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Décisions

Cass. com., 16 septembre 2014, n° 13-20.589

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

Mme Darbois

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Piwnica et Molinié

Paris, du 26 avr. 2013

26 avril 2013

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Giovanni fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande de nullité de la saisie-contrefaçon réalisée le 9 novembre 2009, alors, selon le moyen, qu'en retenant qu'aucune nullité ne pouvait être retenue du fait que l'huissier instrumentaire ait présenté des modèles argués de contrefaçon dès lors qu'il y avait été explicitement autorisé sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions de la société Giovanni, si l'huissier avait respecté les conditions dans lesquelles il y avait été autorisé et s'il n'avait pas méconnu celles-ci et excédé les limites de sa mission en présentant les deux modèles argués de contrefaçon avant toute constatation de la présence de tels modèles sur les lieux de la saisie, provoquant ainsi les déclarations spontanées des personnes présentes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt constate, par motifs adoptés, que l'huissier instrumentaire était autorisé, par l'ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance, à présenter à la société Giovanni les modèles argués de contrefaçon ; que dès lors qu'elle n'a pas relevé de restrictions apportées dans les conditions de mise en oeuvre de cette présentation, la cour d'appel n'avait pas à procéder à une recherche inopérante ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Giovanni fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la société Sam, exerçant sous l'enseigne Giorgio, est titulaire des droits d'auteur des modèles Shana, Felini et Eugénie, dit que la société Giovanni a commis des actes de contrefaçon des modèles 848 969 (Shana) et 848 870 (Felini) en commercialisant les vêtements Aude et Eugenie et de l'avoir en conséquence condamnée à payer différentes sommes à titre de dommages-intérêts à la société Sam au titre de la contrefaçon sur ses droits d'auteur ainsi que de ses modèles enregistrés Shana et Felini, alors, selon le moyen, que la société Giovanni faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la société Sam Giorgio ne pouvait bénéficier de la présomption de titularité de droits sur le modèle Shana qu'elle exploite dès lors que ce modèle correspondait en réalité à un modèle Anastasia commercialisé auprès de tiers, par son fournisseur, la société FC Italia, dès le 15 juillet 2007, soit bien antérieurement à la prétendue création dudit modèle dont la société Sam soutenait qu'elle aurait été réalisée, pour son compte, en janvier et en mars 2008 ; que la société Giovanni produisait pour en justifier un ensemble de pièces dont un procès-verbal de constat d'huissier faisant apparaître qu'un modèle Anastasia, qui lui avait été expédié par une société Sam boutique 13 place Saint François - 06300 Nice, était identique au modèle Shana revendiqué par son adversaire, la facture du 15 mars 2010 de la société FC Italia à la société Sam boutique portant sur quatre modèles Anastasia, une facture de la société FC Italia à la société Sam Giorgio portant sur un modèle Anastasia datant de mai 2009, ainsi qu'une facture en date du 7 juillet 2007 portant sur la vente d'un modèle Anastasia dont elle indiquait qu'elle avait été émise par les sociétés Fontana confezioni et FC Italia et qui portait effectivement en deux endroits le tampon de la société FC Italia ; qu'elle justifiait ainsi par la combinaison de ces différents pièces d'une continuité de ventes par la société FC Italia depuis 2007 d'un modèle Anastasia dont un constat établi en 2010 avait fait apparaître la complète identité avec le modèle commercialisé par la société Sam Giorgio sous le dénomination Shana ; qu'en retenant que la société Sam Giorgio pouvait se prévaloir de droits sur ce modèle Shana qui aurait été créé pour elle en 2008 par un créateur free-lance et que la société Giovanni n'établissait pas à l'inverse que ce modèle Shana était, antérieurement à 2008, déjà vendu en 2007 par la société FC Italia sous la référence Anastasia aux motifs que la facture de juillet 2007 destinée à en attester émanerait de la société Fontana confezioni dont les liens avec la société FC Italia ne seraient pas établis et porterait sur un modèle Anastasia non décrit sans prendre en compte le fait que cette facture portait en deux endroits le tampon de la société FC Italia et qu'il résultait des documents produits afférents à la vente en 2010 d'un modèle Anastasia à la société Sam située à Nice que la société FC Italia vendait sous cette référence un modèle identique au modèle Shana, la cour d'appel, qui ne s'est livrée qu'à une appréciation parcellaire et isolée de chacun des éléments de preuve produits par la société Giovanni sans les apprécier, comme l'y invitaient les conclusions de cette dernière, globalement et en combinaison, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que le moyen ne critique pas les dispositions relatives aux modèles « Felini » et « Eugénie » ; qu'ensuite, l'arrêt relève que les modèles ont été créés pour la société Sam, en janvier et mars 2008, par M. X..., qui en atteste et qui lui en a cédé l'intégralité des droits, que les modèles ont été commercialisés, en ce qui concerne le manteau « Shana », depuis le mois de juillet 2008 en version cuir et août 2008 en version nylon, puis constate que l'attestation du créateur est corroborée par les croquis et fiches techniques signées par lui des modèles « Shana », « Felini » et « Eugénie », les patronages des modèles « Shana » et « Felini », l'attestation de l'imprimeur du catalogue de la collection prêt-à-porter 2008/2009, l'attestation de l'expert-comptable de la société ainsi que par une lettre du fabricant, précisant que le modèle « Shana » a été créé par la société Sam sous ses instructions ; qu'il relève encore, par motifs propres et adoptés, que les documents produits par la société Giovanni relatifs aux ventes d'un modèle « Anastasia » à une société Sam située à Nice et à la société Sam Giorgio, étant datés de mai 2009 et du 15 mars 2010, sont postérieurs à la commercialisation du modèle « Shana » et que la facture, en date du 9 juillet 2007, portant sur la vente d'un modèle « Anastasia » par la société Fontana confezioni n'établit pas les liens de celle-ci avec la société FC Italia et ne décrit pas le modèle puis retient que ces derniers n'étaient pas de nature à remettre en cause la présomption de titularité des droits de la société Sam sur le modèle « Shana » ; qu'en l'état de ces appréciations, rendant inopérante la prise en compte globale de l'ensemble des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli ; Et sur le troisième moyen, qui est recevable :

