Cass. com., 20 septembre 2017, n° 14-17.225
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
Me Carbonnier, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 23 mars 2007, la société Pharmacie Bérard Argivier (la société Pharmacie) est devenue sociétaire de la coopérative Astera (la coopérative) et s'est engagée, à ce titre, à passer des opérations avec la coopérative dans les conditions définies par son règlement intérieur prévoyant que la coopérative fournit aux sociétaires, directement ou indirectement par l'intermédiaire de la société Compagnie d'exploitation et de répartition pharmaceutiques de Rouen (la société CERP), les produits pharmaceutiques et para-pharmaceutiques ainsi que les marchandises nécessaires à l'exercice de leur activité ; que la société Pharmacie a signé, le même jour, une "convention-cadre de vente de marchandises sous réserve de propriété" avec la société CERP stipulant une clause de réserve de propriété et prévoyant que l'ensemble des marchandises livrées devrait être réglé conformément au "règlement intérieur" de la société Cerp faisant partie intégrante de la convention-cadre ; que, le 16 août 2011, la société Pharmacie a été mise en sauvegarde, la société Malmezat-Prat étant désignée mandataire judiciaire, tandis qu'aucun administrateur judiciaire n'a été nommé ; que, la société CERP souhaitant revenir sur les termes de la convention-cadre en exigeant des modalités de paiement de ses factures plus contraignantes, la société Pharmacie, sur avis conforme de la société Malmezat-Prat, ès qualités, a saisi, le 2 décembre 2011, le juge-commissaire pour être autorisée à poursuivre le contrat d'approvisionnement du 23 mars 2007 dans les conditions contractuelles initiales ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la société CERP fait grief à l'arrêt d'ordonner la continuation du contrat du 23 mars 2007, selon les modalités prévues par celui-ci, sous astreinte de 500 euros par jour pour toute inexécution, alors, selon le moyen,que la notion de contrat en cours, au sens de l'article L. 622-13 du code de commerce, suppose qu'une prestation soit due par le cocontractant du débiteur ; qu'en jugeant que la convention du 23 mars 2007, ayant pour objet de fixer les modalités applicables aux commandes passées par la société Pharmacie auprès de la société CERP, constituaient un contrat en cours, sans caractériser l'existence d'une prestation déterminée qui aurait incombé à la société CERP en application de cette convention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 622-13 et L. 627-2 du code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt constate que la société Pharmacie avait, le même jour, souscrit des parts sociales de la coopérative et conclu avec la société CERP un contrat-cadre de vente de marchandises stipulant que le transfert de leur propriété ne serait réalisé qu'après complet paiement de leur prix conformément au règlement intérieur de la société CERP, selon lequel la coopérative fournit en produits pharmaceutiques ou para-pharmaceutiques les adhérents directement ou indirectement par l'intermédiaire de la société CERP, tandis que les adhérents s'engagent à réaliser directement auprès de la coopérative ou indirectement auprès de la société CERP un chiffre d'affaires mensuel minimum, sous la sanction de l'exclusion de la coopérative ; qu'en l'état de ces constatations, faisant ressortir que la société Pharmacie était tenue d'une obligation de s'approvisionner auprès de la société CERP selon un volume déterminé et que la société CERP était elle-même tenue, par la convention-cadre, de livrer les produits commandés, ce dont il résulte qu'il existait entre les parties un contrat d'approvisionnement dont les effets n'étaient pas épuisés au jour de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, la cour d'appel a caractérisé l'existence d'un contrat en cours au sens de l'article L. 622-13, I, du code de commerce et ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 622-13, II, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2014 ;
Attendu que lorsque la prestation que doit le débiteur dans le cadre de l'exécution d'un contrat en cours porte sur le paiement d'une somme d'argent, celui-ci doit se faire au comptant ; que la seule exception à cette règle consiste dans l'acceptation, par le cocontractant du débiteur, de délais de paiement, ce qui exclut, en cas de refus du cocontractant, toute survivance de tels délais convenus entre les parties dans le contrat en cours dont l'exécution est exigée ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient que les modalités de paiement différé des factures faisant partie intégrante du contrat, reconduit dans son intégralité, ne sauraient être remises en cause ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers.