Cass. com., 19 avril 2005, n° 05-10.094
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
Mme Besançon
Avocat général :
M. Feuillard
Avocats :
SCP Delaporte, Briard, Trichet, SCP Baraduc et Duhamel, Me Blanc
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SAS Metaleurop Nord (la SAS), ayant son siège à Noyelles-Godault et pour activité la production et la commercialisation de zinc et de plomb, filiale à 99 % de la SA Metaleurop (la SA), a été mise en redressement judiciaire par le tribunal de grande instance de Béthune, statuant en matière commerciale, le 28 janvier 2003, puis en liquidation judiciaire le 10 mars suivant, MM. Y... et Z... étant nommés liquidateurs ; que ces mandataires judiciaires de la SAS ont demandé au tribunal d'étendre la procédure collective de celle-ci à la SA ; qu'un jugement du 11 avril 2003 a rejeté la demande ; que sur les appels des liquidateurs de la SAS et du ministère public, l'arrêt du 2 octobre 2003 a ordonné une expertise afin de déterminer le degré de dépendance de la SAS ; que les experts ont déposé leur rapport le 1er octobre 2004 ; qu'au vu de ce rapport, les mandataires de justice de la SAS, cette dernière, le comité d'entreprise et le ministère public ont demandé à la cour d'appel de réformer le jugement du 11 avril 2003 sur le fondement de l'article L. 621-5 du Code de commerce et de dire que la SAS était une société fictive ; que la SA, invoquant l'absence de fictivité de la SAS et la normalité des relations entre les sociétés du groupe, a sollicité la confirmation du jugement ; que l'arrêt du 16 décembre 2004 a constaté une confusion entre les patrimoines des sociétés SAS et SA et a ordonné l'extension de la procédure collective de la première à la seconde ; que, sur la requête des liquidateurs des sociétés, le maintien de l'activité de la SA a été autorisé en application de l'article L. 622-10 du Code de commerce ;
Sur les premier, deuxième et troisième moyens, pris en leur première branche :
Attendu que M. X..., mandataire ad hoc de la SA, fait grief à l'arrêt du 16 décembre 2004 d'avoir étendu à cette société la procédure collective de la SAS, alors, selon les moyens :
1°) que le juge doit, en toutes circonstances, observer et faire observer le principe de la contradiction ; qu'il ne peut se fonder sur un moyen qu'il a relevé d'office sans, au préalable, avoir invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen tiré d'une confusion des patrimoines des sociétés SAS et SA en raison du manque à gagner supporté par la première en suite de la gestion de la couverture du risque de change par le trésorier de la seconde, sans au préalable avoir invité les parties à s'expliquer sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
2°) que le juge doit, en toutes circonstances, observer et faire observer le principe de la contradiction ; qu'il ne peut se fonder sur un moyen qu'il a relevé d'office sans, au préalable, avoir invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en se fondant sur le moyen soulevé d'office tiré d'une confusion des patrimoines des sociétés SAS et SA, dès lors, d'une part, que M. A... avait assuré la direction de la ligne plomb dans l'intérêt de l'ensemble des sociétés du groupe alors même qu'il n'était pas salarié de la SAS et, d'autre part, que MM. Z... et B..., salariés de cette dernière société, avaient, pour le premier, travaillé comme conseiller technique pour "l'ensemble de la BU plomb" et, pour le second, en qualité de "contrôleur de gestion de la ligne zinc au niveau de l'ensemble des entités du groupe", sans au préalable inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
3°) que le juge doit, en toutes circonstances, observer et faire observer le principe de la contradiction ; qu'il ne peut se fonder sur un moyen qu'il a relevé d'office sans, au préalable, avoir invité les parties à présenter leurs observations ; qu'ainsi, en se fondant d'office sur le moyen tiré de l'existence d'une confusion des patrimoines entre la SAS et la SA, motif pris que, compte tenu des conventions financières entre ces deux sociétés et des modalités de paiement des dettes de la filiale par la société-mère, la solvabilité de la première ne dépendait que des capacités financières de la seconde, de ses paiements et de sa volonté d'accorder ou non un crédit complémentaire, de sorte que la SAS se trouvait dans un état de dépendance décisionnelle et financière particulièrement marqué, sans préalablement inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que les juges du fond peuvent puiser les éléments de leur conviction dans tous les documents régulièrement versés aux débats ; qu'en se fondant, pour statuer comme elle a fait, sur le rapport d'expertise discuté dans les conclusions de la SA, la cour d'appel n'a pas violé le principe de la contradiction dès lors qu'elle n'a pas introduit dans les débats des éléments dont les parties n'auraient pas été à même de débattre contradictoirement ; que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur ces moyens, pris en leurs autres branches, réunis : Vu l'article L. 621-5, alinéa 1er, du Code de commerce ;
Attendu que pour étendre la procédure collective de la SAS à la SA, l'arrêt relève que la gestion de la couverture du risque de change par le trésorier de la SA avait entraîné un manque à gagner important et n'avait été couverte par une convention qu'au mois d'avril 2001 ; qu'il retient ensuite que l'organisation, au sein du groupe, de lignes de produits ne s'était pas traduite par un ajustement des conventions de "refacturation" de services inter-sociétés, que la SAS avait supporté les charges de ses deux salariés qui exerçaient des fonctions de conseiller technique et de contrôleur de gestion pour l'ensemble des entités du groupe concernées tandis que son autonomie décisionnelle s'avérait particulièrement réduite du fait de la direction de la production de plomb sur le site de la SAS par un salarié d'une autre société du groupe en charge de la direction de la "ligne plomb" dans l'intérêt de l'ensemble du groupe et qu'aucun accord ne précisait les modalités de mise à disposition de ces salariés ; qu'il relève encore qu'après l'abandon de cette organisation, c'était la société-mère qui avait fait face aux besoins de trésorerie de la SAS, que les échéances de remboursement du prêt à long terme avaient été reportées de deux ans, que le défaut de paiement de la première échéance n'avait pas provoqué de réaction particulière, que malgré la dépréciation de ses créances sur la SAS, la SA avait continué à lui accorder des avances très importantes, que l'intérêt du groupe ne pouvait être pertinemment invoqué tandis que rien, si ce n'est un nouvel effort financier improbable, ne permettait à la SA de voir la situation de sa filiale se redresser et que la survie de la SAS dépendait de très lourds investissements qu'elle ne pouvait effectuer seule ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à caractériser en quoi, dans un groupe de sociétés, les conventions de gestion de trésorerie et de change, les échanges de personnel et les avances de fonds par la société-mère, qu'elle a constatés, révélaient des relations financières anormales constitutives d'une confusion du patrimoine de la société-mère avec celui de sa filiale, la cour d'appel, qui ne statuait pas sur le fondement de l'article L. 624-3 du Code de commerce, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par MM. Z... et Y..., ès qualités, à laquelle ils ont déclaré renoncer :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a réformé le jugement en constatant une confusion entre les patrimoines des sociétés Metaleurop Nord et Metaleurop SA, ordonné l'extension à la SA Metaleurop de la procédure collective ouverte à l'encontre de la SAS Metaleurop Nord et délégué le tribunal de grande instance de Béthune, statuant commercialement, pour l'accomplissement des mesures de publicité, l'arrêt rendu le 16 décembre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.