Cass. com., 11 octobre 2016, n° 14-20.581
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
M. Vigneau
Avocat général :
Mme Valdès Boulouque
Avocats :
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Ohl et Vexliard
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Faustino X... est décédé le 15 mai 2008, en laissant pour lui succéder son épouse commune en biens, Mme X..., et sa fille, Mme Y..., lesquelles ont accepté la succession à concurrence de l'actif net ; que la société Masters Juris (la société), dont Faustino X... était associé, a été mise en liquidation judiciaire le 18 juillet 2008 ; que le liquidateur a assigné Mmes X... et Y..., en leur qualité d'héritières de Faustino X..., et Mme X..., en son nom personnel, en paiement du solde débiteur du compte courant d'associé de Faustino X... ; que la demande dirigée contre Mmes X... et Y..., prises en leur qualité d'héritières de Faustino X..., a été déclarée irrecevable, faute pour le liquidateur d'avoir déclaré sa créance dans le délai de l'article 792 du code civil, tandis que la demande dirigée contre Mme X..., en son nom personnel, a été accueillie à concurrence de la moitié de la somme réclamée ; que Mme X... a interjeté appel de cette décision en limitant son recours aux dispositions la condamnant à titre personnel et a opposé une exception de compensation avec une créance de dividende détenue à l'égard de la société, l'assemblée générale des associés ayant décidé, suivant délibération du 6 avril 2009, de distribuer le résultat de l'exercice 2007 ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, délibéré par la première chambre civile de la Cour de cassation après débats à l'audience publique du 1er décembre 2015, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Vigneau, conseiller rapporteur, Mme Bignon, conseiller doyen, MM. Matet, Hascher, Reynis, Mme Bozzi, M. Acquaviva, conseillers, MM. Mansion, Roth, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, conseillers référendaires, Mme Valdès Boulouque, avocat général, Mme Nguyen, greffier de chambre :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de déclarer recevables les demandes du liquidateur dirigées à son encontre, en son nom personnel, et de la condamner à lui verser une certaine somme alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 1482 du code civil, chacun des époux peut être poursuivi pour la totalité des dettes existantes, au jour de la dissolution, qui étaient entrées en communauté de son chef ; que, selon l'article 1483 du même code, chacun des époux ne peut être poursuivi que pour la moitié des dettes qui étaient entrées en communauté du chef de son conjoint ; qu'en statuant comme elle a fait quand il résulte de ses constatations que Mme X... était poursuivie par le liquidateur après la dissolution de la communauté du fait du décès de son époux, pour une dette entrée dans la communauté du chef de ce dernier, laquelle se trouvait éteinte en application de l'article 792 du code civil faute d'avoir été déclarée par ce créancier et que cette extinction lui bénéficiait en sa qualité de coobligée au paiement de cette même dette dont elle était débitrice conjointe à concurrence de la moitié de son montant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la créance dont se prévalait le liquidateur était entrée en communauté du chef de son conjoint, et exactement énoncé que l'extinction de la dette successorale était sans effet sur celle relevant du régime matrimonial, c'est à bon droit que la cour d'appel, faisant application des dispositions de l'article 1483 du code civil, a mis à la charge de Mme X... une somme correspondant à la moitié de la créance due à la société ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche, qui est recevable :
Vu les articles L. 622-24, L. 641-3 et L. 641-13 du code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
Attendu que pour faire droit à l'exception de compensation, l'arrêt retient que la créance de dividende de Mme X... sur la société débitrice n'est pas antérieure à l'ouverture de la procédure collective de sorte qu'elle n'est soumise à aucune déclaration obligatoire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la créance de dividende de l'associé d'une société en liquidation judiciaire n'est pas une créance née pour les besoins de la procédure collective ou en contrepartie d'une prestation fournie à cette société pour les besoins de son activité professionnelle, de sorte qu'elle doit être déclarée pour être opposable à la procédure collective et pour être payée, le cas échéant, par compensation avec une dette connexe, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme X... à payer à M. Z..., en qualité de liquidateur de la société Masters Juris, la somme de 38 236, 34 euros, l'arrêt rendu le 6 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.