CA Limoges, ch. civ., 15 janvier 2015, n° 13/01329
LIMOGES
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Sabron
Avocat :
Me Rouquié
FAITS ET PROCEDURE
Le 2 mars 2007, Monsieur V. (le bailleur) a consenti une nouvelle fois, et ce depuis 2001, à la SARL X-XAINTRIE (le preneur) un bail précaire dérogatoire portant sur un local commercial sis [...] pour une durée de 23 mois, devant commencer à courir à compter du 17 mars 2007 pour se terminer le 28 février 2009, sans que le bailleur ait à donner congé, y étant en outre précisé que la présente location était consentie et acceptée dans les conditions prévues par l'article L. 145-5 du Code du commerce (article 2 du bail). A la date d'expiration prévue par ce bail dérogatoire, le preneur est resté dans les lieux et a maintenu son exploitation commerciale.
Par un exploit en date du 24 août 2011, Monsieur et Madame V. ont fait assigner ce dernier en expulsion sous astreinte définitive de 200€/jour de retard, et subsidiairement, ils ont sollicité voir prononcer la nullité du bail commercial sur le fondement de l'article 1425 du code civil dont il résulte qu'un bail commercial consenti par un époux seul, sur un bien de communauté n'est pas valable. Le preneur s'est opposé à ces demandes, faisant valoir qu'il était désormais titulaire d'un bail commercial, faute par le bailleur de rapporter la preuve qu'il se serait opposé utilement à son maintien dans les lieux depuis janvier 2009. Il a fait valoir encore, que le bail ne saurait être déclaré nul sur le fondement de l'article 1425 du Code civil dès lors que le couple V. réside au-dessus du local commercial ainsi donné à bail, que depuis 2001, ces locaux sont loués à la société X-XAINTRIE selon des baux précaires renouvelés, ainsi que de par leur relation amicale.
Par un jugement prononcé le 28 juin 2013, le tribunal de grande insance de BRIVE a jugé qu'un bail commercial régi par les dispositions du Livre 1er titre IV du Code du commerce avait succédé au bail précaire conclu le 2 mars 2007, lequel n'encourait pas la nullité sur le fondement de l'article 1425 du code civil , a débouté les époux V. de leurs demandes, et par ailleurs a condamné le preneur à payer à ses bailleurs la somme de 950,80 € au titre des charges du local. Les premiers juges après avoir constaté que le preneur était demeuré dans les lieux, ont relevé pour l'essentiel, que le bailleur ne justifiait pas s'être opposé à ce maintien dans les lieux dans un temps contemporain à la fin du bail précaire, mais encore, ne s'était manifestés que le 14 janvier 2010, soit plus de un an après l'expiration du bail précaire, étant précisé que ce courrier admettait clairement que le bailleur avait accepté qu'il reste quelques temps dans les locaux, pour 'lui être agréable', et les premiers juges, considérant que le refus par le bailleur du maintien dans les lieux de son preneur était par nature exclusif de toute acceptation, même bienveillante, ont considéré qu'un bail commercial avait succédé au bail précaire.
Monsieur et Madame V. ont interjeté appel de cette décision. Ils font valoir qu'il résulte des termes même de ce bail précaire que le bail cessait de plein droit à l'expiration du bail fixé au 28 février 2009, sans que le bailleur n'ait besoin de donner congé, et que par ailleurs, le maintien du preneur dans les lieux ne serait pas de nature à transformer ce bail précaire en bail commercial, ni encore, à démontrer l'accord tacite du bailleur; Que ce serait attesté par deux témoins, ainsi que par un certain nombre d'échanges entre les parties, lesquels démontrent au contraire, que le preneur se maintenait dans les lieux le temps que le bailleur trouve un acquéreur (sa pièce 22 et pièce adverse 3) tandis que ce dernier recherchait un autre local tel qu'en atteste le 31 août 2012 la banque populaire du massif central où le preneur recherchait un financement(pièce adverse 19), et à cet égard, si des négociations ont pu être en cours, celles-ci n'avaient comme seul but que de mettre fin au litige(échange entre avocats en date 9 février 2010, leur pièce 8) parce que le maintien dans les lieux ne constituait qu'une simple tolérance, tel que cela résulte également de deux courriers en date du 22 septembre et 18 novembre 2010 qui notifiaient expressément au preneur que les loyers n'étaient perçus qu'à titre d'indemnité d'occupation (leurs pièces 2 et 11).
Ils sollicitent en conséquences voir dire que le preneur n'est titulaire d'aucun bail commercial depuis le 1er mars 2009, qu'elle est occupante sans droit, ni titre, la condamner à une indemnité d'occupation de 500€/mois depuis le 28 février 2009, soit et sauf à parfaire, 30000 €, ainsi qu'au montant des charges dues, soit en l'état 1852,80 €, et ordonner son expulsion sous astreinte définitive de 200 €/jour de retard. Subsidiairement, condamner le preneur outre au montant des charges, à la somme de 18000 € au titre des loyers en deniers ou quittance, 10000 € à titre de dommages et intérêts, outre celle de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Plus subsidiairement, M. Mme V. sollicitent voir prononcer la nullité du bail commercial sur le fondement de l'article 1425 du code civil.
En réponse, le preneur sollicite la confirmation du jugement et la condamnation des bailleurs à leur payer la somme de 5000 € pour appel abusif, et celle de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Pour l'essentiel, il fait observer qu'entre le 29 février 2009, date d'expiration du bail précaire, le propriétaire a manifesté le souhait de voir libérer les lieux au mieux le 22 septembre 2010 et a assigné le 24 août 2011, de sorte que de par l'effet de la loi, un bail commercial était en cours depuis un an. Par ailleurs et s'agissant de la demande des bailleurs de voir déclarer nul le bail commercial sur le fondement de l'article 1425 du code civil, qui dispose que si l'un des époux a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs, l'autre peut en demander l'annulation, il oppose notamment, la prescription tirée de l'article 1427 du même code.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Attendu qu'il résulte de L. 145-5 alinéa 1er du code de commerce dans sa rédaction ancienne, que les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger au statut des baux commerciaux, à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à deux ans, mais que si, à l'expiration de cette durée le preneur reste ou est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail soumis au statut qui naît de la loi.
Attendu qu'en l'espèce, il était contractuellement prévu que la date d'expiration irrévocable du bail précaire signé le 7 mars 2007 entre les parties, était fixée au 28 février 2009, et ce, sans que le bailleur n'ait besoin de donner congé ; Qu'après cette date, il est constant que le preneur est néanmoins resté dans les lieux et a maintenu son exploitation commerciale durant une année, sans que dans ce délai où le bailleur continuait à encaisser les loyers, ne le somme de quitter les lieux, de lui restituer les clés, ou encore convienne d'un rendez-vous pour dresser un état des lieux de sortie.
Attendu cependant, qu'il résulte du courrier adressé par le preneur non daté, cité et invoqué par le bailleur (sa pièce 22, et 3 adverse), que celui-ci souhaitait vendre ce local, mais hésitait à le vendre sans locataire ou encore, à rechercher un acquéreur qui maintiendrait le preneur en place ; Que de par la relation amicale liant les parties, qui résulte également de ce courrier, le preneur voulait être agréable au bailleur et ne pas faire obstacle à une vente au meilleur prix sans locataire " pour ne pas amoindrir tes chances de vendre nous avons convenu que nous partirions dès lors que tu trouverais acquéreur ", tout en invoquant cependant, la précarité de la situation dans laquelle il se trouvait parlant d'un départ " aléatoire ", qui l'a conduit à rechercher un autre local et à envisager l'achat de ce fonds de commerce (voir aussi attestation de la banque populaire du massif central lui accordant le financement (pièce 19 du preneur), jusqu'à ce que par l'intermédiaire de son notaire, il notifiait le 5 janvier 2010 au bailleur, que désormais, il était titulaire d'un bail commercial à compter du 1er mars 2009 ; Que seul ce courrier du notaire adressé un an après la date contractuelle d'expiration du bail précaire a fait réagir le bailleur, mais qui cependant, a continué à encaisser les sommes versées mensuellement par le preneur, à titre de loyers, jusqu'au mois de septembre 2010, date à laquelle, il indiquait que ces paiements mensuels seraient désormais encaissés au titre d'indemnité d'occupation (cf courriers en ce sens datés du 22 septembre et 18 novembre 2010, pièces du bailleur no11 et 2).
Attendu que manifestement, les négociations entre les parties et le projet du bailleur ont échoué, mais la situation est demeurée, côté bailleur, dans le statu quo jusqu'à l'assignation qu'il a fait délivrer le 24 août 2011 ; Que pour autant, cette situation née du projet hésitant du preneur, ou encore en l'absence d'acquéreur de son fonds au prix demandé, ne saurait dans ces conditions maintenir depuis le 28 février 2009 la SARL T-XAINTRIE dans le fonds de commerce, sans statut, et faire obstacle à l'application de l'article L 145-5 alinéa 2 du code du commerce et priver le preneur de la qualité de locataire relevant du statut protecteur des baux commerciaux non dérogatoires, étant rappelé que depuis 2001, le preneur exploite son fonds de commerce dans les lieux selon des baux précaires renouvelés ; Que c'est donc par une exacte appréciation, que les premiers juges, écartant les deux témoignages produits par le bailleur jugés trop imprécis, a considéré au vu des éléments de l'espèce, que lorsque le bailleur s'est manifesté, un bail commercial avait succédé au bail précaire depuis une année ; Que le jugement sera confirmé. Sur l'exception de nullité du bail
Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que les parties entretenaient des relations amicales, que Mme X... demeure dans l'appartement situé au-dessus du fonds du commerce avec son époux, de sorte qu'elle se trouvait parfaitement informée de cette location consentie à la SARL X-XAINTRIE par l'époux, et ce d'autant que ce bail a été sans cesse renouvelé avec ce même preneur depuis 2001, sans que celle-ci n'y fasse à aucun moment opposition jusqu'à l'assignation délivrée le 24 août 2011, soit 2 ans et demi après la date d'expiration du bail précaire intervenue le 28 février 2009 ; que cette contestation tardive se heurte en tout état de cause à la prescription stipulée à l'article 1427 du Code civil. Que les époux X... seront déboutés de cette exception, et le jugement confirmé. Sur les comptes entre les parties
Attendu que le preneur s'est régulièrement acquitté des charges qui lui étaient demandées et justifiées, ainsi que des loyers ;
Que cependant, depuis l'assignation délivrée le 24 août 2011 par le bailleur, ce dernier n'encaisse plus les chèques de loyers qui lui sont adressés par le locataire et qu'il reçoit (absence de retour au preneur par la Poste), et ne lui notifie pas non plus les charges à régler ; Que bien qu'il ait encaissé les loyers jusqu'à cette date, le preneur demande néanmoins, le paiement des loyers et charges depuis mars 2009 ; Que le preneur, suite à la procédure devant les premiers juges, où il a appris la somme demandée au titre des charges, a consigné en CARPA cette somme de 934, 66 ¿, et estime par ailleurs, ne rien devoir au titre des loyers qu'il revient au bailleur d'encaisser, celui-ci étant en possession des chèques, alors que par ailleurs, les charges complémentaires demandées en cause d'appel ne sont ni détaillées, ni justifiées.
Attendu qu'il résulte de ce qui précède, qu'en l'état de leurs demandes non sérieuses, qui ne prennent pas en compte les versements effectués et justifiés (les charges) par le preneur, les époux X... ne sont pas fondés en leurs demandes, sauf à confirmer la somme à laquelle le preneur a été condamné par les premiers juges au titre des charges et qui est consignée en compte CARPA, et il appartiendra aux époux X... de produire au preneur un décompte cohérent et justifié des charges complémentaires dont il demande le paiement, déduction faite de la somme consignée ; Que le jugement sera confirmé de ce chef, et les époux X... déboutés de leurs demandes complémentaires non fondées en l'état. Sur la demande de dommages et intérêts.
Attendu que succombant dans leurs demandes, les époux X... seront déboutés de leur demande formée de ce chef.
Attendu par ailleurs, que le fait de faire une mauvaise appréciation de ses droits ne peut être qualifié d'abusif, en l'absence de mauvaise foi démontrée ; que la SARL T-XAINTRIE sera également déboutée de ce chef de demande.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME le jugement entrepris.