Attendu que la société Giovanni fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Sam, en réparation de ses préjudices résultant de la contrefaçon des modèles Shana et Felini, la somme de 60 000 euros de dommages-intérêts au titre de ses droits d'auteur et celles de 50 000 euros et 15 000 euros de dommages-intérêts au titre de la contrefaçon de ces modèles déposés, alors, selon le moyen, qu'un même préjudice ne peut donner lieu à double réparation ; que le cumul de protections, corollaire du principe de l'unité de l'art, auquel peut prêter un même modèle ne peut conduire à réparer deux fois le même préjudice subi par le titulaire de droits sur ce modèle ; que le manque à gagner et l'atteinte à son image que la contrefaçon d'un modèle peut causer à un titulaire de droit sur ledit modèle est identique quelque puisse être par ailleurs le cumul de protections dont il bénéficie ; qu'en condamnant en l'espèce la société Giovanni à verser à la société Sam la somme de 60 000 euros, sur le fondement du droit d'auteur, ainsi que celles de 50 000 euros et 15 000 euros, sur le fondement du droit des dessins et modèles déposés, en réparation du manque à gagner et de atteinte à son image que lui a causé la contrefaçon des deux modèles Shana et Felini pour lesquels la société Sam disposait d'un cumul de protections, la cour d'appel qui a ainsi réparé deux fois, sur deux fondements différents, le même préjudice, a violé ensemble les articles 1382 du code civil, L. 331-1-3 et L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la société Giovanni avait porté atteinte aux droits d'auteur dont la société Sam était titulaire et à ses droits sur les modèles déposés, c'est à bon droit que la cour d'appel a procédé à une évaluation distincte de chacun des préjudices causés à cette société par les actes de contrefaçon ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.