Cass. com., 29 avril 2002, n° 99-16.602
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Aubert
Avocat général :
M. Lafortune
Avocat :
Me Bertrand
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 6 mai 1999), que M. X... a donné à bail à M. et Mme Z... un immeuble à usage d'habitation et de commerce et, lors du renouvellement du bail commercial le 13 novembre 1991, s'est engagé à remédier à des infiltrations d'eau dans cet immeuble ; qu'à la suite de sa mise en redressement judiciaire le 13 septembre 1993, puis en liquidation judiciaire le 23 novembre 1994, Mme Y... étant désignée liquidateur, les époux Z... ont déclaré leur créance correspondant au coût des travaux à effectuer, à des " réparations intérieures " et à des dommages-intérêts ; qu'ils ont assigné le liquidateur pour obtenir l'exécution des travaux, demandé la fixation au passif de la liquidation judiciaire de M. X... de la créance de 13 325 francs au titre des " réparations intérieures ", de 30 000 francs en réparation du trouble de jouissance et du préjudice d'exploitation subis jusqu'à l'ouverture de la procédure collective ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à exécuter les travaux et d'avoir ordonné la consignation des loyers jusqu'à complète exécution, alors, selon le moyen :
1°) que le jugement d'ouverture de la procédure collective interdit toute action en justice de la part des créanciers dont la créance a son origine antérieurement à ce jugement, lorsque cette action tend à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; que l'action tendant à l'exécution d'une obligation de faire constitue une action en paiement de somme d'argent au sens de ce texte, interdite lorsque, exercée postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, elle se fonde sur une créance antérieure à ce jugement ; que pour faire droit à l'action des preneurs, exercée postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, tendant à la condamnation de Mme Y..., ès qualités, à exécuter les travaux de réparation des infiltrations de l'immeuble loué apparues antérieurement au jugement d'ouverture et auxquelles le bailleur s'était engagé à remédier dans l'acte de renouvellement du bail intervenu avant ce jugement, au motif inopérant que le bail avait été poursuivi par Mme Y..., la cour d'appel a violé les articles 47 et 48 de la loi du 25 janvier 1985 ;
2°) que lorsque le contrat est poursuivi, le défaut d'exécution par le débiteur des engagements qu'il a contractés antérieurement au jugement d'ouverture n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration au passif ; que le juge n'a d'autre pouvoir que de constater les créances antérieures au jugement d'ouverture et d'en fixer le montant ; qu'en condamnant Mme Y..., ès qualités, à exécuter les travaux litigieux, la cour d'appel a, en tout état de cause, violé les articles 33, 37 et 48 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu que l'arrêt retient que le contrat de bail s'est poursuivi en fait après le jugement d'ouverture de la procédure collective et que le liquidateur, une fois informé, a montré sa volonté de le poursuivre en demandant au notaire qui a encaissé les loyers de lui adresser le compte et en s'opposant à la consignation des loyers ; que l'arrêt retient encore que l'action introduite tend à l'exécution de travaux par le bailleur ou le liquidateur qui le représente, lequel doit pendant toute la durée du bail en cours, toutes les réparations nécessaires autres que locatives, peu important que les preneurs aient déclaré leur créance au titre des travaux, cette déclaration ne valant pas abandon pour l'avenir de leur droit d'obtenir que le bailleur remplisse une de ses obligations résultant de la poursuite du contrat ; que la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu que le liquidateur fait aussi grief à l'arrêt de l'avoir condamné, ès qualités, à verser aux époux Z..., une somme de 30 000 francs à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen, que seule est recevable pour la première fois en appel la demande qui est l'accessoire ou le complément des prétentions soumises au premier juge ; qu'en déclarant recevable la demande des époux Z... tendant à la réparation du trouble de jouissance subi après le jugement d'ouverture de la procédure collective, une telle demande ne constituant ni l'accessoire, ni même le complément des prétentions soumises au premier juge tendant à l'exécution des travaux de reprise des infiltrations et à l'indemnisation du trouble de jouissance subi avant le jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé les articles 564 et 566 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la demande tendant à obtenir réparation du préjudice résultant de l'inexécution par le bailleur ou le liquidateur qui le représente de ses obligations issues d'un contrat en cours postérieurement au jugement d'ouverture est l'accessoire ou le complément de la demande principale tendant à l'exécution des travaux ; que la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi.