Cass. com., 14 décembre 1993, n° 93-10.696
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Rémery
Avocat général :
Mme Piniot
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, Me Capron, SCP Célice et Blancpain, Me Foussard
Vu leur connexité, joint les pourvois n° 93-12.544, formé par la Compagnie européenne de crédit aux entreprises, et n° 93-10.696, formé par Mme X..., ès qualités, qui attaquent le même arrêt ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, du pourvoi de la Compagnie européenne de crédit aux entreprises :
Vu les articles 1328 du Code civil, 853, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile et 175 du décret du 27 décembre 1985 ;
Attendu que la déclaration des créances au passif du redressement judiciaire du débiteur équivaut à une demande en justice que le créancier peut, selon les deux derniers textes susvisés, former lui-même ; que, dans le cas où le créancier est une personne morale, cette déclaration faite à titre personnel, si elle n'émane pas des organes habilités par la loi à la représenter, peut encore être effectuée par tout préposé titulaire d'une délégation de pouvoirs lui permettant d'accomplir un tel acte, sans que ce pouvoir soit soumis aux règles applicables au mandat de représentation en justice dont un tiers peut être investi ; qu'il peut enfin être justifié de l'existence de la délégation de pouvoirs, jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance, par la production des documents établissant la délégation, ayant ou non acquis date certaine ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société européenne de location de véhicules et de matériels industriels ayant été mise en redressement judiciaire, le chef du service contentieux de la Compagnie européenne de crédit aux entreprises (la Compagnie européenne de crédit) a adressé, dans les délais, au représentant des créanciers plusieurs déclarations de créances ; que le juge-commissaire a admis au passif les créances ainsi déclarées ;
Attendu que pour infirmer cette décision et décider que les créances étaient éteintes comme déclarées irrégulièrement et n'ayant pas fait l'objet d'une action en relevé de forclusion dans le délai d'un an à compter de la décision d'ouverture, l'arrêt, après avoir énoncé que la déclaration de créance, qui s'analyse en une demande en justice, doit être faite pour une société par le président du conseil d'administration, le président du directoire, le directeur général unique, le directeur général spécialement habilité ou le gérant, et, à défaut, par un avocat, un avoué ou par un mandataire muni d'un pouvoir spécial ayant date certaine, établi avant l'expiration du délai de déclaration des créances, retient qu'en l'espèce aucun pouvoir n'a été produit ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait qu'était produite devant elle une attestation émanant du directeur général de la Compagnie européenne de crédit et précisant que le chef du service contentieux bénéficiait, à la date des déclarations de créance litigieuses, d'une délégation générale de signature, " notamment pour signer les déclarations de créance ", la cour d'appel, peu important l'absence de date certaine, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen et sur le pourvoi de Mme X..., ès qualités :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 décembre 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes.