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Décisions

Cass. com., 21 novembre 2018, n° 17-12.761

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Avocats :

SCP Le Bret-Desaché, SCP Zribi et Texier

Angers, du 24 nov. 2016

24 novembre 2016

Joint les pourvois n° X 17-12.761 et N 17-17.559, qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'Yvette E... veuve A... est décédée en laissant pour lui succéder Mmes Marie-Françoise A... B..., Roselyne A... B... et Anne-Marie A... C... (les consorts A...) et M. Z... ; qu'un jugement du 30 décembre 2010 a ouvert les opérations de liquidation et partage de la succession et désigné un expert afin de déterminer les avantages devant donner lieu, de la part de M. Z..., à rapport à la succession ; que le 12 mai 2011, au cours de l'instance d'appel afférente à ce jugement, M. Z... a été mis en liquidation judiciaire et M. Y..., liquidateur, est intervenu volontairement à l'instance qui a donné lieu à un arrêt confirmatif du 26 janvier 2012 ; qu'après le dépôt du rapport d'expertise, un jugement du 7 janvier 2014, auquel le liquidateur n'a pas été partie, a dit que M. Z... devrait rapporter des sommes à la succession ; que M. Z... et son liquidateur ont relevé appel de ce second jugement, en demandant le prononcé de sa "nullité", outre, s'agissant de M. Z..., la "nullité" de l'expertise judiciaire ;

Sur les premiers moyens des pourvois, rédigés en termes identiques, réunis :

Attendu que M. Z... et son liquidateur font grief à l'arrêt de rejeter leurs exceptions de nullité et de procédure, en conséquence, de dire que M. Z... devra rapporter à la succession une somme aux titres d'avantages reçus et d'indemnités d'occupation, et de rejeter la demande de M. Z... tendant à voir dire qu'en cas de déclassification de deux parcelles dépendant de la succession, au jour du partage, Mme Roselyne B... devra prendre en charge la différence entre l'évaluation au jour du partage et le prix au jour où la vente des terrains constructibles aura pu être réalisée alors, selon le moyen :

1°) que l'instance est interrompue de plein droit par l'effet d'un jugement de mise en liquidation judiciaire dans les causes où il emporte dessaisissement du débiteur ; que les jugements intervenus en dépit de l'interruption de l'instance sont réputés non avenus ; que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses droits présentant un caractère principalement patrimonial, y inclus, pour les procédures ouvertes avant le 1er juillet 2014, de ses biens ou droits acquis au titre d'une succession, et des actions en justice y afférentes ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que M. Z... a été placé en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de grande instance du Mans du 12 mai 2011 publié au BODACC le 6 juillet 2011 ; qu'ainsi, à cette date, M. Z... a été dessaisi de ses droits relatifs au partage de la succession de sa mère ; que l'instance en cours devant le tribunal de grande instance du Mans relative aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme Yvette E... a, en conséquence, été interrompue ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'aucun acte de reprise d'instance n'est intervenu devant ce tribunal ; qu'en refusant cependant de dire non avenu le jugement rendu par le tribunal de grande instance du Mans le 7 janvier 2014, hors la présence de la Selarl Sarthe mandataire, en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. Z..., et en l'absence de confirmation du jugement par le liquidateur, la cour d'appel a violé les articles 369 et 372 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 641-9 du code de commerce, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 ;

2°) que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses droits présentant un caractère principalement patrimonial, y inclus, pour les procédures ouvertes avant le 1er juillet 2014, de ses biens ou droits acquis au titre d'une succession, et des actions en justice y afférentes ; qu'il importe peu que l'action en justice relative aux droits et biens acquis au titre d'une succession engagée au moment de la mise en liquidation judiciaire n'induise pas la constitution d'une dette à la charge du débiteur ; qu'en retenant que le litige qui porte sur la détermination de l'actif successoral à partager et les rapports éventuels de co-héritiers n'impliquait pas nécessairement l'appel à la cause de M. Y..., au motif inopérant que le fait de rapporter des sommes à une succession n'induit pas obligatoirement la constitution d'une dette à la charge du co-héritier, à l'issue des opérations de partage, la cour d'appel a violé l'article L. 641-9 du code de commerce, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 ;

