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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 14 septembre 2017, n° 15/08941

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Consolis (SAS), VBI Verenigde Bouwprodukten Industrie BV (Sté), Consolis Holding (SAS), Bonna Sabla (SA), Bonna Sabla (SNC), Sateba Système Vagneux (SA), Consolis OY AB (Sté), Parma OY AB (Sté), Spenncon AS (Sté), Consolis Netherlands BV (Sté)

Défendeur :

Mergermarket Ltd (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseillers :

Mme Guillou, Mme Dubois-Stevant

Avocats :

Me Debray, Me Bouffard, Me Farges, Me Marembert

T. com. Nanterre, prés., du 16 nov. 2012

16 novembre 2012

Les sociétés Consolis Holding SAS, Consolis SAS, Bonna Sabla SA, Bonna Sabla SNC, Sateba Systeme Vagneux SA, Consolis OY Ab, Parma OY Ab, Spenncon As, Consolis Netherlands B.V. et VBI Verenigde Bouwprodukten Industrie B.V. (Les sociétés du groupe Consolis) ont fait l'objet d'une procédure de mandat ad hoc prévue à l'article L. 611-3 du code de commerce, la SELARL FHB, prise en la personne de Mme G... , ayant été désignée mandataire ad hoc par ordonnance du 11 juillet 2012.

Le 18 juillet 2012, la société Mergermarket Limited (la société Mergermarket), éditrice du site d'informations financières en ligne Debtwire, spécialisé dans le suivi de l'endettement des entreprises, a publié un article commentant l'ouverture de la procédure de mandat ad hoc.

Malgré un rappel de l'obligation de confidentialité par le mandataire ad hoc, de nouveaux articles ont été publiés les 26 juillet, 9 août, 7 septembre et 25 septembre 2012.

Le 16 septembre 2012 maître C... G... a été désignée en qualité de conciliateur.

Elle a mis en demeure la société Debtwire de respecter la confidentialité des procédures le 4 octobre 2012. Puis après la parution d'un nouvel article le 17 octobre 2012 et par actes des 23 et 24 octobre 2012, plusieurs sociétés du groupe ainsi que la SELARL FHB ont assigné la société Mergermarket Limited devant le juge des référés pour obtenir le retrait de l'ensemble des articles contenant des informations confidentielles les concernant, ainsi que l'interdiction de publier d'autres articles et le paiement d'une provision à valoir sur le préjudice subi.

Sur renvoi après cassation, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance du tribunal de commerce qui le 16 novembre 2012 a notamment :

- dit que la société Mergermarket Limited a causé un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser dans les plus brefs délais et qu'il y a lieu de prendre les mesures nécessaires pour prévenir un dommage imminent,

- ordonné à celle-ci de retirer de son site internet Debtwire l'ensemble des articles contenant les informations couvertes par la confidentialité au titre des procédures de prévention concernant le groupe Consolis, sous astreinte de la somme de 50 000 euros par jour de retard et par article, à compter de trois jours après la signification de l'ordonnance,

- interdit à celle-ci de publier quelque article que ce soit relatif aux procédures de prévention concernant le groupe Consolis, sous astreinte de la somme de 50 000 euros par infraction constatée, lesdites astreintes courant jusqu'à l'issue des procédures de prévention, et s'est réservé le pouvoir de les liquider,

- débouté le groupe Consolis de ses demandes au titre du paiement d'une provision et en désignation d'un expert.

Le 3 mai 2013, les sociétés du Groupe Consolis ont assigné la société Mergermarket devant le tribunal de commerce de Nanterre en constatation et réparation du préjudice subi du fait de la publication des articles litigieux.

Par jugement du 29 octobre 2015 le tribunal de commerce de Nanterre a :

- dit les sociétés Bonna Sabla, Consolis OY et Consolis Netherlands recevables en leurs demandes,

- débouté les sociétés du Groupe Consolis et la SELARL FHB prise en la personne de maître C... G... de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné in solidum les sociétés Consolis Holding SAS, Consolis SAS, Bonna Sabla SA, Bonna Sabla SNC, Sateba Système Vagneux SA, Consolis OY Ab, Parma OY Ab, Spenncon AS, Consolis Netherlands BV et VBI Verenigde Bouwprodukten Industrie BV, à payer à la société Mergermarket Limited la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les sociétés du Groupe Consolis aux entiers dépens.

