Cass. com., 1 octobre 2002, n° 00-19.356
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Hôtel de l'air (le bailleur), qui avait consenti à M. et Mme X... un bail portant sur un ensemble immobilier à usage d'hôtel-restaurant, a mis le liquidateur de M. X... en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat à la suite de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire convertie en liquidation le 13 février 1993 et, à défaut de réponse, a assigné le liquidateur pour faire prononcer la résiliation du bail ; qu'à l'encontre du jugement du 6 juin 1995 ayant accueilli cette demande, la société d'exploitation de l'Hôtel Hibiscus (la société), à laquelle les époux X... avaient concédé la location-gérance de leur fonds de commerce depuis 1987, et ses associés, M. Y... et Mlle Z..., ont formé tierce opposition, puis relevé appel du jugement l'ayant rejetée ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches, du pourvoi n° G.00-20.684 :
Attendu que le bailleur et M. A... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré inopposable à la société, "créancier nanti sur le fonds de commerce de M. X...", le jugement du 6 juin 1995, alors, selon le moyen :
1°) que les dispositions de l'article 14 de la loi du 17 mars 1909, devenu l'article L. 143-2 du Code de commerce, n'ont pas lieu de s'appliquer lorsque le bailleur agit en résiliation du bail par suite de la renonciation du liquidateur judiciaire du preneur à poursuivre le contrat de bail ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé ce texte ;
2°) que seul le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de l'immeuble "dans lequel s'exploite un fonds de commerce" grevé d'inscriptions doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits ; qu'en retenant que le bailleur aurait dû respecter les dispositions générales de l'article 14 de la loi du 17 mars 1909, devenu l'article L. 143-2 du Code de commerce, lors de son action en résiliation du bail engagée le 10 avril 1995, bien qu'il résulte de ses énonciations que le preneur, placé en liquidation judiciaire le 13 février 1993, n'exploitait plus le fonds de commerce à la date de l'action en résiliation, la cour d'appel a violé par fausse application les dispositions susvisées du Code de commerce ;
3°) que le bailleur faisait valoir dans ses conclusions récapitulatives d'appel signifiées le 10 février 2000, pour contester la qualité de créanciers nantis de société, de M. Y... et de Mlle Z... à l'égard de M. X..., preneur ayant fait l'objet le 9 décembre 1992 d'un jugement de redressement judiciaire, qu'ils ne justifiaient pas avoir déclaré leur créance à titre privilégié au passif de leur débiteur ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la société, M. Y... et Mlle Z... étaient bien créanciers nantis à la date de l'assignation en résiliation du bail délivrée le 10 avril 1995, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 14 de la loi du 17 mars 1909, devenu l'article L. 143-2 du Code de commerce, et 53 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-46 du Code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que les dispositions de l'article 14 de la loi du 17 mars 1909, devenu l'article L. 143-2 du Code de commerce, sont d'application générale et doivent être respectées, même en l'absence d'exploitation du fonds de commerce, "pour permettre aux créanciers nantis de faire valoir leurs droits", lorsque le bailleur, après renonciation du mandataire de justice à la poursuite du contrat de bail demande la résiliation de celui-ci ;
Attendu, en second lieu, qu'il résulte des productions que, par arrêt du 7 mai 2001, rendu entre les mêmes parties, la cour d'appel a constaté que la société avait régulièrement déclaré, le 5 avril 1993, sa créance à titre privilégié entre les mains du représentant des créanciers de M. X... ;
D'où il suit que le moyen, mal fondé en ses deux premières branches, ne peut être accueilli pour le surplus ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi n° Q.00-19.356 :
Vu l'article 14 de la loi du 17 mars 1909, devenu l'article L. 143-2 du Code de commerce, et les articles 584 et 591 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, saisie par la société d'une tierce opposition tendant à la rétractation du jugement du 6 juin 1995, la cour d'appel, après avoir relevé que la société était un créancier nanti sur le fonds de commerce de M. X... et qu'il n'était pas justifié de la notification à celle-ci de la demande de résiliation du bail introduite par assignation du 10 avril 1995 par la société Hôtel de l'air, s'est bornée à dire que ce jugement est inopposable à la société ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en raison de la nature indivisible des obligations résultant du bail, elle devait prononcer la rétractation de la décision attaquée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi n° G 00-20.684 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré inopposable à la société d'exploitation de l'Hôtel Hibiscus, créancier nanti sur le fonds de commerce de M. X..., le jugement prononcé le 6 juin 1995 par le tribunal d'instance de Saint Martin, l'arrêt rendu le 15 mai 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France.