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Décisions

Cass. com., 5 décembre 2018, n° 17-22.350

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Waquet, Farge et Hazan

Nîmes, du 18 mai 2017

18 mai 2017

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 18 mai 2017), rendu sur déféré, que l'EARL X... (l'EARL) a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 10 octobre 2014 et 1er octobre 2015 ; que la créance déclarée par la société Calvet agrofournitures (la société Calvet) a été admise par une ordonnance du juge-commissaire du 15 avril 2016 dont l'EARL a fait appel le 26 avril 2016 en intimant la seule société Calvet ; que celle-ci a soulevé l'irrecevabilité de l'appel en raison de l'absence d'intimation de M. Y..., en sa qualité de liquidateur de l'EARL ; que par une ordonnance du 26 janvier 2017, le conseiller de la mise en état a invité l'EARL à mettre en cause M. Y..., ès qualités, et à en justifier lors d'une audience d'incident ultérieure, les parties étant invitées à conclure pour cette date sur la recevabilité de l'appel de l'EARL, au regard de l'accomplissement de cette formalité, et a réservé sa décision quant à la demande d'irrecevabilité de l'appel ; que par un acte du 6 février 2017, l'EARL a assigné M. Y..., ès qualités, en intervention forcée afin de voir ordonner la jonction de l'assignation avec la procédure pendante devant la cour d'appel et voir déclarer la procédure opposable au liquidateur ; que par une ordonnance du 9 mars 2017, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l'appel de l'EARL ;

Attendu que l'EARL fait grief à l'arrêt de confirmer cette ordonnance alors, selon le moyen :

1°) que si, en cas d'indivisibilité, l'appel formé contre l'une des parties n'est recevable que si toutes ont été appelées à l'instance et qu'il existe un tel lien d'indivisibilité en matière de vérification du passif entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire, lorsque le débiteur a omis d'intimer le liquidateur, l'appel peut être régularisé par une assignation en intervention forcée de ce mandataire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 552 et 553 du code de procédure civile ;

2°) qu'à supposer que l'irrégularité de la mise en cause de M. Y... soit avérée, une partie ne peut être privée de son droit d'accès au juge ou de son droit au recours par l'effet de la sanction disproportionnée de la méconnaissance d'une règle procédurale ; qu'en se fondant, pour déclarer l'appel irrecevable, sur la circonstance que M. Y... ne pouvait pas être intimé par la voie de l'intervention forcée relative à la mise en cause des tiers, quand cette procédure était mise en oeuvre à la demande du conseiller de la mise en état qui avait, dans son ordonnance du 26 janvier 2017, invité l'EARL à mettre en cause le liquidateur au visa de l'article 332 du code de procédure civile et partant par la délivrance d'une assignation en intervention forcée et quand cette procédure mise en oeuvre à la demande du juge avait permis d'appeler le liquidateur à l'instance en répondant ainsi aux exigences de l'article 553 du code de procédure civile, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit du débiteur à un accès au juge en violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

3°) qu'en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel dirigé contre l'une des parties réserve à l'appelant la faculté d'appeler les autres à l'instance ; que dès lors l'appelant qui a formé, dans les délais légaux, appel contre l'une des parties, peut appeler les autres à l'instance, même après l'expiration du délai d'appel ; qu'en l'espèce, l'EARL ayant interjeté appel dans le délai de dix jours imparti par l'article R. 661-3 du code de commerce à l'encontre de l'une des parties, pouvait régulièrement appeler le liquidateur dans la cause nonobstant l'expiration de ce délai ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 552 du code de procédure civile et R. 661-3 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que le lien d'indivisibilité existant en matière de vérification des créances au cours d'une procédure de liquidation judiciaire, entre le créancier, le débiteur et le liquidateur, impose au débiteur, conformément aux dispositions de l'article 553 du code de procédure civile, lorsqu'il forme seul appel de la décision d'admission d'une créance, d'intimer, non seulement le créancier, mais aussi le liquidateur et de respecter à l'égard de chacun d'eux les règles de la procédure d'appel ; qu'il résulte de l'article 552, alinéa 2, du même code que l'appelant, dès lors que son appel est recevable à l'égard d'au moins une partie et que l'instance est encore en cours, a la faculté d'appeler les parties omises après l'expiration du délai pour interjeter appel ; qu'ayant retenu à bon droit que le liquidateur était partie devant le juge-commissaire chargé de statuer sur l'admission de la créance de la société Calvet, l'arrêt en déduit exactement, abstraction faite des motifs erronés, mais surabondants, critiqués par la troisième branche, que M. Y..., ès qualités, ne pouvait être appelé à l'instance d'appel par la voie d'une assignation en intervention forcée, réservée à la mise en cause de tiers, mais devait être intimé par une nouvelle déclaration d'appel ;

Et attendu, en second lieu, qu'après avoir énoncé que le lien d'indivisibilité unissant les parties à l'instance imposait au débiteur appelant d'intimer, non seulement le créancier mais aussi le mandataire judiciaire, le conseiller de la mise en état a, par sa première ordonnance, demandé aux parties de conclure sur la recevabilité de l'appel au regard de la mise en cause du liquidateur, qu'il a invité la société débitrice à effectuer, et a réservé sa décision sur la fin de non-recevoir ; qu'en conséquence, en sanctionnant le non-respect des formes prévues par le code de procédure civile pour régulariser l'appel à l'égard d'une partie qui n'a pas été intimée par la déclaration d'appel initiale, dans le but légitime de permettre qu'une décision unique, opposable à l'ensemble des parties liées par l'indivisibilité du litige, soit rendue, cependant que la régularisation requise par la voie d'une nouvelle déclaration d'appel pouvait intervenir, même après la seconde ordonnance du conseiller de la mise en état jusqu'à ce que la cour d'appel statue, la cour d'appel n'a porté aucune atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge du débiteur appelant ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.