3°) que l'instance est interrompue de plein droit par l'effet d'un jugement de mise en liquidation judiciaire dans les causes où il emporte dessaisissement du débiteur ; que la reprise ne peut intervenir que suite à la mise en cause du liquidateur ; qu'il appartient à toute partie intéressée de reprendre l'instance ; qu'en jugeant qu'il appartenait à M. Y..., par la connaissance qu'il avait des enjeux patrimoniaux du litige et des effets éventuels vis-à-vis de la procédure de liquidation judiciaire d'intervenir volontairement et de se constituer devant le premier juge, sans nécessité d'une quelconque assignation à l'initiative de Mmes A... lors de la reprise de l'instance, la cour d'appel a violé les articles 369 et 372 du code de procédure civile ;

4°) qu'une motivation inintelligible équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour débouter la société Sarthe mandataire et M. Y... de leurs demandes tendant à voir dire le jugement du 7 janvier 2014 non avenu, que « le placement en liquidation judiciaire étant intervenu avant la reprise de l'instance, il n'entraînait pas à nouveau l'interruption de la procédure, le liquidateur s'étant en outre constitué dès la procédure d'appel antérieure », la cour d'appel a statué par des motifs inintelligibles en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°) qu'à supposer que la cour d'appel ait considéré que l'instance devant le tribunal de grande instance avait valablement reprise en raison de la reprise de l'instance d'appel, l'instance est interrompue de plein droit par l'effet d'un jugement de mise en liquidation judiciaire dans les causes où il emporte dessaisissement du débiteur ; que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses droits présentant un caractère principalement patrimonial, y inclus, pour les procédures ouvertes avant le 1er juillet 2014, de ses biens ou droits acquis au titre d'une succession ; que l'instance d'appel est distincte de l'instance de première instance si bien que la reprise de l'instance d'appel ne vaut pas reprise de la première instance encore pendante ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que M. Z... a été placé en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de grande instance du Mans du 12 mai 2011 publié au BODACC le 6 juillet 2011 ; qu'ainsi, à cette date, M. Z... a été dessaisi de ses droits relatifs au partage de la succession de sa mère ; que l'instance en cours devant le tribunal de grande instance du Mans relative aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme Yvette E... a, en conséquence, été interrompue ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'aucun acte de reprise d'instance n'est intervenu devant ce tribunal ; qu'en considérant que l'intervention du liquidateur à la procédure d'appel antérieure valait reprise de la première instance et qu'il ne pouvait dès lors être fait grief à Mmes A... de ne pas avoir appelé M. Y... à la cause devant le tribunal de grande instance, la cour d'appel a violé les articles 369 et 372 du code de procédure civile ;

6°) que les instances en cours à la date du jugement de mise en liquidation judiciaire, qui tendent à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, sont interrompues jusqu'à la déclaration faite par le créancier poursuivant de sa créance ; que les instances tendant au rapport à succession par le débiteur de diverses sommes d'argent doivent s'analyser comme tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; qu'en retenant que Mmes A... n'avaient pas à déclarer leurs créances pour que l'instance tendant au rapport à succession par M. Z... de diverses sommes d'argent puisse reprendre, la cour d'appel a violé les articles L. 641-3 et L. 622-22 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que, contrairement à ce que postule le moyen pris en ses première et deuxième branches, lorsqu'est pendante, à la date du jugement d'ouverture de sa liquidation judiciaire, une instance relative aux opérations de compte, liquidation et partage d'une indivision successorale dans laquelle il a des droits à faire valoir en qualité d'héritier, le débiteur dispose d'un droit propre pour continuer à défendre seul dans cette instance et n'est donc pas dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens et de ses droits relativement à une telle action ;

