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Décisions

Cass. com., 20 septembre 2017, n° 16-16.636

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Marlange et de La Burgade, SCP Waquet, Farge et Hazan

Paris, du 3 mars 2016

3 mars 2016

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 mars 2016), que la société Eurofactor et la société Lamberet constructions isothermes (la société débitrice) ont conclu un contrat d'affacturage prévoyant la constitution d'un compte courant et d'un compte de garantie d'un montant de 250 000 euros ; qu'à la suite de la résiliation de ce contrat, le 3 juin 2008, la société débitrice et les sociétés Eurofactor et GE Factofrance, respectivement ancien et nouvel affactureurs de la débitrice, ont, le 5 juin 2008, conclu une convention tripartite prévoyant que l'ancien affactureur conserverait en compte de garantie la somme de 250 000 euros à titre de provision sur les commissions et frais restant à facturer et les effets de commerce non encaissés à cette date, que la clôture définitive du compte courant interviendrait une fois les commissions et frais liquidés, les éventuels impayés débités et le solde débiteur du compte définitivement apuré, et que l'ancien affactureur reverserait l'éventuel solde disponible au nouvel affactureur ; que, le 8 octobre 2008, la société débitrice a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, avant d'être mise en redressement puis liquidation judiciaires, les 27 février et 7 avril 2009, la société MJ synergie étant nommée liquidateur (le liquidateur) ; que la société Eurofactor a déclaré deux créances au titre de factures impayées par la société débitrice, en qualité de subrogée dans les droits des fournisseurs concernés ; qu'après l'admission de ces créances au passif, lors de la clôture du compte courant, la société Eurofactor a inscrit au débit du compte courant le montant desdites créances et, au crédit, le solde du compte de garantie, soit 200 000 euros ; qu'après avoir vainement mis en demeure la société Eurofactor de lui restituer la somme de 250 000 euros au titre du compte de garantie, le liquidateur l'a assignée en paiement de cette somme ; que la société Crédit agricole Leasing & Factoring est intervenue volontairement aux droits de la société Eurofactor ;

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de "reversement" de la somme de 250 000 euros à la procédure collective de la société débitrice alors, selon le moyen :

1°) que selon l'article L. 622-7 I du code de commerce, le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes ; que la condition de connexité suppose, pour être remplie, que les créances qu'il s'agit de compenser soient inscrites sur un compte unique ; que la connexité est en revanche exclue lorsque les créances sont inscrites sur deux comptes distincts, compte tenu du principe d'indépendance des comptes ; qu'en tenant en l'espèce pour connexes des créances inscrites sur deux comptes distincts, un compte courant d'une part, et un compte de garantie d'autre part, et en admettant le jeu de la compensation entre ces créances, la cour d'appel a violé l'article L. 622-7 I du code de commerce ;

2°) que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'il n'est pas permis au juge, lorsque les stipulations d'une convention sont claires et précises, d'en méconnaître le sens et de les dénaturer ; que la cour d'appel a considéré en l'espèce qu'il s'évinçait des articles 7 et 8 de la convention d'affacturage conclue entre la société Eurofactor et la société Lamberet constructions isothermes, que le compte de garantie n'était qu'un sous-compte du compte courant avec lequel il était indivisible ; qu'en statuant ainsi, quand ni l'article 7, ni l'article 8 de la convention litigieuse ne renfermaient une clause établissant une unité de comptes entre le compte de garantie et le compte courant, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette convention et violé l'article 1134 du code civil ;

3°) que les clauses de compensation entre créances réciproques ne suffisent pas à caractériser entre elles la connexité requise par l'article L. 622-7 I du code de commerce aux fins de permettre leur compensation ; qu'en déduisant la connexité entre les créances réciproques des sociétés Eurofactor et Lamberet constructions isothermes de la clause, stipulée à l'article 8.4 de la convention d'affacturage, prévoyant que les sommes inscrites sur le compte de garantie devaient se compenser de plein droit avec le solde éventuellement débiteur du compte courant, la cour d'appel a violé l'article L. 622-7 I du code de commerce ;

4°) que seuls peuvent faire l'objet d'une clause d'unité de comptes des comptes compatibles entre eux ; que tel n'est pas le cas d'un compte courant et d'un compte de garantie, ce dernier ayant pour finalité de réaliser une garantie et non de permettre des règlements ; qu'ainsi, à supposer même que la convention d'affacturage conclue entre Eurofactor et la société Lamberet constructions isothermes ait stipulé une unité entre le compte courant et le compte de garantie, pareille stipulation aurait été illicite et partant inefficace ; qu'en jugeant néanmoins licite, et en faisant produire effet à la clause d'unité de comptes prétendument stipulée par la convention d'affacturage litigieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 622-7 I du code de commerce ;

5°) que si l'interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne fait pas obstacle à ce que la compensation opère entre des dettes connexes, encore faut-il que les parties, ou l'une d'elles, n'aient pas délibérément provoqué cette connexité ; que la cour d'appel a relevé, aux fins d'admettre la compensation entre les créances réciproques de la société Eurofactor et de la société Lamberet constructions isothermes, que la société Eurofactor avait porté au crédit du compte courant de la société Lamberet constructions isothermes le solde du compte de garantie ; qu'en ne s'interrogeant pas, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, sur le point de savoir si Eurofactor n'avait pas ainsi délibérément provoqué la connexité, ce qui aurait été de nature à faire obstacle à la compensation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-7 I du code de commerce ;

6°) que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que la société MJ synergie, ès qualités, faisait valoir, dans ses écritures d'appel, que les conditions auxquelles est subordonnée l'opposabilité d'une clause de compensation à la procédure collective n'étaient pas réunies en l'espèce au sujet de l'article 8.4 de la convention d'affacturage ; qu'en effet, il ne ressortait de la convention d'affacturage aucune volonté claire des parties d'appliquer en permanence la clause de compensation dans leurs rapports, la clause stipulée à l'article 8.4 n'ayant par ailleurs pas commencé à jouer avant la période suspecte ; qu'en admettant néanmoins l'opposabilité de la clause de compensation à la procédure collective, sans vérifier, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si les conditions de cette opposabilité étaient réunies en l'espèce, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7°) que pour être opposable à la procédure collective, la clause de compensation doit avoir commencé à fonctionner avant la période suspecte ; que la cour d'appel a, en l'espèce, fait produire effet à la clause de compensation prévue à l'article 8.4 de la convention d'affacturage sans au préalable vérifier, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, que cette clause avait fonctionné avant la période suspecte ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-7 I du code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant constaté que le contrat d'affacturage stipulait la constitution d'un compte courant, sur lequel devaient être inscrites les créances réciproques des parties, et celle d'un compte de garantie, sous forme d'un gage-espèces, destiné à garantir le remboursement des sommes dont la société adhérente pouvait devenir débitrice envers l'affactureur, l'arrêt relève que les créances réciproques en cause correspondent, pour la première, au solde débiteur du compte courant dont la société débitrice est redevable envers la société Eurofactor, pour la seconde, au solde du compte de garantie dû par cette dernière à la société débitrice après résiliation du contrat d'affacturage ; que par ces seuls motifs, desquels il résulte que les créances réciproques étaient connexes comme procédant du même contrat d'affacturage, la cour d'appel a légalement justifié sa décision d'admettre la compensation entre ces créances ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.