Cass. 3e civ., 10 juin 1998, n° 96-19.246
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beauvois
Sur le premier moyen :
Attendu , selon l'arrêt attaqué ( Chambéry , 26 juin 1996 ), que Mme X... , propriétaire d'un local à usage commercial, l'a donné à bail à la société Club House, à compter de décembre 1991, pour les saisons d'hiver courant du 1er décembre au 30 avril de l'année suivante et pour les saisons d'été courant du 1er juillet au 30 août suivant; que la bailleresse a, par lettre recommandée du 6 mars 1995, donné congé à la locataire; que la société Club House l'a assignée pour faire prononcer la nullité du congé et se faire reconnaître le bénéfice du statut des baux commerciaux ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de dire que le bail liant les parties est soumis au décret du 30 septembre 1953 alors, selon le moyen : "1°) que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et les juges n'ont pas le pouvoir de modifier, sous prétexte de les interpréter, les stipulations claires et précises qu'elles renferment; qu'en l'espèce, il est constant que chacun des baux saisonniers consentis à la société Club House et librement signés par elle entre 1991 et 1995 stipulait expressément que s'agissant d'un bail saisonnier, le preneur ne pourrait se prévaloir du droit à la propriété commerciale même si le bail devait être renouvelé; qu'en se fondant sur des éléments extérieurs auxdits contrats pour procéder à leur requalification au mépris de la volonté clairement exprimée par les parties, la cour d'appel, qui les a dénaturés, a directement violé l'article 1134 du Code civil;
2°) qu'il est constant qu'après avoir été mis en demeure à deux reprises d'avoir à restituer les clés, le preneur avait signé le 30 novembre 1994 un nouveau bail saisonnier pour la période limitée du 1er décembre 1994 au 30 avril 1995 contenant la clause de renonciation à la propriété commerciale; que cette renonciation expresse à invoquer le bénéfice de la propriété commerciale, à supposer qu'elle ait été antérieurement acquise, interdisait à la cour d'appel de procéder à la requalification des rapports des parties; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et 3-2, alinéa 4, du décret du 30 septembre 1953;
3°) qu'en tout état de cause , en signant le 30 novembre 1994 le dernier bail saisonnier contenant la clause selon laquelle s'agissant d'un bail saisonnier, le preneur ne pourrait se prévaloir du droit à la propriété commerciale, celui-ci avait par là-même nécessairement reconnu qu'il ne bénéficiait pas jusqu'alors de ladite propriété; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a de nouveau violé les articles 1134 du Code civil et 3-2, alinéa 4, du décret du 30 septembre 1953 ;" Mais attendu, d'une part, qu'ayant, par motifs propres et adoptés, constaté que la société Club House était restée en possession des clés du local depuis la signature du premier bail, qu'elle avait souscrit des abonnements annuels pour le téléphone et l'électricité et que les relevés de ces services attestaient de consommations pour les périodes situées en dehors de celles prévues aux baux, qu'elle avait souscrit une police d'assurance annuelle, qu'elle avait engagé une employée par un contrat à durée indéterminée commençant à courir le 1er décembre 1993 , que des livraisons avaient été effectuées dans le local loué en dehors des périodes contractuellement convenues, que les loyers cumulés par année correspondaient aux prix pratiqués habituellement dans le secteur pour des locations annuelles soumises au décret du 30 septembre 1953, et retenu que l'ensemble de ces constatations démontrait que la jouissance des lieux s'était en fait poursuivie sans discontinuité depuis 1991, la cour d'appel en a justement déduit que les locations qualifiées de saisonnières constituaient en réalité un bail soumis au décret du 30 septembre 1953 ;
Attendu, d'autre part, que Mme X... n'ayant pas soutenu devant la cour d'appel qu'en signant un nouveau bail saisonnier le 30 novembre 1994 contenant la clause de renonciation à la propriété commerciale, la société Club House avait ainsi expressément renoncé à invoquer le bénéfice du statut des baux commerciaux et, en tout état de cause, nécessairement reconnu qu'elle ne bénéficiait pas jusqu'alors de ce statut, le moyen est de ce chef nouveau, mélangé de fait et de droit ; D'où il suit que, pour partie irrecevable, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ; Sur le second moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de résiliation du bail pour changement d'activité non autorisé, alors, selon le moyen, "que dès l'instant que la cour d'appel avait requalifié les baux saisonniers successifs, et dit que les rapports locatifs des parties étaient soumis au statut de la propriété commerciale, et conclus pour une durée de 9 ans, la mention dans deux contrats de l'activité autorisée suffisait à établir l'obligation de respecter ladite activité pour la durée totale du bail, d'autant que tous les baux sans exception interdisaient expressément le changement de la nature du commerce exploité; qu'en l'espèce, Mme X... avait invoqué et établi à l'appui de sa demande subsidiaire en résiliation, le fait que la SARL Club House avait cessé le commerce de vente des vêtements de sport pour s'adonner à celui de la brocante; qu'en conséquence, la cour d'appel, en refusant de prononcer la résiliation sollicitée, a violé les articles 1134 et 1741 du Code civil" ;
Mais attendu qu'ayant retenu que les sept baux constituaient un bail unique et que la location avait été donnée sans stipulation d'une spécialité ou sans exclusion d'activité, la cour d'appel a relevé à bon droit que la circonstance que les baux de juillet 1992 et 1993 portent l'indication, au titre de l'activité, de vente de vêtements de sport était sans influence, cette destination ne pouvant rétroagir ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.