Livv
Décisions

Cass. com., 11 mai 1993, n° 91-10.569

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Rémery

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

Me Foussard, Me Boulloche

Paris, du 26 oct. 1990

26 octobre 1990

Attendu que, selon l'arrêt attaqué, la société Marvac, créancière de la société Agratex, a assigné celle-ci en vue de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire et a demandé au Tribunal d'étendre cette procédure aux sociétés Socopro et Sofradimex, en invoquant la confusion de leurs patrimoines avec celui de la société Agratex ; que la société Marvac a également demandé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de MM. X... et De Y..., cogérants de la société Agratex, en se fondant sur les dispositions de l'article 182.1° de la loi du 25 janvier 1985, au motif qu'ils auraient disposé des biens de cette personne morale comme des leurs ; que le Tribunal a déclaré la demande dirigée par la société Marvac contre la société Agratex recevable et a commis un juge pour recueillir tous renseignements sur la situation financière, économique et sociale de cette entreprise ; qu'il a, en revanche, déclaré irrecevables les autres demandes de la société Marvac tendant à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard des sociétés Socopro et Sofradimex et de MM. X... et De Y... ; que la société Marvac a interjeté appel de cette décision ; que le Tribunal ayant postérieurement, au vu du rapport du juge-commis, mis la société Agratex en redressement puis en liquidation judiciaire, le liquidateur est intervenu devant la cour d'appel et s'est associé aux demandes d'ouverture de redressement judiciaire formées par la société Marvac à l'égard des sociétés Socopro et Sofradimex et de MM. X... et De Y... ; Sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que le liquidateur de la société Agratex fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande tendant à l'extension de la procédure collective de la société Agratex aux sociétés Socopro et Sofradimex, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en ce qui concerne la société Socopro, ayant constaté la présence de dirigeants ou d'associés communs, l'identité d'objets sociaux, la centralisation de la gestion en un même lieu et l'existence de relations commerciales constantes et de communauté de clientèle, les juges du fond ne pouvaient statuer comme ils l'ont fait sans rechercher si la facturation au nom de la société Socopro de marchandises destinées à la société Agratex ou le paiement par la société Socopro de marchandises également destinées à la société Agratex n'étaient pas constitutifs d'actes anormaux au regard des règles régissant les groupes de sociétés, et ne révélaient pas, par suite, l'existence d'une confusion de patrimoines ; que l'arrêt est dès lors entaché d'un défaut de base légale au regard des articles 2 et 3 de la loi du 25 janvier 1985 ; alors d'autre part, que s'agissant de la société Sofradimex, ayant constaté la présence de dirigeants ou d'associés communs, l'identité d'objets sociaux, la centralisation de la gestion en un même lieu et l'existence de relations commerciales constantes et de communauté de clientèle, les juges du fond ne pouvaient statuer comme ils l'ont fait sans rechercher si le fait pour la société Sofradimex d'exploiter une partie de la clientèle de la société Agratex ne constituait pas un acte anormal, au regard des règles régissant les groupes de sociétés, et ne révélait pas, par suite, l'existence d'une confusion de patrimoines ; que l'arrêt est dépourvu de base légale au regard des articles 2 et 3 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors enfin, que concernant tant la société Socopro que la société Sofradimex, la confusion des patrimoines se déduit non seulement de ce que les biens sont effectivement imbriqués, mais également de ce qu'ils apparaissent comme tels aux yeux des tiers ; qu'ayant constaté la présence de dirigeants ou d'associés commun, l'identité d'objets sociaux, la centralisation de la gestion en un même lieu, l'existence de relations commerciales constantes et de communauté de clientèle, les juges du fond ne pouvaient statuer comme ils l'ont fait sans rechercher, nonobstant le fait que des flux financiers anormaux n'auraient pas été constatés dans les relations entre les parties, si les circonstances qu'ils relevaient ne permettaient pas aux tiers de croire légitimement que les patrimoines étaient confondus ; que l'arrêt est dépourvu de base légale au regard des articles 2 et 3 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la présence de dirigeants ou d'associés communs, l'identité d'objets sociaux, la centralisation de la gestion en un même lieu, l'existence de relations commerciales constantes et la communauté de clientèle ne suffisaient pas à démontrer la confusion des patrimoines des sociétés Agratex, Soproco et Sofradimex, dès lors qu'elles conservaient une activité indépendante, un actif et un passif propre et qu'aucun flux financier anormal n'existait entre elles, la cour d'appel, qui a effectué les recherches visées aux deux premières branches du moyen et n'avait pas à effectuer celle, inopérante, visée à la troisième branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche : Vu les articles 182 et 183 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que la cour d'appel a déclaré " la demande irrecevable contre MM. De Y... et Barreau ", au motif que la société Marvax n'avait pas, selon l'article 183 de la loi du 25 janvier 1985, qualité pour demander l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard des dirigeants d'une personne morale sur le fondement de l'article 182 de la même loi ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le liquidateur de la société Agratex, qui l'avait saisie, comme la société Marvac, d'une demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire personnelle à l'égard des dirigeants de la société Agratex, avait qualité pour agir en vertu de l'article 183 de la loi du 25 janvier 1985, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande du liquidateur de la société Agratex tendant à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire personnelle à l'égard de MM. X... et De Y..., cogérants de la société Agratex, l'arrêt rendu le 26 octobre 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.