prononcer directement la liquidation judiciaire de la société SHL, que le Tribunal avait constaté l'absence de paiement d'une créance de 9 444 444 francs ainsi que l'impossibilité dans laquelle se trouvait cette société de faire face à son passif exigible avec son actif disponible et qu'aucune possibilité d'améliorer la situation de la société SHL n'était proposée devant elle ni même envisagée, la cour d'appel a caractérisé l'impossibilité manifeste de tout redressement et justifié la liquidation judiciaire qu'elle prononçait ;

D'où il suit que le moyen est sans fondement ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.