Cass. com., 12 juillet 2016, n° 13-19.782
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Foussard et Froger, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois
Vu leur connexité, joint les pourvois n° W 13-19.782 et W 15-24.252 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués (Caen, 28 mars 2013 et Versailles, 25 juin 2015), que M. X... et Mme Y..., dont le divorce a été prononcé par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Argentan le 12 octobre 2005, avaient conclu, le 18 juin précédent, une convention par laquelle ils maintenaient en indivision, pour une durée de cinq ans, l'immeuble d'habitation dépendant de leur communauté, Mme Y..., qui en avait la jouissance sans devoir d'indemnité d'occupation, remboursant seule, pendant l'exécution de la convention, le prêt afférent à son acquisition, sans recours contre M. X..., lequel s'engageait à lui verser une contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants communs et une rente compensatoire temporaire ; que, le 1er octobre 2009, M. X... a été mis en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Versailles, M. Z... étant désigné liquidateur ; qu'une ordonnance du juge-commissaire du 28 juin 2010 a autorisé la cession de gré à gré à Mme Y... des droits indivis de M. X... ; que les actes nécessaires à sa réalisation n'ont pas été passés, le liquidateur s'opposant au paiement partiel du prix par compensation avec une créance dont Mme Y... se prévalait au titre de la part de M. X... dans le remboursement du capital restant dû sur le prêt et d'arriérés de pension alimentaire et de prestation compensatoire ; que le liquidateur a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Argentan d'une demande de partage de l'indivision et de licitation de l'immeuble et le tribunal de commerce de Versailles d'une demande de « rétractation » de l'ordonnance du 28 juin 2010 ; que ces demandes ont été rejetées, la première par l'arrêt de la cour d'appel de Caen et la seconde par celui de la cour d'appel de Versailles ;
Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi n° W 13-19.782, qui est préalable :
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de la cour d'appel de Caen de décider que la créance de Mme Y..., au titre de l'arriéré de pension alimentaire et de prestation compensatoire, est connexe à sa dette au titre du prix de cession des droits indivis alors, selon le moyen, que le jugement ouvrant la procédure collective emporte de plein droit interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, sauf lorsque le paiement résulte d'une compensation entre des créances connexes, c'est à dire de créances réciproques de même nature issues ou dérivant d'un même contrat ou de plusieurs conventions constituant les éléments d'un ensemble contractuel unique servant de cadre général aux relations d'affaires des parties, si bien qu'en décidant néanmoins que la créance de Mme Y... contre M. X... à titre d'arriérés de pensions alimentaires et de prestation compensatoire était connexe à sa dette de 45 000 euros au titre du prix de cession des droits indivis de M. X... sur l'immeuble de Crouttes, la cour d'appel a violé l'article L. 622-7 du code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt énonce exactement que les créances litigieuses sont des créances alimentaires que l'article L. 622-7, I, alinéa 1er, du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-3 du même code, soustrait à l'interdiction des paiements ; que, dans le cas où le liquidateur du débiteur de ces créances cède la totalité des droits de celui-ci dans un immeuble indivis à l'autre indivisaire, créancier des aliments, aucun texte ni principe ne fait obstacle à ce que le règlement des créances alimentaires intervienne par imputation de leur montant sur celui du prix de cession des droits indivis ; que le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi n° W 15-24.252, qui est également préalable :
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de la cour d'appel de Versailles de décider que la créance de Mme Y..., au titre de la part de M. X... dans le remboursement du solde du prêt, est connexe à sa dette au titre du prix de cession des droits indivis alors, selon le moyen, que le jugement ouvrant la procédure collective emporte de plein droit interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, sauf lorsque le paiement résulte d'une compensation entre des créances connexes, c'est-à-dire des créances réciproques de même nature issues ou dérivant d'un même contrat ou de plusieurs conventions constituant les éléments d'un ensemble contractuel unique si bien qu'en retenant, pour décider que la créance de Mme Y... contre M. X... au titre de sa part dans le capital restant dû du prêt afférent à l'acquisition de l'immeuble étaient connexes à sa dette de 45 000 euros due au titre du prix de cession des droits indivis de M. X..., que ces créances réciproques découlent toutes deux de la convention d'indivision conclue lors de leur divorce quand la créance de prix contre Mme Y... trouve son origine dans l'ordonnance du 28 juin 2010 par lequel le juge-commissaire a ordonné la cession amiable de la part indivise de la part de M. X... à Mme Y..., la cour d'appel a violé l'article L. 622-7 du code de commerce ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que Mme Y... avait continué à rembourser de ses deniers personnels l'emprunt contracté pour l'acquisition de l'immeuble indivis, l'arrêt retient que sa créance sur M. X... à ce titre découle, comme celle du prix de cession des droits indivis de ce dernier, de la convention d'indivision et que la cour d'appel de Caen a définitivement fixé le quantum de cette créance « au titre de la part de M. X... dans le capital restant dû sur le prêt immobilier » ; que la cour d'appel a ainsi fait ressortir que la survenance du terme de la convention d'indivision permettait la vente des droits indivis de M. X... et mettait fin à l'engagement de Mme Y... de rembourser seule le prêt sans recours contre lui, obligeant, dès lors, le liquidateur à tenir compte, au sens de l'article 815-13, alinéa 1er, du code civil, à Mme Y..., dans le partage de l'indivision portant exclusivement sur l'immeuble acquis au moyen du prêt, des échéances qu'elle avait versées ; qu'en déduisant du prix de cession des droits indivis la quote-part de M. X... dans le remboursement du solde du prêt, la cour d'appel n'a fait que choisir l'une des modalités possibles, en l'espèce, du règlement de l'indemnité due à Mme Y... au titre de ses dépenses nécessaires de conservation du bien indivis ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° W 13-19.782 :