Les sociétés du groupe Consolis ont interjeté appel de cette décision le 24 décembre 2015.

Dans leurs dernières conclusions du 4 mai 2017 les sociétés du Groupe Consolis demandent à la cour de :

- les déclarer recevables en leur appel et bien fondées en l'ensemble de leurs demandes,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 29 octobre 2015, en ce qu'il a dit les sociétés Bonna Sabla SA, Consolis OY et Consolis Netherlands recevables en leurs demandes,

- mais le réformant pour le surplus,

Et, statuant à nouveau :

- condamner la société Mergermarket Limited à verser aux sociétés Parma OY Ab, Spenncon Ab et VBI Verenigde Bouwprodukten Industrie B.V. la somme de 60 808,30 euros, à parfaire, à titre de dommages et intérêts,

- condamner la société Mergermarket Limited à verser aux Sociétés Bonna Sabla SNC, Bonna Sabla Sa et Sateba Systeme Vagneux Sa la somme de 461 317,30 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner la société Mergermarket Limited à verser aux sociétés Consolis Holding SAS, Consolis SAS, Bonna Sabla SA, Consolis OY, Consolis Netherlands et Spenncon AS la somme de 585 160,30 euros à titre de dommages et intérêts, montant réparti de la manière suivante :

- Consolis Holding SAS : 102 188,95 euros,

- Consolis SAS : 292 566,85 euros,

- Bonna Sabla SA : 55 221,08 euros,

- Consolis OY : 40 619,00 euros,

- Consolis Netherlands : 87 033,19 euros,

- Spenncon AS : 7 531,23 euros,

- débouter la société Mergermarket Limited de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Mergermarket Limited à payer aux appelantes la somme de 70 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Mergermarket Limited aux entiers dépens, dont distraction au profit de maître Christophe Debray, avocat au Barreau de Versailles conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions du 15 mai 2017 la SELARL FHB demande à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 29 octobre 2015, sauf en ce qu'il a dit les sociétés Bonna Sabla, Consolis OY et Consolis Netherlands recevables en leurs demandes,

Et statuant à nouveau :

- constater la divulgation d'informations couvertes par la confidentialité par la société Mergermarket Limited,

- constater que les informations divulguées ne contribuaient pas à la nécessité d'informer le public sur une question d'intérêt général,

Par conséquent :

- constater que la société Mergermarket Limited a causé un trouble manifestement illicite aux sociétés du Groupe Consolis qu'il y a lieu de sanctionner,

- faire droit aux demandes formées par les sociétés du Groupe Consolis à l'encontre de la société Mergermarket Limited,

- débouter la société Mergermarket Limited de toutes ses demandes, et notamment de la demande de condamnation de la SELARL FHB à lui payer des sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Mergermarket Limited au paiement de la somme de 5 000 euros au bénéfice de la SELARL FHB prise en la personne de Maître C... G... sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Mergermarket Limited au paiement des entiers frais et dépens de l'instance.

Dans ses dernières conclusions du 15 mai 2017, la société Mergermarket demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les sociétés du groupe Consolis de toutes leurs demandes, fins et moyens à l'encontre de la société Mergermarket,

- condamner in solidum les demanderesses et la SELARL FHB à verser à la société Mergermarket la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE :

Considérant que les sociétés du Groupe Consolis soutiennent que l'article L. 611-15 du code de commerce impose une stricte confidentialité des informations échangées dans le cadre des procédures de conciliation ou de mandat ad hoc ; que la jurisprudence donne toute sa force à cette obligation, la Cour de cassation ayant, dans le cadre de la procédure de référé, dit pour droit que cette obligation s'imposait aux tiers dont les journalistes et que le caractère confidentiel des procédures de prévention faisait obstacle à la diffusion par voie de presse d'informations relatives aux difficultés rencontrées par l'entreprise à moins que cette diffusion ne contribue à la nécessité d'informer le public sur une question d'intérêt général, la diffusion de telles informations constituant alors un trouble manifestement illicite ; que ces solutions sont indispensables à une plus grande efficacité des procédures collectives qui est une priorité du législateur et est encore renforcée par la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle ; que seule l'entreprise peut communiquer sur ces procédures ; que le tiers qui se rend complice d'une violation d'une clause contractuelle engage sa responsabilité délictuelle ; que les informations publiées ont été divulguées par des personnes tenues par cette obligation de confidentialité ; que la société Mergermarket est coauteur de cette violation de la confidentialité, les informations sur le passage du mandat ad hoc à la conciliation ayant même précédé la signature de l'ordonnance ; que ces divulgations ont porté sur un ensemble d'informations confidentielles par nature et tirées des négociations ; que l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme sur la liberté d'expression ne fait pas obstacle à des restrictions pour assurer la préservation des droits des tiers, comme en témoigne la jurisprudence de la CEDH ; qu'elle ne peut davantage prétendre s'être saisie d'une question d'intérêt général puisque les informations divulguées ne concernaient pas le public en général mais la seule communauté des prêteurs du Groupe Consolis ; que la société Mergermarket se prévaut de la directive du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées ; que cette directive, d'ailleurs non encore transposée, prévoit en son article 4 que l'obtention d'un secret d'affaire est illicite notamment en cas d'accès non autorisé à des documents ou lorsque la personne a obtenu le secret d'affaire de façon illicite ou encore lorsqu'elle aurait dû savoir que le secret avait été obtenu directement ou indirectement d'une autre personne qui l'utilisait ou le divulguait de façon illicite ; que tel est le cas de la société Mergermarket ; que la société Mergermarket ne peut prétendre avoir ignoré que ces informations étaient illicites et qu'elle causait un grave préjudice aux sociétés du Groupe Consolis puisque cela lui avait été rappelé personnellement par maître G... ; que le préjudice du groupe est considérable, les sociétés du Groupe Consolis les ayant chiffrées le 2 mai 2013 à la somme de 1 975 458,11 euros et étant en mesure de l'actualiser ; qu'il est constitué par la réduction des crédits fournisseurs, la réduction de la trésorerie disponible du fait de l'émission des cautions réclamées par les cocontractants et le blocage de trésorerie en contrepartie de l'émission de ces cautions et l'incapacité à honorer les échéances d'intérêts des mois de septembre et octobre 2012 ;