Attendu, en deuxième lieu, que le rapport s'effectue en valeur, par voie d'imputation de la valeur de la libéralité rapportable sur la part de l'héritier gratifié, et qu'il résulte de l'article 826 du code civil que ce n'est qu'au moment du partage qu'est due l'éventuelle créance de soulte compensant l'inégalité des lots et dont le gratifié peut être débiteur envers ses cohéritiers ; qu'il s'ensuit que l'instance tendant au rapport à une succession par un débiteur mis en liquidation judiciaire ne s'analyse pas en une instance en cours au sens de l'article L. 622-22 du code de commerce ; que dès lors, contrairement à ce que postule le moyen pris en sa sixième branche, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que les consorts A... n'étaient pas tenus, dans le cadre d'une telle instance, de déclarer une créance au passif de la liquidation judiciaire de M. Z... ;

Et attendu, enfin, que, même si une instance pendante ayant pour objet un rapport à succession ne relève pas de l'article L. 622-22 du code de commerce et n'est pas non plus interrompue par la mise en liquidation judiciaire du débiteur en application de l'article 369 du code de procédure civile, dès lors qu'elle se rapporte à l'exercice d'un droit propre et n'emporte donc pas dessaisissement du débiteur, le liquidateur n'en doit pas moins être mis en cause dans une telle instance, en raison de l'indivisibilité de son objet entre le débiteur et son liquidateur, dès lors qu'elle a une incidence patrimoniale ; que le jugement obtenu en l'absence d'une telle mise en cause peut néanmoins être régularisé si, en cause d'appel, le liquidateur devient partie à l'instance ; qu'abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la quatrième branche, l'arrêt constate que la société Sarthe mandataire a comparu et conclu devant elle, en qualité de liquidateur de M. Z..., pour critiquer le jugement du 7 janvier 2014 rendu sans qu'elle ait été mise en cause devant les premiers juges, ce dont il ressort que la procédure a été régularisée en cause d'appel ; que par ce motif de pur droit, substitué, après avertissement délivré aux parties, à ceux justement critiqués par les troisième et cinquième branches, la décision se trouve justifiée ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa quatrième branche et qui ne peut être accueilli en ses troisième et cinquième, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur les seconds moyens des pourvois, rédigés en termes identiques, réunis :

Attendu que M. Z... et son liquidateur font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que l'instance est interrompue de plein droit par l'effet d'un jugement de mise en liquidation judiciaire dans les causes où il emporte dessaisissement du débiteur ; que les actes accomplis après l'interruption de l'instance, dont les opérations d'expertise, sont réputés non avenus à moins qu'ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l'interruption est prévue ; que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses droits présentant un caractère principalement patrimonial, y inclus, pour les procédures ouvertes avant le 1er juillet 2014, de ses biens ou droits acquis au titre d'une succession, et des actions en justice y afférentes ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que M. Z... a été placé en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de grande instance du Mans du 12 mai 2011 publié au BODACC le 6 juillet 2011 ; qu'ainsi, à cette date, M. Z... a été dessaisi de ses droits relatifs au partage de la succession de sa mère ; qu'en refusant cependant de dire non avenu le rapport d'expertise déposé le 31 décembre 2012, hors la présence de la Selarl Sarthe mandataire, en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. Z..., et en l'absence de confirmation du rapport par le liquidateur, la cour d'appel a violé les articles 369 et 372 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 641-9 du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt relève que l'expertise judiciaire a été ordonnée par le jugement du 30 décembre 2010, confirmé par un arrêt du 26 janvier 2012 auquel le liquidateur a été partie pour être intervenu volontairement devant la cour d'appel, après la mise en liquidation judiciaire de M. Z... le 12 mai 2011 ; que par ces seules constatations, desquelles il ressort qu'après l'ouverture de cette liquidation judiciaire, l'instance d'appel, qui a abouti à l'arrêt du 26 janvier 2012 confirmant le chef de dispositif du jugement du 30 décembre 2010 désignant l'expert, a été régulièrement reprise à l'égard du liquidateur, de sorte que le rapport déposé ultérieurement par l'expert n'encourait pas la sanction du non avenu prévue par l'article 372 du code de procédure civile, la cour d'appel a pu rejeter les demandes tendant à voir dire "nulle" l'expertise ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.