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de la cour d'appel de Caen de rejeter sa demande de partage de l'indivision et, pour y parvenir, de licitation de l'immeuble alors, selon le moyen, que si la cession de gré à gré de droits immobiliers compris dans l'actif de la liquidation judiciaire est parfaite dès l'ordonnance du juge-commissaire l'ayant autorisée, le transfert de la titularité de ces droits ne s'opère, s'il n'en est autrement décidé par l'ordonnance du juge-commissaire, qu'à la date de la passation des actes nécessaires à la réalisation de la vente, de sorte qu'en se bornant à affirmer, pour décider que le transfert des droits indivis de M. X... sur l'immeuble de Crouttes au profit de Mme Y... s'était opéré par le seul effet de l'ordonnance du juge commissaire près le tribunal de commerce de Versailles du 28 juin 2010, ayant autorisé la cession amiable desdits droits indivis moyennant le prix de 45 000 euros, d'une part, que cette ordonnance ne prévoyait aucune condition suspensive de réitération de la vente par acte authentique et d'autre part, que M. Z..., ès qualités, aurait demandé qu'il soit jugé que la cession était parfaite, sans constater que cette ordonnance comportait une disposition ne subordonnant pas le transfert des droits à la passation de l'acte authentique de cession, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 642-18 du code de commerce ;
Mais attendu que, décidée par le juge-commissaire, par une ordonnance passée en force de chose jugée, ainsi qu'il résulte des constatations de l'arrêt, la cession des droits indivis de M. X... mettait fin à la seule indivision subsistant entre celui-ci et Mme Y..., de sorte que le liquidateur n'était plus recevable à demander la licitation du même immeuble, sauf à justifier d'un motif légitime pour refuser d'exécuter cette ordonnance, ce qu'il ne démontre pas en raison du rejet de ses précédents griefs ; que ce refus injustifié, comme le retard fautif apporté par le liquidateur à la confection des actes nécessaires à la réalisation de la cession, n'étant pas de nature à lui permettre de mettre fin à l'indivision sous une autre forme que celle retenue par le juge-commissaire, le moyen, en ce qu'il fonde la possibilité de la licitation sur l'absence de transfert effectif des droits indivis, imputable au liquidateur, est inopérant ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches, du pourvoi n° W 13-19.782 :
Attendu que le liquidateur fait encore grief à l'arrêt de la cour d'appel de Caen de rejeter sa demande tendant à mettre à la charge de Mme Y... une indemnité d'occupation à compter du 18 juin 2010 alors, selon le moyen :
1°) que le juge ne peut méconnaître les limites du litige, telles qu'elles sont déterminées par les conclusions respectives des parties ; que Mme Y... admettait que la convention d'indivision du 18 juin 2005 était venue à expiration le 18 juin 2010 si bien qu'en décidant néanmoins que ladite convention d'indivision avait vocation à produire ses effets jusqu'au 12 octobre 2010, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 7 du code de procédure civile ;
2°) que l'aveu exige de la part de son auteur une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques, si bien qu'en se bornant à affirmer, pour décider que M. Z... aurait admis que la convention d'indivision du 18 juin 2005 aurait été encore en cours au-delà du 18 juin 2010, qu'il avait énoncé, dans sa requête en date du 24 juin 2010, ayant donné lieu à l'ordonnance du juge-commissaire près le tribunal de commerce de Versailles du 28 juin 2010 autorisant la cession amiable des droits indivis de M. X... au profit de Mme Y..., que le bien était indivis entre les époux, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de les articles 1354 et 1356 du code civil ;
3°) que l'aveu exige de la part de son auteur une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques ; que l'aveu n'est ainsi admissible que s'il porte sur des points de fait et non sur des points de droit, si bien qu'en affirmant que M. Z... aurait admis que la convention d'indivision du 18 juin 2005 aurait été encore en cours au-delà du 18 juin 2010, la cour d'appel, qui a retenu à l'encontre de M. Z... un aveu portant sur un point de droit, a violé les articles 1354 et 1356 et du Code civil ;
Mais attendu que Mme Y... ayant fait valoir, dans ses conclusions devant la cour d'appel, que la date de la jouissance divise devait être fixée au 18 juin 2010, c'est sans méconnaître l'objet du litige que l'arrêt a décidé qu'elle ne serait tenue d'aucune indemnité d'occupation après cette date ; que le moyen, qui est inopérant en ses deuxième et troisième branches comme critiquant des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche, du pourvoi n° W 13-19.782, sur le troisième moyen, pris en sa première branche, du même pourvoi, et sur les premier, deuxième et troisième moyens, celui-ci, pris en sa première branche, du pourvoi n° W 15-24.252, rédigés en termes similaires :
Attendu qu'en raison des rejets qui précèdent, ces moyens, qui demandent des cassations par voie de conséquence, sont sans portée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.