Cass. com., 10 janvier 2018, n° 15-15.897
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocat :
SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1351, devenu 1355, du code civil, ensemble l'article L. 631-20 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;
Attendu que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que MM. X... et Y... se sont rendus cautions solidaires de plusieurs prêts consentis par la Société générale (la banque) à la société AB6 (la société débitrice) ; que des échéances des prêts étant demeurées impayées, la banque a assigné en paiement la société débitrice et les cautions, avant que cette société ne fasse l'objet d'une procédure de sauvegarde le 28 août 2008, puis d'un redressement judiciaire le 31 octobre 2008 ; qu'un jugement du 16 décembre 2009 a fixé la créance de la banque au passif de la société débitrice au titre des prêts litigieux et rejeté la demande de la banque tendant à la condamnation des cautions au titre desdits prêts « en l'état du redressement judiciaire » de la société débitrice ; que celle-ci ayant bénéficié d'un plan de redressement le 21 avril 2010, la banque a de nouveau assigné MM. X... et Y... en exécution de leurs engagements, les 29 et 30 août 2011 ; que les cautions ont opposé l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 16 décembre 2009 ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande formée par la banque contre les cautions, l'arrêt retient que la mention « en l'état » étant dépourvue de toute portée dans une décision qui statue au fond, la banque, déboutée de sa demande en paiement formée contre les cautions par le jugement irrévocable du 16 décembre 2009, ne pouvait introduire à l'encontre des mêmes parties une nouvelle instance ayant le même objet, peu important les motifs de la décision de débouté ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'abord, qu'il résultait des motifs du jugement du 16 décembre 2009, éclairant la portée de son dispositif, que le rejet de la demande de la banque était exclusivement fondé sur la suspension des actions exercées contre la caution durant la période d'observation du débiteur principal, édictée par l'article L. 622-28 du code de commerce, ensuite, que l'arrêté du plan de redressement de la société débitrice, postérieurement au jugement du 16 décembre 2009, avait modifié la situation jugée par ce jugement, dès lors que, selon l'article L. 631-20 du même code, la caution peut de nouveau être poursuivie après l'adoption d'un tel plan, de sorte que l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 16 décembre 2009 ne s'opposait pas à l'action engagée par la banque contre les cautions après l'arrêté de ce plan, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.