Cass. com., 18 mai 2016, n° 14-23.837
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Marc Lévis
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 28 janvier 2014), que la Caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes (la CARPIMKO), se prétendant créancière de Mme X..., qui exerce la profession d'orthophoniste, a assigné cette dernière en liquidation judiciaire ;
Attendu que la CARPIMKO fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :
1°) que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; en affirmant en l'espèce que le montant de la dette de Mme X... restait inconnu, après avoir constaté qu'il ressortait des contraintes versées aux débats que la créance de la caisse à compter de 2008 s'élevait à 73 574,08 euros, les juges du fond ont entaché leur décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) qu'il résultait des cinq contraintes notifiées à partir de 2008 par la CARPIMKO que celle-ci disposait, au titre des cotisations échues à compter de cette date, de titres exécutoires sur le patrimoine de Mme X... pour un total au principal de 46 190,08 euros ; qu'il résultait également des cinq jugements produits par la caisse que toutes ces contraintes avaient été validées par le tribunal des affaires sociales de sécurité sociale de l'Hérault à la suite du rejet des recours formés par la redevable ; qu'en opposant néanmoins que le montant exact de la dette de Mme X... était inconnu, quand la production de ces titres établissait que le passif exigible de Mme X... était à tout le moins de 46 190,08 euros en principal, les juges du fond ont de toute façon privé leur décision de base légale au regard des articles L. 631-1, L. 640-1 et L. 640-5 du code de commerce ;
3°) qu'il n'appartient pas au juge de la procédure collective de remettre en cause l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux jugements passés en dernier ressort ; qu'en opposant que la caisse ne produisait pas le décompte exact des cotisations dues par Mme X... cependant que la CARPIMKO faisait valoir, pièces à l'appui, que le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault avait rejeté l'ensemble des recours formés par la débitrice contre les contraintes délivrées, ce dont il résultait que Mme X... était débitrice des sommes arrêtées par ces contraintes, les juges du fond ont violé les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil ;
4°) qu'est en cessation de paiement le débiteur dont l'actif exigible ne lui permet pas de faire face au passif exigible ; en l'espèce, les juges ont constaté que la dette de cotisations de Mme X... s'élevait à 73 574,08 euros quand le revenu annuel de son activité professionnel variait entre 23 109 et 30 357 euros, sans faire état d'aucune autre source de revenu ou d'aucun autre élément de patrimoine ; à considérer même que la dette de cotisations de Mme X... depuis 2008 ne fût que de 46 190,08 euros en principal, il se déduisait de ces éléments que la débitrice n'était pas en mesure de faire face à ce passif exigible avec son actif disponible ; qu'en jugeant néanmoins que l'état de cessation des paiements de la débitrice n'était pas établi, au motif inopérant qu'elle était à jour de ses cotisations auprès d'autres organismes ou encore que son compte bancaire fonctionnait normalement, les juges du fond ont encore privé leur décision de base légale au regard des articles L. 631-1, L. 640-1 et L. 640-5 du code de commerce ;
5°) que les juges ont l'obligation de ne pas dénaturer les éléments de la cause ; pour établir en l'espèce le caractère infructueux de l'ensemble des procédures d'exécution pratiquées sur les biens de Mme X... depuis 2008, la CARPIMKO produisait notamment une lettre du 24 août 2011 émanant de l'un des huissiers de justice chargés de ces actes d'exécution, une deuxième lettre du 23 septembre 2011 émanant d'un autre huissier de justice, et un procès-verbal de carence daté du 10 octobre 2011 qui indiquait que le paiement des sommes réclamées n'avait pas été obtenu, que la saisie-attribution pratiquée dans les livres de la BNP-Paribas s'était avérée infructueuse, et que la visite du logement de la débitrice n'avait pas permis d'identifier des biens de nature à désintéresser le créancier ; en retenant cependant, pour juger que la preuve d'une exécution infructueuse n'était pas rapportée, que la caisse ne produisait qu'une lettre d'huissier du 24 août 2011 et que le procès-verbal joint à cette lettre n'était pas daté ni renseigné, les juges du fond ont dénaturé les pièces produites à l'instance, et notamment la lettre d'huissier du 23 septembre 2011 et le procès-verbal de carence du 10 octobre 2011 ;
6°) qu'en affirmant que la CARPIMKO ne rapporte pas la preuve de l'inefficacité de ses actes d'exécution pour cause d'insolvabilité de Mme X... dès lors qu'elle ne produisait qu'une lettre du 24 août 2011 et un procès-verbal non daté ni renseigné, cependant que la caisse produisait également une lettre du 23 septembre 2011 et que le procès-verbal de carence, daté du 10 octobre 2011, indiquait précisément l'ensemble des mesures effectuées par l'huissier et restées infructueuses, les juges ont à tout le moins privé leur décision de base légale au regard des articles L. 631-1, L. 640-1 et L. 640-5 du code de commerce ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la CARPIMKO produisait des contraintes validées par le tribunal des affaires de sécurité sociale, l'arrêt retient qu'en raison de l'irrecevabilité, non critiquée par le moyen, de la demande fondée sur les créances antérieures à 2008 et de l'absence de tout décompte précis et actualisé de la créance, le montant allégué ne correspondant pas au montant cumulé des contraintes produites, le passif exigible est inconnu ; qu'il ajoute, par motifs propres et adoptés, que, si la CARPIMKO fait état de tentatives infructueuses d'exécution, Mme X... dispose de revenus réguliers, qu'elle est à jour des cotisations dues à l'URSSAF, et de ses impôts, qu'une attestation de sa banque « conforte sa solvabilité » et que son compte bancaire fonctionne normalement, faisant ainsi ressortir que le créancier poursuivant ne démontrait pas que l'actif disponible ne permettrait pas de faire face à un passif dont le montant exact était indéterminé ; que, par ces constatations et appréciations, et abstraction faite des motifs critiqués par les cinquième et sixième branches, qui sont surabondants, la cour d'appel, sans se contredire ni méconnaître l'autorité de la chose jugée, a légalement justifié sa décision ; que le moyen, inopérant en ses cinquième et sixième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.