Cass. com., 26 janvier 2016, n° 14-17.672
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
M. Zanoto
Avocat général :
Mme Beaudonnet
Avocats :
SCP Barthélémy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Spinosi et Sureau
Attendu, selon les arrêts et jugements attaqués, qu'un jugement du 15 octobre 2004 a ouvert le redressement judiciaire de la SARL Bergerie de Manon, lequel a été, par trois jugements du 5 novembre 2004, étendu, en raison de la confusion de leurs patrimoines, à la société civile immobilière de Manon ainsi qu'à Mmes X... et Y... ; qu'un plan de continuation a été arrêté le 5 août 2005 ; qu'un jugement du 17 décembre 2010 (RG n° 2010/05046) a rejeté la demande du commissaire à l'exécution du plan tendant à la résolution de celui-ci pour inexécution par les débitrices de leurs engagements ; qu'un second jugement du même jour (RG n° 2010/05660), après avoir constaté la cessation des paiements des débitrices au cours de l'exécution du plan, a prononcé sa résolution et ouvert une procédure de liquidation judiciaire distincte à l'égard de chacune d'elles ; que la cour d'appel, par le premier arrêt attaqué (28 juin 2013, RG n° 10/23025), a confirmé cette dernière décision ; que, par le second arrêt attaqué (9 octobre 2014, RG n° 12/00307), la cour d'appel a confirmé la jonction des procédures de liquidation judiciaire qui avait été décidée, entre-temps, par le tribunal, mais a rejeté la demande du liquidateur tendant à leur extension à M. Z..., propriétaire indivis, avec Mme Y..., d'un immeuble occupé pour partie par la SARL Bergerie de Manon ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° B 14-25.541, qui est préalable :
Attendu qu'alléguant l'existence d'une contrariété, au sens de l'article 618 du code de procédure civile, entre le jugement du 17 décembre 2010 (RG n° 2010/05046) et celui du même jour (RG n° 2010/05660), confirmé par l'arrêt du 28 juin 2013, Mmes X... et Y... demandent, en application du texte précité, l'annulation de cette dernière décision ;
Mais attendu qu'il n'existe pas d'inconciliabilité entre, d'un côté, une décision qui rejette la demande tendant à la résolution d'un plan de redressement fondée sur l'inexécution, par le débiteur, de ses engagements, après avoir constaté que ceux-ci ont été respectés, et, de l'autre, une décision qui prononce la résolution du même plan et ouvre la liquidation judiciaire du débiteur, au motif qu'il s'est, au cours de son exécution, à nouveau trouvé en état de cessation des paiements, les deux causes de résolution étant distinctes ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi n° Y 14-17.672 :
Attendu que Mme X... et Mme Y... font grief à l'arrêt du 28 juin 2013 de prononcer la résolution du plan et d'ouvrir leur liquidation judiciaire alors, selon le moyen :
1°/ qu'elles faisaient valoir dans leurs conclusions en cause d'appel que la liquidation judiciaire ne pouvait être ordonnée consécutivement à la résolution du plan de redressement par application de l'article L. 622-27 du code de commerce dans sa rédaction applicable à la cause, dès lors que par une première décision du 17 décembre 2010, le tribunal de commerce de Tarascon avait jugé n'y avoir pas lieu de prononcer la résolution du plan et que dans une deuxième décision du même jour rendue entre les mêmes parties, il avait été au contraire jugé de procéder à la résolution du plan et au prononcé de la liquidation judiciaire ; qu'en se bornant à énoncer que, par application de l'article L. 626-27 du code de commerce, lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au jour de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier, décide, après avis du ministère public, sa résolution et prononce sa liquidation judiciaire, sans répondre à ce moyen péremptoire sur la contrariété de jugements relativement au prononcé de la résolution du plan de redressement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le tribunal ne peut prononcer la liquidation judiciaire distincte de plusieurs débiteurs soumis à un plan commun de continuation, sans que soit constatée, pour chacun d'eux, la cessation des paiements au cours de l'exécution du plan ; qu'en prononçant la résolution du plan de redressement de la SARL Bergerie de Manon, de la SCI de Manon, de Mme X... et de Mme Y... et en ouvrant une procédure de liquidation judiciaire distincte à l'encontre de Mme X... et de Mme Y... après avoir pourtant seulement constaté l'état de cessation des paiements de la société Bergerie de Manon au cours de l'exécution du plan, la cour d'appel a violé l'article 622-27, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction applicable à la cause ;
Mais attendu, d'une part, que les deux jugements du 17 décembre 2010 n'étant pas inconciliables, ainsi qu'il a été dit en réponse au grief précédent, il peut être répondu par ce même motif aux conclusions invoquées par la première branche ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que toutes les débitrices, après avoir fait valoir qu'elles avaient respecté leurs engagements prévus par le plan, demandaient cependant elles-mêmes l'ouverture d'une nouvelle procédure de redressement judiciaire, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elles reconnaissaient ainsi nécessairement l'existence de leur nouvel état de cessation des paiements ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi n° X 14-28.826 :
Vu l'article L. 621-5 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, ensemble les articles 368 et 537 du code de procédure civile ;
Attendu que pour prononcer la jonction des procédures de liquidation judiciaire, ouvertes à l'égard de la SARL Bergerie de Manon, de la SCI de Manon et de Mmes X... et Y..., l'arrêt du 9 octobre 2014 retient qu'il ne s'agit que d'une mesure d'administration judiciaire, parfaitement opportune et qui ne préjudicie nullement aux débitrices, qui ne sauraient dès lors la critiquer ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la jonction de procédures collectives, sur le fondement de la confusion des patrimoines des débiteurs concernés, conduisant à l'existence d'une procédure unique, n'est pas assimilable à une jonction d'instances et ne constitue pas, dès lors, une décision d'administration judiciaire insusceptible de recours, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur ce moyen, pris en sa troisième branche : Vu les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt du 9 octobre 2014 retient encore que la confusion des patrimoines, qui avait été constatée par les jugements définitifs du 5 novembre 2004, constituait aussi le motif du jugement confirmé du 17 décembre 2010 ouvrant, sur résolution du plan, quatre procédures de liquidation judiciaire et qu'elle est, dès lors, revêtue de l'autorité de la chose jugée ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'après la résolution du plan, l'extension de la procédure collective, constatée par les jugements du 5 novembre 2004, avait cessé et que le jugement du 17 décembre 2010 avait ouvert quatre procédures distinctes, sans retenir l'existence d'une nouvelle confusion des patrimoines, la cour d'appel, en conférant à ces différentes décisions une autorité de chose jugée dont elles étaient dépourvues, a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi n° E 14-28.856 :
Vu l'article L. 621-5 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
Attendu que pour rejeter la demande du liquidateur tendant à étendre la liquidation judiciaire de la SARL Bergerie de Manon à M. Z..., l'arrêt du 9 octobre 2014 retient que rien ne permet de soutenir que les loyers payés à l'indivision de M. Z... et de Mme Y... aient été excessifs ; Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le fait que la société Bergerie de Manon ne paye régulièrement que le quart du loyer annuel prévu par le bail ne caractérisait pas l'existence de flux financiers anormaux entre les patrimoines de cette société et celui de M. Z..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
REJETTE les pourvois nos Y 14-17.672 et B 14-25.541 ;
Et sur les pourvois nos X 14-28. 826 et E 14-28. 856 :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.