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Décisions

Cass. com., 2 décembre 2014, n° 13-20.311

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

Me Le Prado, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Paris, du 23 mai 2013

23 mai 2013

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 mai 2013), que le 1er mars 2008, les sociétés La Tribune Holding, La Tribune Desfossés, la Tribune régie, Ateliers Desfossés et Imprimeries Desfossés (les sociétés du groupe La Tribune), ont conclu une « convention intra-groupe » de gestion centralisée de trésorerie ; que, le 21 octobre 2008, la société La Tribune Holding, agissant en son propre compte et en celui des sociétés du groupe La Tribune, a souscrit auprès de la société Crédit industriel et commercial (la banque) une convention de « centralisation de trésorerie » ; que, le 5 janvier 2011, les sociétés du groupe La Tribune ont été mises en sauvegarde pour une période de six mois, renouvelée pour la même durée le 20 juin 2011, les sociétés Bécheret-Thierry-Sénéchal-Gorrias et Thévenot-Perdereau étant respectivement désignées mandataire et administrateur judiciaires ; qu'invoquant une faculté de fusionner à tout moment les sous-comptes des sociétés du groupe La Tribune en vertu du contrat du 21 octobre 2008, le banque a indiqué à l'administrateur judiciaire qu'elle n'avait pas à déclarer de solde débiteur à la procédure collective ; que les sociétés du groupe La Tribune et leurs mandataires judiciaires ont assigné la banque pour faire juger que la convention litigieuse n'emportait pas fusion des sous-comptes ; que le tribunal a accueilli leur demande par un jugement du 20 octobre 2011, assorti de l'exécution provisoire, qui a été infirmé par arrêt définitif du 15 décembre 2011, lequel a condamné les sociétés du groupe La Tribune et leurs mandataire et administrateur judiciaires à payer à la banque la somme de 30 000 euros au titre des frais irrépétibles ; que, le 12 mars 2012, les sociétés du groupe La Tribune ont été mises en liquidation judiciaire, la société Bécheret-Thierry-Sénéchal-Gorrias étant désignée liquidateur dans chaque procédure ; que, le 16 décembre 2011, la banque a pratiqué une saisie-attribution et une saisie de valeurs mobilières entre ses mains au préjudice de la société La Tribune Holding à concurrence de 344 954 euros, dont 313 200 euros au titre de son versement effectué en exécution forcée du jugement du 21 octobre 2011 et 30 000 euros au titre des frais irrépétibles ; que celle-ci et ses mandataire et administrateur judiciaires ont saisi le juge de l'exécution en annulation des saisies effectuées ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de la saisie-attribution et de la saisie de valeurs mobilières et des droits d'associés pratiquées le 16 décembre 2011 au préjudice de la société La Tribune Holding et d'en ordonner la mainlevée en sa totalité alors, selon le moyen :

1°/ que la créance de restitution d'une banque, née régulièrement après le jugement d'ouverture de son débiteur, en suite de la réformation d'une décision assortie de l'exécution provisoire sur la base de laquelle le paiement est intervenu, est éligible au traitement préférentiel lorsque, comme en l'espèce, l'exécution forcée de la décision a eu pour effet d'obtenir de la banque, la fourniture, au cours de la procédure de sauvegarde, d'une prestation financière au titre de la convention de trésorerie telle qu'interprétée par le jugement ultérieurement infirmé ; qu'en excluant néanmoins la créance de restitution de la banque du régime de faveur prévu par l'article L. 622-17 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, applicable en la cause, au motif erroné que celle-ci ne serait pas née en contrepartie d'une prestation fournie pendant la période de sauvegarde, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ qu'en tout état de cause, la créance de restitution d'une banque, née régulièrement après le jugement d'ouverture de son débiteur, en suite de la réformation d'une décision assortie de l'exécution provisoire sur la base de laquelle le paiement est intervenu, est éligible au traitement préférentiel, dès lors que, comme en l'espèce, la procédure judiciaire, introduite au cours de la procédure de sauvegarde par le débiteur et son mandataire judiciaire pour voir statuer sur la portée de la convention de trésorerie en permettant au débiteur de disposer, fût-ce provisoirement, de fonds nécessaires à l'élaboration de son plan de sauvegarde, a été nécessairement utile à la procédure collective ; qu'en excluant néanmoins la créance de restitution de la banque du régime de faveur prévu par l'article L. 622-17 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 applicable en la cause au motif erroné que cette créance ne serait pas née pour les besoins du déroulement de la procédure collective, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la créance de restitution de 313 220 euros et celle de 30 000 euros dues en vertu de l'arrêt du 15 décembre 2011 sont toutes deux nées postérieurement au jugement d'ouverture de la sauvegarde de la société La Tribune Holding ; que, s'agissant de la créance de restitution, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que cette créance n'est pas née pour les besoins du déroulement de la procédure ni en contrepartie d'une prestation fournie pendant la période de sauvegarde, mais du fait du prononcé de l'arrêt infirmatif du 15 décembre 2011 et de l'obligation qui en découle de restitution des sommes indues précédemment versées en exécution forcée du jugement infirmé à une date postérieure à l'ouverture de la procédure, de sorte que le fait générateur de cette créance de restitution pour paiement indu est constitué, s'agissant d'un quasi-contrat, par le fait juridique du paiement intervenu le 28 octobre 2011, soit postérieurement au jugement d'ouverture du 5 janvier 2011 et non par la convention de trésorerie du 21 octobre 2008 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations faisant ressortir que la créance de restitution, même si elle était conforme au critère chronologique prévu à l'article L. 622-17 du code du commerce, ne respectait pas les autres critères fixés par ce texte, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle ne relevait pas du traitement préférentiel prévu par cette disposition ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la banque fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que la créance de dépens et des frais résultant de l'application de l'article 700 du code de procédure civile mise à la charge du débiteur trouve son origine dans la décision qui statue sur ces frais et dépens et entre dans les prévisions de l'article L. 622-17 du code de commerce lorsque cette décision est postérieure au jugement d'ouverture ; qu'en énonçant le contraire, et partant en ordonnant la mainlevée de la saisie pratiquée par la banque pour obtenir le paiement de sa créance de frais irrépétibles née postérieurement à l'ouverture de la procédure de sauvegarde de la société La Tribune Holding au motif pris que « cette créance ne répondait pas au critère téléogique prévu par la loi de sauvegarde », la cour d'appel a violé l'article L. 622-17 du code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que, pour relever du traitement préférentiel prévu à l'article L. 622-17 du code du commerce, une créance de frais irrépétibles devait non seulement être postérieure au jugement d'ouverture du débiteur, mais aussi respecter les autres critères fixés par ce texte, c'est-à-dire être utile au déroulement de la procédure collective ou être due par le débiteur en contrepartie d'une prestation à lui fournie après le jugement d'ouverture, la cour d'appel, qui a retenu que la créance issue de la condamnation au paiement des honoraires d'avocat de la banque créancière ne pouvait être qualifiée d'utile au déroulement de la procédure quant à sa finalité de sauvegarde de la société débitrice en procédure collective et qu'elle ne naissait pas en contrepartie d'une prestation fournie à celle-ci, a décidé à bon droit que cette créance ne relevait pas du traitement préférentiel invoqué ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.