Cass. com., 25 juin 2002, n° 00-16.967
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
Mme Aubert
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
SCP Parmentier et Didier, SCP Vincent et Ohl
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions que la société Danplast (la société) a ouvert un compte dans les livres de la Banque nationale de Paris, devenue la Banque nationale de Paris-Paribas (la banque), qui lui a consenti des concours garantis par le cautionnement solidaire de M. A..., dirigeant de cette société, souscrit le 19 janvier 1996 ; qu'elle a dénoncé ses concours fin janvier 1996 et conclu avec la société un accord pour l'apurement de la dette garanti par un nouveau cautionnement de M. A... du 29 février 1996 remplaçant et annulant le précédent cautionnement ; qu'ultérieurement, de nouveaux accords de remboursement du découvert se sont succédés, chaque fois garantis par le cautionnement de M. A...; que la société n'ayant pas respecté ses engagements, la banque a assigné la société et M. A... en paiement de la somme de 736 708,78 francs ; que la société a elle-même assigné la banque en vue de faire reconnaître sa responsabilité et la faire condamner au paiement de la somme de 1 060 000 francs à titre de dommages-intérêts ; que par jugement du 7 avril 1998, le tribunal, joignant les deux instances, a condamné solidairement la société et M. A... au paiement de la somme de 736 708 francs avec les intérêts au taux contractuel et déclaré le jugement opposable à Mme A...; que la société et les époux A... ont interjeté appel le 26 mai 1998 ; que la société ayant été mise en redressement judiciaire le 28 septembre 1999, M. X... désigné en qualité d'administrateur et M. Z... en qualité de représentant des créanciers sont intervenus à l'instance ;
Sur la recevabilité du second moyen, pris en sa première branche, contestée par la défense :
Attendu que la banque soutient que le moyen selon lequel les époux A... prétendent que le jugement de redressement judiciaire de la société a suspendu l'action contre la caution, personne physique, est nouveau et doit être déclaré irrecevable ;
Attendu qu'il ne résulte ni des conclusions d'appel, ni de la décision attaquée, que le moyen ait été soutenu devant les juges du fond ; que le moyen est donc nouveau et que, mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ;
Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu que les époux A..., la société et les mandataires de justice font grief à l'arrêt d'avoir condamné solidairement M. A... et la société Danplast à payer à la banque la somme de 736 708,78 francs alors, selon le moyen :
1°) qu'en rejetant la demande de nullité du cautionnement, sans rechercher si, la circonstance que la banque ait dénoncé ses concours au débiteur principal moins de quinze jours après avoir obtenu le cautionnement de M. A..., ne révélait pas un dol par réticence commis par la banque, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;
2°) que dans ses conclusions d'appel, M. A... faisait valoir que la banque lui avait fait souscrire un cautionnement peu avant de faire application des dispositions de l'article 60 de la loi du 24 janvier 1984, tandis que la banque dans ses conclusions reconnaissait que le cautionnement avait été initialement consenti le 19 janvier 1996 et qu'elle avait dénoncé ses concours le 31 janvier 1996, l'acte de cautionnement étant d'ailleurs versé par la banque aux débats ; qu'en énonçant, dès lors, qu'après que la banque ait dénoncé ses concours le 31 janvier 1996, plusieurs plans de réduction du découvert avaient été négociés avec la banque et M. A... s'était porté caution solidaire, la cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que le cautionnement obtenu de M. A... le 19 janvier 1996 avant la dénonciation par la banque de ses concours ayant été remplacé par le cautionnement du 29 février 1996 et annulé, la cour d'appel n'avait pas à rechercher si ce premier cautionnement était nul pour dol par réticence ; que sans méconnaître les données du litige, elle s'est prononcée sur la validité des autres cautionnements souscrits par M. A... après la dénonciation des concours bancaires et la négociation de plusieurs accords de réduction du découvert du compte de la société ; que le moyen qui manque en fait dans sa première branche est sans fondement pour le surplus ;
Mais sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Vu les articles L. 621-40 et L. 621-41 du Code de commerce, 65 du décret du 27 décembre 1985 ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que les instances en cours à la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire aux fins de condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent sont suspendues jusqu'à la déclaration faite par le créancier poursuivant de sa créance et ne peuvent tendre qu'à la constatation de la créance et à la fixation de son montant ; qu'elles sont alors reprises de plein droit, le représentant des créanciers et l'administrateur, s'il y a lieu, dûment appelés ; qu'il appartient à la juridiction saisie de vérifier la régularité de la reprise d'instance et, à cette fin, d'apprécier la régularité de la déclaration de créance ;
Attendu qu'après avoir relevé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société et donné acte à l'administrateur ainsi qu'au représentant des créanciers de leur intervention, l'arrêt a condamné solidairement la société et M. A..., caution solidaire, au paiement des sommes dues à la banque ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'instance ne pouvait tendre qu'à la constatation de la créance et à la fixation de son montant après une recherche pour savoir, au besoin d'office, si la banque avait déclaré sa créance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE mais seulement dans sa disposition qui, confirmant le jugement, a condamné la société Danplast à payer à la Banque nationale de Paris la somme de 736 708,78 francs, outre les intérêts au taux contractuel et dans sa disposition qui a condamné cette société à la somme de 10 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 29 mars 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.