Cass. com., 20 juin 1989, n° 87-19.594
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baudoin
Rapporteur :
M. Defontaine
Avocat général :
M. Montanier
Avocats :
Me Foussard, Me Ancel, Me Copper-Royer
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches du premier pourvoi et sur le premier moyen ainsi que le second moyen, pris en sa première branche du second pourvoi : Vu les articles L. 262, L. 281, R.281-1 et suivants du Livre des procédures fiscales ainsi que les articles 40, 47, 49 de la loi du 25 janvier 1985 et les articles 61 et 62 du décret d'application du 27 décembre 1985, ensemble les articles 809 et 561 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu, en premier lieu, que si une créance d'impôt née régulièrement après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire n'est pas payée à l'échéance lorsque l'activité est poursuivie, les dispositions susvisées de la loi du 25 janvier 1985 et de son décret d'application n'interdisent pas au comptable du trésor chargé du recouvrement d'exercer son droit de poursuite individuelle, le cas échéant par voie d'avis à tiers détenteur notifié conformément aux règles fiscales applicables ;
Attendu, en second lieu, que la cour d'appel, saisie de l'appel d'une ordonnance du juge des référés, ne peut statuer que dans les limites de la compétence de celui-ci ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé, qu'après la mise en redressement judiciaire de la société Ducler frères et de la société Entreprise Ducler de travaux publics, dont l'activité a été poursuivie, diverses déclarations afférentes aux taxes sur le chiffre d'affaires ou à la taxe sur la valeur ajoutée ont été effectuées sans que le paiement en soit réalisé ; qu'après avis de mise en recouvrement et mise en demeure demeurés sans effet, le receveur des Impôts, chargé du recouvrement, a notifié divers avis à tiers détenteur à concurrence des impositions dues par les redevables ; que tout en contestant ces recouvrements auprès des chefs de service compétents, lesquels ont rejeté la réclamation, les administrateurs judiciaires des deux procédures collectives ont assigné devant le président du tribunal de grande instance, statuant en référé, tant le receveur des Impôts, que le directeur départemental des services fiscaux et le trésorier-payeur général, en soutenant que les avis à tiers détenteur constituaient un trouble manifestement illicite ainsi qu'une voie de fait faisant obstacle aux privilèges d'un rang préférable à celui du trésor public ; que le juge des référés a rejeté cette demande ; qu'après avoir annulé l'ordonnance pour violation du principe de la contradiction, la cour d'appel a statué à nouveau sur le litige dont elle était saisie ;
Attendu qu'après avoir énoncé que les avis à tiers détenteur avaient eu pour effet d'empêcher les administrateurs judiciaires de poursuivre leur mission par le règlement " des créances salariales en cours " et que cet obstacle constituait un dommage imminent justifiant la compétence du juge des référés, la cour d'appel a retenu que c'est à tort que les avis à tiers détenteur avaient été délivrés dès lors que le privilège du trésor public était mis en échec par les dispositions d'ordre public de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ainsi que par les articles 61 et 62 de son décret d'application, de sorte qu'il convenait de déclarer " de nul effet les avis à tiers détenteur litigieux " et d'ordonner " que les paiements qu'ils ont pu justifier devront être restitués à la masse des créanciers " ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, s'agissant du recouvrement de créances fiscales nées après l'ouverture du redressement judiciaire, l'usage d'un avis à tiers détenteur n'était pas interdit et alors que le juge des référés du tribunal de grande instance ne pouvait se prononcer, sans méconnaître l'étendue de ses pouvoirs sur les effets de cette voie d'exécution en présence de créances primant prétendument celle du comptable poursuivant, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'ensemble des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen du pourvoi n° 88-10.195 :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 octobre 1987, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.