Cass. com., 28 mai 2002, n° 98-14.759
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Del B..., mis en règlement judiciaire le 4 juin 1980, a été autorisé à donner en location gérance le fonds de commerce et artisanal, créé avec son épouse, à la société Sonicobat (la société), constituée dès le mois de mai 1980 entre son père et son fils ; qu'un concordat a été homologué le 13 septembre 1988, les échéances, échelonnées sur cinq ans, étant respectées ; que les époux A... B... ont cédé le 10 septembre 1993 le fonds de commerce à l'EURL Sonicobat constituée le 30 mars 1990, dont leur fils était l'unique gérant et associé ; qu'après la mise en redressement puis liquidation judiciaires de la société, prononcée successivement les 29 septembre et 24 novembre 1993, le tribunal a rejeté la demande de M. Y..., liquidateur, en extension de la procédure collective aux époux A... B... et fondée sur l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985, a mis hors de cause Mme Del B... et a ouvert, en application des dispositions de l'article 182, 5 et 7, de la loi précitée, une procédure, en régime simplifié, de redressement judiciaire, à l'égard de M. Del B... en qualité de dirigeant de fait de la société"; que M. Del B... et le liquidateur ayant relevé appel de cette décision, la cour d'appel a confirmé le jugement et a "ouvert la procédure de régime simplifié de redressement judiciaire, par extension à la procédure ouverte le 29 septembre 1993 à l'encontre de la société, à l'égard de Mme Del B... en qualité de dirigeant de fait de la société" ;
Sur le moyen unique du pourvoi formé par les époux A... B..., pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 624-5 du Code de commerce ;
Attendu que pour décider comme il a fait, l'arrêt retient que dans les procédures collectives successives, ce n'est pas le gérant de la société qui est intervenu, physiquement et spontanément, mais Mme Del B..., qui "a déclaré en la personne de son époux M. A... B..., gérant de la société, qu'il ne s'opposait pas à la liquidation judiciaire mais souhaitait être autorisé à terminer les chantiers en cours" ; que l'arrêt relève encore que la qualité de dirigeants de fait des époux A... B... résulte de la création même de la société pour la continuation de leur entreprise commune et le désintéressement de leurs créanciers au moyen de loyers provenant de la location gérance ;
Attendu qu'en se prononçant par de tels motifs impropres à démontrer que Mme Del B... avait dirigé, en fait, la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur la troisième branche :
Vu l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 624-5 du Code de commerce ;
Attendu que pour décider comme il est dit précédemment, l'arrêt retient que dans les procédures collectives successives, ce n'est pas le gérant de la société qui est intervenu, physiquement et spontanément, mais Mme Del B..., qui "a déclaré en la personne de son époux M. A... B..., gérant de la société, qu'il ne s'opposait pas à la liquidation judiciaire mais souhaitait être autorisé à terminer les chantiers en cours" ; que l'arrêt relève encore que la qualité de dirigeants de fait des époux A... B... résulte de la création même de la société pour la continuation de leur entreprise commune et le désintéressement de leurs créanciers au moyen des loyers provenant de la location gérance ;
Attendu qu'en se prononçant par de tels motifs impropres à démontrer que M. Del B... avait dirigé, en fait, la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le moyen unique du pourvoi formé par M. Y... :
Sur la recevabilité du pourvoi contestée par les époux A... B... :
Attendu que les époux A... B... soutiennent que le pourvoi est irrecevable au motif que le liquidateur a lui-même induit en erreur la cour d'appel en soutenant, tout à la fois, que la société était fictive et qu'ils étaient les dirigeants de fait de la société, entraînant ainsi l'application simultanée des articles 7 et 182 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu que le liquidateur qui demandait à titre principal l'extension de la procédure collective aux époux A... B... et, à titre subsidiaire, l'application de l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985, a vu sa demande principale rejetée ; D'où il suit que le pourvoi est recevable ;
Et sur le moyen :
Vu l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 621-5 du Code de commerce ;
Attendu qu'après avoir relevé que le caractère fictif des sociétés Sonicobat, écarté à tort par les premiers juges, se trouvait établi et que le liquidateur était fondé à réclamer l'application des dispositions de l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985, l'arrêt confirme le jugement qui a ouvert le redressement judiciaire de M. Del B... en qualité de dirigeant de fait de la société et ouvre aussi le redressement judiciaire de Mme Del B... prise en qualité de dirigeant de fait de la même société ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'extension d'une procédure collective fondée sur la confusion des patrimoines ou la fictivité d'une personne morale, entraîne une procédure collective unique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 février 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.