Considérant que la SELARL FHB, prise en la personne de maître C... G... soutient également que la Cour de cassation a clairement affirmé que la restriction apportée par l'article L. 611-15 du code de commerce concernait également les tiers et faisait obstacle à la diffusion par voie de presse des informations confidentielles des procédures de prévention des entreprises, à moins qu'elles ne contribuent à la nécessité d'informer le public sur un débat d'intérêt général ; que cette confidentialité protège les sociétés qui recourent à la conciliation ou au mandat ad hoc en permettant d'éviter que les difficultés rencontrées soient portées à la connaissance des clients concurrents ou partenaires des sociétés et pour protéger également les créanciers ou partenaires qui ne souhaitent pas que les traitements dérogatoires et les efforts consentis dans le cadre de la mesure de prévention ne servent ensuite de référence ; qu'accepter la violation de cette confidentialité ruinerait l'efficacité des procédures de prévention et serait contraire à l'objectif du législateur ; qu'en outre aucune question d'intérêt général ne légitime ici l'information du public qui en l'espèce n'est pas concerné par les négociations entre le débiteur et ses créanciers ; que les prêteurs ont été maintes fois avertis en cours de négociation de la nécessité de respecter scrupuleusement cette obligation légale ; que les agissements de la société Mergermarket ont perduré malgré les avertissements de maître G... ; que de telles violations volontaires et répétées de l'obligation de confidentialité nécessitent une sanction ; que la SELARL FHB ne forme aucune demande à titre personnel et ne peut donc être condamnée à payer aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que la société Mergermarket Limited expose que le site Debtwire qu'elle édite était un « sous-site » du site internet du Financial times, spécialisé dans le suivi de l'endettement des entreprises et qui a publié des milliers d'articles sur des sociétés en difficultés ; que ce site peut révéler à l'occasion des informations sensibles que certaines entreprises auraient préféré ne pas voir publiées ; que ce site a suivi de longue date les difficultés prévisibles du Groupe Consolis, objet d'un LBO en décembre 2006 soit juste avant l'éclatement de la bulle financière ; que les difficultés des groupes sous LBO et de leurs holdings surendettées sont devenues un sujet d'actualité récurrent suivi par d'autres sites tels le site LCD de Standard & Poor's qui a révélé dès le 19 août 2010 que le groupe avait sollicité l'ouverture d'une procédure de mandat ad hoc, ou l'Agefi quelques mois plus tard ; que le premier article du 18 juillet 2012 dont le Groupe Consolis reproche la publication au site Debtwire fait état d'une information qui avait été publiée cinq jours auparavant dans la lettre d'information éditée par CapitalStructure, la désignation de maître C... G... comme mandataire étant reprise dans un second article du 17 juillet 2012 ; que le site Debtwire a publié cette information le 18 juillet 2012, alors que d'autres articles ont précédé ou suivi cette annonce de difficultés du Groupe Consolis dont la presse s'est largement fait l'écho ; que pourtant c'est la seule société Mergermarket qui a été poursuivie ; que la cour n'est pas tenue par l'ordonnance de référé rendue qui n'a pas autorité de la chose jugée au principal, que les demandes du Groupe Consolis se heurtent à la liberté fondamentale d'informer qui suppose la protection des sources des organes de presse et des informations, y compris les plus dérangeantes, protections dont la nécessité pour la démocratie a été rappelée par la CEDH ; que seules des restrictions prévues par la loi, nécessaires, strictement limitées et proportionnées à la fin recherchée peuvent être admises ; que l'obligation de confidentialité prévue à l'article L. 611-15 du code de commerce n'est pas opposable à la société Mergermarket, quoiqu'en dise la Cour de cassation qui a créé de toute pièce un principe général de confidentialité ; que ne sont tenues par ce principe que les personnes appelées à la procédure et ceux qui en ont connaissance de par leurs fonctions, parmi lesquels les avocats, commissaires aux comptes, greffiers, mandataire ad hoc mais non les journalistes ; que ce sont les personnes qui sont soumises à l'obligation de confidentialité et non les informations ; qu'une information portant sur une procédure de mandat ad hoc n'est pas intrinsèquement confidentielle ; que l'interprétation de la Cour de cassation constitue une restriction non nécessaire et disproportionnées à la liberté d'informer ; que les informations publiées constituent une information légitime s'inscrivant dans un débat d'intérêt général portant sur l'enjeu des restructurations de dettes de beaucoup d'entreprises européennes sous LBO au lendemain de la crise, de sorte que la faute alléguée doit être écartée ; que le critère n'est pas celui de la conformité à l'intérêt général mais de la contribution à un débat d'intérêt général ; que la société Mergermarket ne peut être tenue pour complice d'une violation d'une obligation légale qui ne la concerne pas, pas plus que de la violation d'une clause contractuelle qui n'existe pas ; qu'elle n'a publié aucun document confidentiel ou secret, mais seulement des informations incorporelles ; qu'enfin le lien de causalité n'est pas établi entre la faute prétendue et les dommages allégués ;

Sur la faute :

Considérant que la liberté d'expression et d'information par voie de presse garantie par l'article 10 de la CEDH peut être restreinte lorsque la mesure, proportionnée au but poursuivi, est nécessaire à la protection des droits d'autrui ; que peut en conséquence être fautive une divulgation d'informations confidentielles, non justifiée par le devoir d'information sur une question d'intérêt général, et portant atteinte aux droits d'autrui ;

Considérant que l'article L. 611-15 du code de commerce instaure à la charge de « toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance », une obligation de confidentialité ; que cette confidentialité a pour finalité la protection de la personne qui fait appel à cette procédure, pour lui permettre de maintenir son crédit auprès de ses différents partenaires, prêteurs, clients ou fournisseurs et de négocier avec les personnes appelées à la procédure, mais également la protection de toutes les parties à la négociation, pour interdire, par exemple, l'utilisation ultérieure des propositions faites de part et d'autres en cas d'échec éventuel de ces négociations, ou l'imputation publique de l'échec à telle ou telle partie à la négociation ou tout autre usage nocif aux droits d'autrui qui pourrait être fait des informations divulguées à cette occasion ; qu'elle a également pour finalité d'assurer le succès de la procédure initiée et de prévenir la défaillance de l'entreprise ; qu'il peut donc être déduit de l'article L. 611-15 précité que les informations échangées au cours d'une procédure de conciliation ou de mandat ad hoc ont un caractère confidentiel qui peut conférer un caractère fautif à leur divulgation lorsque son auteur, qui n'en est pas destinataire et ne peut les tenir que des participants à la négociation, n'ignore pas que ceux-ci sont tenus à la confidentialité ;

