Cass. com., 18 janvier 2017, n° 15-10.572
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocat :
SCP Coutard et Munier-Apaire
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'aux termes d'un acte authentique des 26 juin et 2 décembre 1985, la société SODERAG, aux droits de laquelle vient la société SOFIAG, a consenti un prêt à la société Etablissements X..., dont M. X... s'est rendu caution solidaire et en garantie duquel il a affecté hypothécairement plusieurs immeubles lui appartenant ; que la société Etablissements X... a été mise en redressement judiciaire le 11 décembre 1992, que la créance déclarée par la société SODERAG le 23 mars 1993 a été inscrite à concurrence de 187 376,11 euros sur l'état des créances déposé au greffe le 10 juin 1998 ; que le 20 décembre 2010, la société SOFIAG a fait signifier à M. X... un commandement de payer valant saisie immobilière puis l'a assigné à l'audience d'orientation du juge de l'exécution par acte du 15 avril 2011 ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de dire que la prescription de la créance de la société SOFIAG n'est pas acquise alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article L. 110-4 du code de commerce, la prescription en matière commerciale est de dix ans ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a elle-même rappelé cette règle et énoncé que le délai de prescription a commencé à courir à compter de la production de la créance au passif de la procédure collective ouverte le 11 décembre 1992, avec déclaration de créance au 23 mars 1993 et état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce le 10 juin 1998, elle ne pouvait ensuite affirmer que « la prescription de la créance n'est pas encourue à la date du commandement signifié en date du 20 décembre 2010 du fait de la régularité de la déclaration de créance effectuée en 1993 et inscrite en 1998 à l'état des créances » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, elle n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 110-4 du code de commerce ;
Mais attendu que la déclaration de la créance au passif du débiteur interrompt la prescription et que cet effet interruptif se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective ; qu'ayant relevé que la créance détenue par la société SOFIAG avait été déclarée le 23 mars 1993, puis inscrite sur l'état des créances le 10 juin 1998 et que, selon l'extrait du registre du commerce et des sociétés délivré le 26 août 2010, la procédure collective de la société Etablissements X... n'était pas clôturée à cette dernière date, la cour d'appel en a exactement déduit que la prescription de la créance n'était pas acquise lors de la délivrance du commandement valant saisie immobilière à M. X... le 20 décembre 2010 ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le même moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 103 de la loi du 25 janvier 1985 et l'article 83 du décret du 27 décembre 1985 ;
Attendu que pour dire que la société SOFIAG poursuit régulièrement la saisie immobilière au préjudice de M. X..., l'arrêt retient que ce dernier, constituant d'une sûreté réelle, ne peut discuter le montant de la créance admise par une décision ayant autorité de la chose jugée à son égard ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier, ainsi qu'il lui était demandé, si la société créancière justifiait de la publication au BODACC de l'avis de dépôt au greffe de l'état des créances qui constituait le point de départ du délai de réclamation imparti à M. X..., en sa qualité de personne intéressée, pour contester la créance, à défaut de laquelle la décision d'admission de cette dernière ne pouvait avoir acquis l'autorité de la chose jugée à l'égard du garant hypothécaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ;
Attendu que pour écarter le moyen tiré du défaut de délivrance de l'information annuelle à la caution soulevé par M. X..., l'arrêt retient que les dispositions de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ne sont pas applicables en l'espèce, s'agissant d'un "cautionnement réel" et qu'il importe peu que M. X... se soit également rendu caution solidaire puisque la saisie immobilière est poursuivie sur le fondement de la sûreté réelle ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir indiqué que les lettres d'information annuelle n'avaient été adressées à M. X... que pour les années 1994 à 2013, alors qu'en sus de l'affectation hypothécaire de plusieurs immeubles, il s'était rendu caution personnelle du prêt souscrit par la société Etablissements X..., de sorte que la société créancière était tenue de l'informer annuellement de la situation de l'engagement garanti, dès l'année suivant la conclusion du prêt par acte des 26 juin et 2 décembre 1985, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée de l'absence de titre exécutoire et dit que la prescription de la créance de la société SOFIAG n'est pas encourue, l'arrêt n° RG : 13/00061 rendu le 13 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France.