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Décisions

Cass. com., 25 mars 1997, n° 94-18.957

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bezard

Rapporteur :

M. Badi

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, Me Copper-Royer

Douai, ch. réun., du 20 juin 1994

20 juin 1994

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 20 juin 1994) rendu sur renvoi après cassation, que la société les Coopérateurs de Normandie-Picardie (les Coopérateurs), assignée en paiement d'une certaine somme par la société Générale de distribution (la société Gedis), mise en redressement judiciaire et bénéficiaire d'un plan de continuation, a demandé que soit effectuée la compensation entre, d'un côté, sa dette vis-à-vis de cette dernière, née de fournitures impayées et, d'un autre côté, sa créance indemnitaire née de la mauvaise exécution par la société Gedis de prestations contractuelles qui auraient trouvé leur source dans une convention du 12 novembre 1987 ;

Sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en sa première branche, réunis :

Attendu que la société Gedis, le commissaire à l'exécution du plan et le représentant des créanciers font grief à l'arrêt d'avoir dit certaine en son principe la créance de dommages-intérêts alléguée par les Coopérateurs contre la société Gedis et dit que les dettes réciproques de ceux-ci se compenseront à due concurrence de leurs quotités respectives, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que la convention du 12 novembre 1987 a été conclue entre les société coopératives et M. Y...; que la société Gedis n'est pas partie à cette convention; que dès lors, elle ne pouvait engager sa responsabilité contractuelle vis-à-vis des Coopérateurs pour manquement à des obligations stipulées dans l'acte du 12 novembre 1987; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses constatations et, ainsi, a violé l'article 1165 du Code civil; et alors, d'autre part, que la compensation ne peut avoir lieu qu'entre personnes se trouvant débitrices l'une de l'autre; qu'en l'espèce, la société Gedis ne pouvait être débitrice des coopérateurs en vertu de la convention du 12 novembre 1987, à laquelle elle n'était pas partie; qu'en admettant, néanmoins, le principe de la compensation entre les parties, la cour d'appel a violé l'article 1289 du Code civil ;

Mais attendu que si la société Gedis, le commissaire à l'exécution du plan et le représentant des créanciers, dans leurs conclusions, ont indiqué que des actes datés du 12 novembre 1987 ont été souscrits d'un côté par les coopératives intéressées, d'un autre côté par M. Y..., ils n'ont tiré de ce fait aucune conséquence juridique en se bornant à demander le rejet de la demande en compensation au motif que la créance de dommages-intérêts alléguée par les Coopérateurs trouverait son fondement dans une insuffisance de la société Gedis tandis que la dette dont celle-ci poursuit le recouvrement était née de livraisons de marchandises et qu'il ne s'agissait nullement d'obligations réciproques dérivant d'un même contrat; que, nouveau et mélangé de fait et de droit en ses deux branches, le moyen est irrecevable ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois dernières branches :

Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir dit que les dettes réciproques des Coopérateurs et de la société Gedis se compenseront à due concurrence de leur quotité respective, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la convention du 12 novembre 1987 constatait seulement un engagement d'approvisionnement des société coopératives, sous réserve que la société Gedis offrît des conditions de prix et de services comparables à celles du marché; que si la non-réalisation de cette condition libérait les sociétés coopératives de leur obligation d'achat, aucune clause de l'acte ne contraignait la société Gedis à vendre selon des modalités prédéterminées; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a méconnu la loi du contrat et violé l'article 1134 du Code civil; alors, d'autre part, que la dette de prix des Coopérateurs trouvait sa source, non dans l'engagement d'approvisionnement préférentiel constaté par l'acte du 12 novembre 1987, mais dans les ventes conclues à l'ocasion de chaque commande de marchandises à la société Gedis; qu'en se fondant pour admettre la connexité entre les créances réciproques alléguées, sur le fait qu'elles "résultent de la même convention", la cour d'appel a violé les articles 1582 et 1289 du Code civil; et alors, enfin, que la cour d'appel a relevé que la créance, non contestée et reconnue de la société Gedis résultait de livraisons de marchandises ayant donné lieu à l'établissement de plusieurs factures, tandis que celle alléguée par les Coopérateurs au titre du préjudice subi par suite de l'arrêt de l'édition d'un catalogue et de diverses carences se fondait sur la convention passée le 12 novembre 1987 entre les sociétés coopératives et M. Y...; qu'en estimant, néanmoins, que ces deux créances étaient unies par un lien de connexité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales résultant de ses constatations et, de ce fait, a violé les articles 1289 du Code civil et 33 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que l'arrêt relève qu'il ressort de l'ordonnance du juge-commissaire saisi de la contestation relative à la déclaration de créances des Coopérateurs et du rapport des experts désignés par lui que la créance indemnitaire des coopérateurs est fondée en son principe, que les dettes réciproques des parties résultent de la même convention qui, obligeant les coopérateurs à s'approvisionner auprès de la société Gedis et à régler le coût des livraisons, contraint corrélativement cette dernière à vendre aux conditions et modalités qui y sont décrites, auxquelles elle n'a qu'imparfaitement satisfait; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, retenant la connexité entre les dettes respectives des parties, la cour d'appel a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la société Gedis, le commissaire à l'exécution du plan et le représentant des créanciers font enfin grief à l'arrêt d'avoir admis le principe de la compensation entre les créances alléguées par la société Gedis et les Coopérateurs, et d'avoir sursis à statuer sur la demande en paiement de la société Gedis, alors, selon le pourvoi, qu'à supposer qu'elle soit en définitive admise au passif de la procédure, la créance des Coopérateurs, soumise au plan de continuation de la société Gedis, ne deviendrait pas exigible et ne pouvait, dès lors, donner lieu à compensation ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les articles 1291 du Code civil, 64 et 74 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que les dispositions de la décision arrêtant le plan de continuation ne peuvent mettre obstacle à la constatation du principe de la compensation entre la créance dont le bénéficiaire de ce plan est titulaire et celle connexe que son cocontractant a déclarée, en attendant qu'il soit statué sur cette déclaration ;

Attendu qu'après avoir constaté que les Coopérateurs avaient déclaré leur créance et retenu la connexité existant entre celle-ci et celle invoquée par la société Gedis, les juges du fond ont à juste titre décidé que les dettes réciproques des parties se compenseront à due concurrence de leurs quotités respectives et sursis à statuer sur l'apurement des comptes jusqu'à ce que la créance des coopérateurs ait été fixée en son montant par une décision passée en force de chose jugée; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.