Considérant que le Groupe Consolis et la SELARL FHB reprochent à la société Mergermarket la publication d'articles parus le 18 et le 26 juillet 2012, le 9 août, le 7 septembre puis le 17 octobre 2012, ce dernier malgré la mise en demeure adressée par maître G... le 4 octobre 2012 ; qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'articles sur un sujet d'intérêt général tel que la résistance des LBO à la crise et les difficultés que des sociétés ainsi financées peuvent connaître, ni d'articles faisant seulement état de la mise sous mandat ad hoc de ces sociétés, qui avait déjà été annoncée auparavant par d'autres revues ; que les informations dont la publication est reprochée au site Debtwire sont précises et chiffrées et portent sur le contenu même des négociations en cours et leur avancée, que le site n'a pu obtenir que de sources ayant participé aux opérations dans le cadre du mandat ad hoc et à ce titre tenues à une obligation de confidentialité ; que les articles parus dans les Echos du 26 juillet 2012, s'ils font état des difficultés de Consolis, se contentent d'informations très générales, évoquant la précédente restructuration de 2011 et le ralentissement de l'activité mais également le fait que le groupe « réussit à stabiliser son résultat sur un an »; que LCD Daily expose en juillet 2012 la demande de mandat ad hoc mais ne donne des informations que sur la précédente négociation de 2011 ; qu'il en est de même de l'article de Capitalstructure du 17 juillet 2012 qui ne révèle pas le contenu des négociations en cours ; qu'il apparaît au contraire que les articles litigieux du site Debtwire des 26 juillet, 9 août, 7 septembre et 25 septembre 2012 font état non seulement de la situation du Groupe Consolis, mais également des données chiffrées précises sur les propositions faites aux créanciers, l'état des discussions en cours et les difficultés concrètes auxquelles la société doit faire face ainsi que sur les efforts consentis par les créanciers et les délais de grâce obtenus, avant même l'aboutissement des pourparlers ; que, même s'ils ne transmettent pas ces informations en utilisant des supports confidentiels, ces articles n'en divulguent pas moins des informations confidentielles, s'appuyant sur des données non publiques, provenant nécessairement des participants aux négociations tenus par cette obligation de confidentialité ; que la publication de ces informations a été faite dans une presse spécialisée suivie par les acteurs économiques susceptibles d'être concernés par la situation des sociétés du groupe Consolis et non à un large public ; que la société Mergermarket ne peut se prévaloir de ce que « les difficultés économiques étaient déjà connues de la presse spécialisées depuis 2010 » ; qu'en effet, bien au-delà de la simple information sur les difficultés du groupe à honorer ses échéances, ces articles révèlent l'état des négociations en cours, qui, pour intéresser les cocontractants non conviés à la négociation, n'en compromettent pas moins le cours normal et l'efficacité de la procédure et portent une atteinte à la liberté d'entreprendre et de prendre les mesures nécessaires à la pérennité de l'entreprise et au droit de bénéficier de procédures de préventions dont la confidentialité imposée par la loi est indispensable à la bonne fin ; qu'elle ne peut non plus se prévaloir de ce que ces informations seraient justifiées par un débat sur des questions d'intérêt général, et garantirait le droit du public à recevoir ces informations, s'agissant des informations précises ci-dessus rappelées, intéressant non pas le public en général mais les cocontractants et partenaires de ces sociétés en recherche de protection ; que sans pouvoir être assimilés à des « personnes appelées à la procédure de conciliation ou au mandat ad hoc » ou à « une personne tenue par ces fonctions à la confidentialité », les tiers et parmi eux les organes de presse qui divulguent en connaissance de cause de telles informations confidentielles par nature commettent une faute susceptible d'engager leur responsabilité ; que tel est le cas en l'espèce, les informations publiées ayant entravé le cours des négociations comme l'a rappelé à plusieurs reprises maître C... G... ;

Sur le préjudice :

Considérant que les sociétés du Groupe Consolis chiffrent leur préjudice aux sommes dont le détail a été rappelé avec les demandes ; qu'elles invoquent pour fonder ces demandes une réduction du crédit fournisseur (préjudice de 60 808,30 euros subi par les sociétés Parma, Spenncon et VBI Verenigde Bouwprodukten Industrie BV) la réduction de la trésorerie disponible du fait de l'émission de cautions (préjudice de 461 317,30 euros subi par les sociétés Sateba et Bonna Sabla), leur incapacité en conséquence à honorer les échéances d'intérêts des mois de septembre et octobre 2012 et le coût du report du paiement des intérêts (préjudice de 585 160,30 euros pour l'ensemble des sociétés ) ;

Considérant que la société Mergermarket réplique que le lien de causalité entre ces fautes si elles étaient retenues et les préjudices allégués n'est établi ni d'un point de vue chronologique ni d'un point de vue matériel ;

Considérant que le Groupe Consolis verse aux débats une « note sur les tensions récentes de trésorerie » réalisé en mars 2013 par la société Price Waterhouse Coopers (la société PWC) en réponse à une demande formée en août 2012 ; que la société PWC indique ainsi dans son rapport que le Groupe a reçu des courriers de la part de plusieurs fournisseurs stratégiques (sociétés FN Steel, Nedri, D&D et Celsa) lui faisant part de leur volonté de réduire le crédit qu'ils lui accordaient jusqu'à présent et qu'après négociations, seules les sociétés FN Steel et Nedri ont obtenu une réduction des délais de règlement de 30 jours, entraînant une diminution de la trésorerie d'environ 1,1 à 1,2 millions d'euros à fin décembre 2012 et fin janvier 2013 par rapport à ce qu'elle aurait été si les conditions de paiement du 1er semestre 2012 avaient été maintenues ; que cette étude met également en évidence que les assureurs-crédit et les partenaires bancaires du groupe, qui apportaient précédemment leur caution sans demander aux sociétés du groupe de nantir de la trésorerie en contrepartie de l'émission de ces cautions, ont exigé ces nantissements en 2012 bloquant à ce titre 6,6 millions d'euros pour les seules sociétés Sateba et Bonna Sabla ; qu'enfin au cours du second semestre 2012 certains fournisseurs ont décidé de réduire leur volume d'activité avec le groupe, voire de cesser de travailler avec ce dernier ;

Considérant que cependant sur ce dernier point, la note fait état des déclarations du directeur des achats qui considère lui-même qu'il est difficile de quantifier l'impact réel sur la trésorerie lié à la réduction de son pouvoir de négociation vis à vis des fournisseurs, notamment en raison d'un contexte général faiblement inflationniste voire déflationniste pour certaines catégories d'achat, en terme d'évolution du prix des matières premières ; qu'il en résulte que si le raccourcissement imposé des délais de paiement et la pression sur la trésorerie en raison des garanties nécessaires sont des préjudices certains, le renchérissement du coût des fournitures et le départ de certains fournisseurs ne peuvent être imputés avec certitude à ces révélations ;

Considérant que le groupe Consolis n'a pas fait état de difficultés suite aux révélations sur un mandat ad hoc en 2010 et 2011 ; qu'en revanche il est établi que le 13 juillet 2012 le site d'information CapitalStructure a fait état de la demande par les sociétés du Groupe Consolis de la nomination d'un mandataire ad hoc et du mécontentement des créanciers qui n'en avaient pas été préalablement avertis ; que cette information, publiée quelques jours avant le site Debtwire a participé à l'inquiétude des partenaires du Groupe Consolis qui ont pu s'interroger sur sa situation financière ; que le site Debtwire a cependant été bien au-delà au cours de l'été et de l'automne 2012 en révélant le contenu même des négociations ; que l'impact sur les partenaires est suffisamment établi par la demande de cocontractants non inclus dans les négociations de réduire les délais de paiement ; que des partenaires financiers ont également exigé des nantissements pour délivrer des cautions ; que ces réactions ont accéléré les difficultés du groupe et compliqué les négociations ainsi que le traitement des affaires en cours comme en atteste M. Brousse, président de la société Consolis Holding, qui fait état de sa convocation par deux grands fournisseurs du groupe et du refus qu'il a dû opposer pour un acompte sur un grand chantier faute de garantie ;

Considérant que le rapport de maître G... sur la réunion plénière du 24 septembre 2012 fait cependant également ressortir que les pressions sur la trésorerie ne sont pas liées qu'aux seules divulgations d'informations confidentielles mais également à l'activité normale de la société qui, impliquant des avances de paiements, nécessitent des garanties qui mobilisent de la trésorerie ; que la seule révélation de la demande d'un nouveau mandat ad hoc est la source principale des inquiétudes des partenaires ; que la société Mergermarket a contribué à la faire connaître même si elle n'a pas été la première à le faire ; qu'elle a en revanche accentué la pression sur le groupe en publiant en connaissance de cause des informations confidentielles sur l'évolution des négociations ; qu'elle doit donc participer à la réparation du préjudice subi de ce fait par les sociétés du Groupe Consolis ;

Considérant que la remise en cause des délais habituels de paiement et la nécessité de consentir davantage de garanties est également le résultat, aux dires même des dirigeants, de l'activité normale du groupe et au démarrage de projets importants ; qu'il est de ce fait impossible d'imputer la totalité du coût du report des 14 190 715 euros prévus pour être payés au 22 octobre 2012 et finalement reportés début 2014 dans la mesure où le compte rendu du 24 septembre 2012 fait également apparaître que les contraintes sur la trésorerie sont en parties imputables aux précautions nécessairement prises en raison de la signature de contrats portant sur de gros chantiers ainsi que par la nécessité de « préserver de la trésorerie qui pourrait être utile en cas de mise en œuvre de restructurations sur l'exercice 2013 » ;

Que ces différentes causes ne permettent pas de mettre à la charge de la société Mergermarket la totalité des préjudices allégués mais justifie sa condamnation à participer à ces préjudices à hauteur de 30 % et à condamner la société Mergermarket à payer :

- aux sociétés Parma OY Ab, Spenncon AS et VBI Verenigde Bouwprodukten Industrie BV la somme globale de 18 242,49 euros au titre de la réduction du crédit fournisseurs,

- aux sociétés Bonna Sabla SNC, Bonna Sabla SA et Sateba Systeme Vagneux SA la somme globale de 138 395,19 euros au titre de la réduction de la trésorerie disponible du fait de l'émission de cautions,

- au titre du coût du report des échéances d'intérêts de septembre et octobre 2012 la somme totale de 175 548,09 euros, se répartissant comme suit :

- à la société Consolis Holding la somme de 30 650,70 euros

- à la société Consolis SAS la somme de 87 774,04 euros

- à la société Bonna Sabla SA la somme de 16 571,74 euros,

- à la société Consolis OY la somme de 12 183,04 euros,

- à la société Consolis Netherlands la somme de 26 104 euros,

- à la société Spenncon la somme de 2 264,57 euros

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme le jugement du tribunal de commerce de 29 octobre 2015, sauf en ce qu'il a déclaré recevables les sociétés Bonna Sabla SA, Consolis OY et Consolis Netherlands,

Et statuant à nouveau,

Dit que les publications faites par la société Mergermarket sur le site Debtwire les 26 juillet, 9 août, 25 septembre et 17 octobre 2012 sont fautives en ce qu'elles ont méconnu la confidentialité attachée aux négociations dans le cadre des procédures de mandat ad hoc et de conciliation ouvertes à la demande des sociétés du groupe Consolis,

Condamne la société Mergermarket à payer à titre de dommages-intérêts :

- aux sociétés Parma OY ab, Spenncon AS et VBI Verenigde Bouwprodukten Industrie BV la somme globale de 18 242,49 euros au titre de la réduction du crédit fournisseurs,

- aux sociétés Bonna Sabla SNC, Bonna Sabla SA et Sateba Systeme Vagneux SA la somme globale de 138 395,19 euros au titre de la réduction de la trésorerie disponible du fait de l'émission de cautions,

- au titre du coût du report des échéances d'intérêts de septembre et octobre 2012

- à la société Consolis Holding la somme de 30 650,70 euros

- à la société Consolis SAS la somme de 87 774,04 euros

- à la société Bonna Sabla SA la somme de 16 571,74 euros,

- à la société Consolis OY la somme de 12 183,04 euros,

- à la société Consolis Netherlands la somme de 26 104 euros,

- à la société Spenncon la somme de 2 264,57 euros

Condamne la société Mergermarket Limited à payer aux sociétés Consolis Holding SAS, Consolis SAS, Bonna Sabla SA, Bonna Sabla SNC, Sateba Systeme Vagneux SA, Consolis OY Ab, Parma OY Ab, Spenncon As, Consolis Netherlands B.V. et VBI Verenigde Bouwprodukten Industrie B.V. la somme globale de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Mergermarket Limited à payer à la SELARL FHB la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Mergermarket Limited de sa demande formée sur ce fondement,

Condamne la société Mergermarket Limited aux dépens de première instance et d'appel et pour ces derniers accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.