Cass. com., 2 novembre 2016, n° 15-10.161
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Yves et Blaise Capron
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Brenac et associés, en qualité de liquidateur de la société Le Petit Montagnard, que sur le pourvoi incident relevé par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Le Petit Montagnard (la société débitrice) ayant été mise en redressement judiciaire le 6 mars 2012, puis en liquidation judiciaire, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne (la Caisse) a déclaré une créance nantie, représentant le capital échu et à échoir d'un prêt, les intérêts conventionnels échus et à échoir, ces derniers pour un montant déjà déterminé, ainsi que des intérêts de retard à échoir à un taux majoré ; que cette déclaration a été contestée ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de fixer la créance de la Caisse au passif de la société débitrice au titre des intérêts normaux à échoir pour un montant déjà calculé de 2 483,17 euros alors, selon le moyen, que le juge-commissaire, ou la cour d'appel statuant sur appel de sa décision, qui décide de l'admission d'intérêts continuant à courir après le jugement d'ouverture d'une procédure collective et qui ont fait l'objet d'une déclaration du créancier, doit préciser leurs modalités de calcul sans en fixer le montant, sa décision valant admission dans la limite des modalités de la créance d'intérêts telle qu'arrêtée ultérieurement ; qu'en admettant d'emblée au passif du débiteur la créance de la banque pour un montant de 23 751,65 euros au titre du capital à échoir, outre « les intérêts normaux à échoir au taux de 5,93 % : 2 483,17 euros », quand, à défaut d'indication des modalités de calcul des intérêts à échoir, l'ordonnance du juge-commissaire ne valait pas légalement admission de la créance d'intérêts, la cour d'appel a violé les articles L. 622-25 et R. 622-23, 2° du code de commerce ;
Mais attendu que l'article R. 622-23 du code de commerce n'exige l'indication des modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté que dans le cas où leur montant ne peut être calculé au jour de la déclaration de la créance ; que la déclaration litigieuse incluant le montant, déjà calculé, des intérêts à échoir, la cour d'appel a exactement décidé qu'elle n'avait pas, ni la décision d'admission, à en prévoir les modalités de calcul ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses quatrième et cinquième branches :
Attendu que la Caisse fait grief à l'arrêt de ne pas admettre sa créance à titre nanti alors, selon le moyen :
1°) que la société Brenac et associés, ès qualités, avait demandé, dans ses conclusions d'appel, à la cour d'appel de Pau d'admettre la créance de la Caisse au passif du redressement judiciaire de la société Le Petit Montagnard à titre nanti sur le fonds de commerce ; que la société Le Petit Montagnard n'a pas conclu devant la cour d'appel de Pau ; que, dans ces conditions, en ne faisant pas droit à la demande de la Caisse tendant à l'admission de sa créance au passif du redressement judiciaire de la société Le Petit Montagnard à titre nanti sur le fonds de commerce, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé les dispositions de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°) qu'en ne faisant pas droit à la demande de la Caisse tendant à l'admission de sa créance au passif du redressement judiciaire de la société Le Petit Montagnard à titre nanti sur le fonds de commerce, sans motiver sa décision sur ce point, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en violation des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que, sous le couvert des griefs de méconnaissance des termes du litige et de défaut de motifs, le moyen critique une omission de statuer sur un chef de demande ; qu'une telle omission pouvant être réparée par la procédure prévue par l'article 463 du code de procédure civile, le moyen est irrecevable ;
Mais sur le même moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 622-25, L. 622-28, L. 631-14 et R. 622-23, 2° du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2014 ;
Attendu que, pour refuser d'admettre la créance déclarée par la Caisse au titre des intérêts de retard à échoir au taux majoré, l'arrêt relève, d'un côté, qu'au jour de l'ouverture de la procédure collective, ces intérêts ne sont pas exigibles et ne le seront peut-être pas si le prêt parvient à son terme sans incident, de l'autre, que les retenir à ce stade de l'exécution du contrat conduirait à faire courir en parallèle deux types d'intérêts qui ne peuvent se cumuler sur la même période ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'exception à la règle de l'arrêt du cours des intérêts, édictée à l'article L. 622-28, alinéa 1er, du code de commerce en faveur de ceux résultant de contrats de prêts conclus pour une durée égale ou supérieure à un an, vise, aux termes mêmes de ce texte, tous intérêts, sans en exclure les intérêts de retard prévus par ces conventions, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
REJETTE le pourvoi principal ;
Et sur le pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il refuse d'admettre la créance déclarée par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne au titre des intérêts à échoir au taux majoré de 9,93 %, l'arrêt rendu le 20 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen.