Cass. soc., 2 juillet 2014, n° 12-29.788
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lacabarats
Rapporteur :
Mme Guyot
Avocat général :
Mme Courcol-Bouchard
Avocats :
SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Spinosi
Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X... et treize autres salariés ont été employés sur le site de La Ciotat par diverses sociétés dont l'activité chantiers navals a été reprise en 1982 par la société chantier du Nord et de la Méditerranée (ci-après la Normed), laquelle a été mise en redressement judiciaire le 30 juin 1986, puis en liquidation judiciaire le 27 février 1989 ; que M. Y..., puis la Selafa MJA en la personne de Mme Z... ont été désignés successivement en qualité de liquidateur de la société ; que par arrêté du 7 juillet 2000, l'activité de réparation et de construction navale de la Normed a été inscrite sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'allocation de cessation d'activité anticipée des travailleurs de l'amiante (ACAATA) au profit des salariés concernés sur la période comprise entre 1946 et 1989 ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'Unedic :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen, qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; Sur le deuxième moyen du pourvoi principal de l'Unedic et le moyen unique du pourvoi incident de la Selafa MJA :
Attendu qu'il est fait grief aux arrêts de fixer la créance des salariés à une certaine somme au titre du préjudice d'anxiété, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en l'absence d'obligation de sécurité de résultat, l'employeur ne peut être tenu de réparer le préjudice d'anxiété de son salarié au titre de la responsabilité contractuelle qu'à la condition que soit établie une faute contractuelle, consistant dans le non-respect de la réglementation en vigueur relative à l'amiante ; qu'en mettant à la charge de l'employeur le préjudice d'anxiété de l'ancien salarié, aux motifs abstraits et inopérants que l'employeur n'avait pas pris les précautions nécessaires pour éviter des expositions à l'amiante et que la nature de l'emploi l'avait exposé à de telles inhalations nocives, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée par l'exposante, si la Normed s'était conformée à la réglementation en vigueur relative à l'amiante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°/ que les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature ; qu'en mettant à la charge de l'employeur l'obligation de réparer le préjudice d'anxiété de l'ancien salarié au titre d'une exposition à l'amiante, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si une telle obligation pouvait être mise, à cette époque, à la charge de l'employeur compte tenu de la réglementation en vigueur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1135 du code civil ;
3°/ que, s'agissant du préjudice d'anxiété, il appartient à l'ancien salarié d'établir, au moins, par des éléments concrets et tangibles, qu'il se trouve personnellement, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; qu'en se bornant à retenir qu'il était parfaitement compréhensible que compte tenu de la présence de l'ancien salarié dans une entreprise concernée par le dispositif de l'ACAATA, l'ancien salarié soit confronté à une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, sans autre justification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant constaté que les salariés, qui avaient travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvaient, de par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'ils se soumettent ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers, a ainsi, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, caractérisé l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal de l'Unedic :
Vu l'article L. 3253-8, 1° du code du travail ;
Attendu, selon ce texte, que l'AGS garantit les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ;
Attendu que pour dire que l'AGS devra garantir la créance fixée au passif de la Normed au titre du préjudice d'anxiété, les arrêts retiennent que ce préjudice découle du manquement contractuel fautif de l'employeur, lequel résulte de l'exposition à l'amiante des salariés au cours de l'exécution du contrat de travail, soit antérieurement à l'ouverture de la procédure collective ;
Attendu cependant que le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l'amiante, est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque par les salariés ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que le préjudice d'anxiété était né à la date à laquelle les salariés avaient eu connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de l'activité de réparation et de construction navale de la Normed sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'ACAATA, soit au plus tôt le 7 juillet 2000, à une date nécessairement postérieure à l'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils disent que l'Unedic délégation AGS-CGEA d'Île-de-France Ouest et de Marseille doit sa garantie, les arrêts rendus le 18 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.