Cass. com., 18 novembre 2014, n° 13-20.836
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte notarié des 2 et 8 août 1991, M. et Mme X... (les emprunteurs) ont souscrit, auprès de la Banque des Antilles Françaises (la banque), un prêt d'un montant de 360 000 francs (54 881,65 euros) d'une durée de 6 ans, au taux annuel de 13,50 % ; qu'étant défaillants, la banque a prononcé la déchéance du terme le 23 avril 1994 ; que M. X... a été placé en liquidation judiciaire le 28 mars 1995 ; que la banque, après avoir déclaré sa créance, admise pour la somme de 473 400,32 francs (72 169,41 euros), a fait délivrer aux emprunteurs un commandement de payer valant saisie d'un bien immobilier pour une somme totale de 387 951,52 euros puis a assigné les emprunteurs aux fins, principalement, de fixer la date de la vente sur adjudication, quelques jours après que les emprunteurs l'ont assigné en vue, notamment, de voir constater la prescription de sa créance ; que les deux instances ont été jointes ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :
Attendu que les emprunteurs font grief à l'arrêt de fixer la dette de Mme X... à la somme de 114 870,05 euros, arrêtée au 5 décembre 2012, après avoir rejeté sa demande au titre de la prescription, alors, selon le moyen :
1°) que, lorsque la signature d'un acte est déniée, il appartient au juge de vérifier l'acte contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte ; qu'en l'espèce, Mme X... contestait avoir signé elle-même le courrier du 24 octobre 2002 ; qu'en se fondant sur ce courrier pour la condamner, sans vérifier la signature contestée, la cour d'appel a violé l'article 1324 du code civil, ensemble les articles 287 et 288 du code de procédure civile ;
2°) que si, en première instance, les conclusions des époux X... avaient énoncé que le courrier du 24 octobre 2002 avait été signé par Mme X..., il était soutenu en cause d'appel qu'un tel aveu avait été fait par erreur ; qu'en se fondant sur cet aveu sans rechercher s'il n'était pas effectivement entaché d'une erreur de fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1356 et 2240 du code civil ;
Mais attendu que la révocation de l'aveu judiciaire exige de prouver qu'il est la suite d'une erreur de fait ; que, dans leurs conclusions d'appel, M. et Mme X... s'étant bornés à soutenir que cette dernière n'était pas la signataire de la lettre du 24 octobre 2002, sans même proposer de démontrer que c'est par suite d'une erreur de fait qu'elle aurait admis le contraire devant le premier juge, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à la recherche évoquée par la seconde branche ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que les emprunteurs font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande tendant à la mainlevée des inscriptions provisoires d'hypothèque prises sur la parcelle cadastrée section B ¿ n 992, alors, selon le moyen, qu'ils évaluaient à 410 000 euros la valeur des immeubles faisant l'objet des inscriptions judiciaires provisoires, ce à quoi la banque se bornait à opposer qu'il n'y avait pas de disproportion à saisir des immeubles d'une telle valeur pour tenter d'obtenir le paiement d'une créance de 387 951,52 euros arrêtée au 31 août 2009 ; que la cour d'appel a retenu que la créance de la banque s'élevait à la seule somme de 114 870,05 euros ; qu'en refusant pourtant d'ordonner la mainlevée partielle sollicitée, sans préciser ce qui justifiait une mesure conservatoire portant sur des biens valant près de quatre fois le montant de la créance arrêtée par ses soins, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel a considéré que, compte tenu de la solution donnée au litige et du montant de la créance en principal et intérêts retenus, le caractère excessif des poursuites de la banque n'était pas établi ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le premier moyen, en ses trois dernières branches, et le deuxième moyen, en sa seconde branche, ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 1208 et 1351 du code civil, ensemble l'article L. 621-104 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
Attendu que le codébiteur solidaire peut, en cette qualité, opposer au créancier l'autorité de chose jugée attachée à la décision irrévocable d'admission de la créance au passif de la procédure collective de son coobligé ;
Attendu que, pour fixer à 114 870, 05 euros la somme due par Mme X..., coemprunteur, l'arrêt retient qu'à concurrence de 55 415,81 euros, cette somme représente le capital de la créance, le surplus de 59 454,24 euros représentant, compte tenu de la prescription quinquennale de l'action en paiement des intérêts prévue à l'article 2277 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, les intérêts de la créance courus entre le 3 février 2005 et le 5 décembre 2012 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la créance n'avait été admise au passif de la liquidation judiciaire de M. X... que pour le montant de 72 169,41 euros, comprenant nécessairement des intérêts, la cour d'appel, qui n'a pas dit que l'admission irrévocable portait sur d'autres intérêts que ceux ainsi inclus, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé à la somme de 114 870,05 euros arrêtée au 5 décembre 2012 la créance de la Banque des Antilles Françaises à l'égard de Mme X..., l'arrêt rendu le 22 mars 2013 entre les parties par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée.